CzechInvest: un bilan exceptionnel, une structure fragilisée
La République tchèque affiche cette année des résultats records en terme d'investissements étrangers. L'agence CzechInvest, qui sert d'intermédiaire entre le pays et les bailleurs de fonds, a enregistré en 2006 176 projets d'investissement, pour une valeur totale de 4,6 milliards de dollars, c'est-à-dire plus en une année que les chiffres cumulés de 2004 et de 2005. Pourtant, la démission mi-avril d'un tiers des 330 salariés qu'emploie l'agence, risque de porter un coup sérieux à ses activités.
La destitution de Tomas Hruda, directeur général de CzechInvest, annoncée le 30 mars par le ministre de l'Industrie et du Commerce Martin Riman (ODS), s'est vue suivie d'une vague massive de démissions. Parmi elles celle du directeur général adjoint, Jakub Mikulasek. Ce dernier reste plus prudent que les analystes qui redoutent une déstabilisation du milieu des investissements, mais reconnaît l'ampleur du raz-de-marée :
« Le Ministre a choisi de placer sa personne au poste de directeur général de CzechInvest. C'est quelque chose qui n'est pas contestable, c'est son droit. Mais ce qui s'est passé, c'est qu'il l'a fait d'une manière un peu « spécifique ». La direction entière de CzechInvest a démissionné, moi-même, beaucoup de mes collègues : aujourd'hui il y a plus d'une centaine de démissions. Une centaine sur trois cents, cela fait beaucoup, surtout que sur cette centaine, il y a le top management, mais aussi le middle management. Donc tout cela va beaucoup changer. Aujourd'hui, la manière avec laquelle le ministre Riman a destitué Tomas Hruda, et le fait de lui faire succéder une personne à mon avis très peu expérimentée, mais de la bonne couleur politique, posent beaucoup de questions. »
Pour justifier ce changement, le gouvernement s'était appuyé sur un audit de l'agence gouvernementale, réalisé par le cabinet Price Waterhouse Coopers pour le ministère de l'Industrie et du Commerce. Le rapport d'audit avait, selon des sources gouvernementales, pointé des erreurs de management dans l'administration des fonds publics - en particulier européens - considérant notamment que 22 des 35 projets pour lesquels CzechInvest avait avancé des fonds risquaient de ne pas recevoir de financement communautaire :« CzechInvest n'était pas au courant qu'une étude de ce type était menée. C'est le Ministère qui l'a sortie un an après en disant que des erreurs avaient été commises. Mais si le Ministère savait qu'il y avait des problèmes sur certains aspects, il fallait le dire et traiter ces problèmes. PWC, avant de faire cette étude, nous avait audité et donné leur feu vert pour lancer le traitement des projets des fonds structurels. Donc d'un côté ils valident le système, y compris les aspects critiqués après, et quelques mois ou années après, ils disent avoir étudié 35 projets qui présentaient des risques. Il y a beaucoup de questions derrière cette étude. »
Avant la vague de démissions, 2/3 des employés de CzechInvest avaient pour tâche non pas d'attirer les investisseurs étrangers, mais de soutenir les PME tchèques, mission étroitement liée aux fonds structurels. Czech Invest est donc à ce titre un des acteurs majeurs du développement économique du pays. Selon certains observateurs, ce qui a été considéré comme une « purge politique » par Jiri Pehe, ancien conseiller politique de Vaclav Havel, n'est pas une erreur politique mais un pas vers l'asphyxie de CzechInvest. Le ministre Martin Riman évoquait en février dernier son intention de fusionner l'agence avec Czech Trade, l'organe de promotion du commerce tchèque. Pour l'ex-directeur adjoint de Czech Invest tout est une question de forme.
« Personnellement, je comprends ses raisons. Il y a deux agences qui travaillent de deux manières différentes. Il y a quelques pourcentages des activités qu'il vaudrait mieux mener ensemble. Tant la direction de CzechInvest que la direction de Czech Trade étaient ouvertes à cette stratégie. Mais aujourd'hui nous sommes dans une situation très délicate. Nous travaillons sur la nouvelle période de programmation 2007-2013, et nous avons beaucoup de mal, car nous avons besoin de plus d'employés, vu l'ampleur du budget. Il vaudrait mieux penser comment fusionner les deux agences à moyen terme, décider d'une feuille de route, évaluer les coûts et les avantages, et décider. Mais pas faire de déclaration aux médias en annonçant la fusion sans en discuter auparavant. »
Si la fragilisation des structures de CzechInvest pourrait constituer une menace pour la réussite des projets en cours, l'agence compte bien se montrer à la hauteur de l'événement qu'elle prépare pour le 21 mai 2007. Pour la première fois, une Semaine des centres de services partagés, les « shared services » en anglais, se tiendra dans l'Union européenne. Et c'est Prague, ainsi intronisée capitale des services mutualisés et externalisés, qui en sera l'organisatrice. De quoi conforter au bon moment CzechInvest dans l'une de ses activités les plus stratégiques.