Dans 100 jours, les Nations Unies s’invitent à Prague pour une 9ème édition de simulation
J-100, le compte à rebours est lancé pour l’édition 2020 du Model United Nations de Prague, une simulation de l’Organisation des Nations Unies (ONU) qui aura lieu du 2 au 6 février 2020.
Un regroupement d’étudiants en costumes, blazers, talons, au brushing impeccable et à la démarche assurée… Et bien non, il ne s’agit pas d’un gala ni d’un bal de promotion mais bien d’une simulation des Nations Unies. De plus en plus populaires, notamment en Europe occidentale, en Amérique du Nord comme du Sud, ou encore dans certains pays d’Asie comme la Chine ou l’Inde, ces manifestations ont également touché la Tchéquie depuis plusieurs années.
C’est sous le nom de Model United Nations (MUN) que des associations d’étudiants, qu’elles soient internes aux milieux universitaires ou extrascolaires, se réunissent dans une ville pour un jeu de rôle grandeur nature. A Prague, depuis 2012, l’Ecole supérieure d’économie (VŠE) organise chaque année une nouvelle édition du Prague Model United Nations. Anna Korienieva est la secrétaire générale de la conférence qui aura lieu en février 2020. Elle résume, au micro de Radio Prague International, l’esprit de l’événement :
« Model United Nations est une sorte d’exercice pour les étudiants de tous âges pour faire l’expérience des discussions au sein des Nations Unies. Pour quelques jours, ils enfilent le costume d’ambassadeurs, de ministres, hauts fonctionnaires et essaient de débattre sur des sujets urgents, de parvenir à des solutions. A la fin, ils doivent être capables de délivrer une résolution ou n’importe quel autre document résultant de leur travail. »Un travail qui repose avant tout sur le respect de la position du pays qu’ils représentent et la recherche du consensus même si cela peut aller à l’encontre de convictions personnelles. Chaque délégation se voit donc attribuer un pays à représenter tout au long de la conférence. Suivant le nombre de membres qui la composent, cette délégation sera répartie en différents comités qui traiteront d’un ou plusieurs sujets d’actualité. C’est sur ces sujets que les délégués devront se pencher et débattre à grands renforts de discours et de négociations avec d’autres étudiants, le tout dans la langue de Shakespeare.
Si l’objectif consensuel est simple, le chemin pour y parvenir n’est pas un long fleuve tranquille. Tout d’abord, les délégués doivent envoyer un « position paper » aux « chairs », c’est-à-dire les organisateurs du débat, pour clarifier la position de leur pays sur le sujet et proposer des pistes de réflexion. Puis les délégués doivent fournir un « working paper » comme brouillon des idées recueillies après discussion lors de la conférence, pour enfin rédiger une « draft resolution », un projet de résolution qui récapitule les résolutions qu’une coalition de pays souhaite adopter. Un jeu de rôle pas aussi simple qu’il n’y parait, que ce soit pour les délégués ou pour les organisateurs. On écoute Anna Korienieva :
« Nous choisissons un thème central qui représente le fil conducteur autour duquel s’articule la conférence. Cette année, le thème est : Promouvoir la diversité. Donc quand nous réfléchissons à des idées de sujets pour les comités, nous essayons de nous en tenir au thème principal ce qui peut être parfois compliqué à cause de comités très spécifiques comme cette année avec l’Union Africaine ou le Conseil économique et social des Nations Unies. On doit ainsi combiner, la pertinence du sujet, son importance dans l’actualité ainsi que son intérêt pour les délégués afin qu’ils puissent s’y reconnaitre. »
Si les délégués doivent plancher sur le sujet afin de préparer leur conférence, les organisateurs ont aussi leurs « devoirs » à faire puisqu’ils doivent préparer pour chaque comité des « background guides » destinés à apporter une base d’informations, de sources, de chiffres, comme point de départ pour d’autres recherches. Le tout est de fournir aux délégués les meilleures conditions afin de passer une bonne conférence. C’est ce qu’a ressenti Mona Cazin, étudiante française en 3ème année à Sciences Po Rennes, qui participé aux deux dernières éditions du MUN Prague grâce à l’association BATNA (Best Alternative to a Negociated Agreement). Elle envoie une délégation à Prague ainsi qu’une autre à Edimbourg en Ecosse :« Chacun va essayer de défendre les intérêts de son pays donc forcément, parfois, on se fait un peu ‘remettre à sa place’. Mais c’est vraiment bon enfant, c’est dans l’enceinte du débat et des conférences, et en dehors de ça on se retrouve tous le midi ou le soir pour les évènements sociaux (‘socials’), on découvre de nouvelles personnes, etc. En outre, les chairs, ceux qui encadrent le débat, sont assez bienveillants à Prague, je ne me suis jamais senti rabaissée soit parce que je ne parlais pas assez, soit parce que mon anglais n’était pas assez bon. Et ça, ce n’est pas le cas dans tous les MUN. »
inscription en indiquant quels comités sont destinés aux débutants, à ceux ayant déjà eu une expérience et enfin aux ‘experts’ nous raconte Mona. Elle se souvient de sa première conférence où elle représentait la Tunisie au sein de l’Union Africaine sur des sujets comme « Prévenir le terrorisme dans la région africaine » et « Eradiquer la corruption dans le secteur public conformément aux objectifs de l’agenda 2063 pour l’Afrique ».
Une équipe bienveillante qui aiguille les délégués dès leur Les « chairs » de son comité corrigent dans un premier temps son « position paper » envoyé en amont afin d’éviter tout faux pas et continuent d’aiguiller les délégués dans le débat. Celui-ci est rythmé par les périodes de discours qui peuvent se concentrer sur une facette d’un sujet à travers des « moderated caucus » ou bien donner lieu à des moments de discussion informelle si un délégué invoque un « unmoderated caucus ». Chaque proposition doit être validée par les « chairs » suivant un protocole bien précis qui résulte par un vote. Et parfois tout ne se passe pas comme prévu. On écoute Mona Cazin :« Pour être honnête, en deuxième année notamment, nous avons fait trois jours de débats sur chacun des sujets [‘L’impact de la corruption sur le développement économique’ et ‘Le blanchiment d’argent et son rôle dans le financement du terrorisme’, ndlr¬] et à la fin, aucune proposition n’est passée. C’est un peu rageant sur le coup parce qu’on a vraiment travaillé pour faire quelque chose qui rassemble un peu tout le monde et finalement nous n’y sommes pas arrivés. Mais bon c’est aussi la réalité : l’ONU a du mal à trouver des consensus entre des intérêts très différents. Donc je pense que c’est une bonne expérience laboratoire de ce qui se passe dans la réalité. »
Mais comme Mona et Anna aiment le rappeler, le MUN, c’est aussi de la découverte. Et cette découverte passe notamment par l’organisation de « socials » ou événements de rencontre entre les délégués. Le MUN de Prague invite ainsi les participants, après les sessions de débat, à déguster de la cuisine tchèque, à participer à des soirées de comités, etc. L’occasion pour les délégués de rencontrer d’autres étudiants venus de pays différents, car si le MUN Prague est le plus grand d’Europe Centrale, pour Anna Korienieva ça ne fait pas de doute, sa renommée est internationale :
« La plupart des étudiants viennent de pays européens. Plus particulièrement, les plus grandes délégations que nous accueillons viennent de France, un phénomène que je pense être dû à la grande popularité des MUN dans ce pays. Ce dont nous sommes fiers, c’est d’accueillir une délégation de l’Arabie Saoudite qui vient à notre conférence depuis plusieurs années déjà. Ils apportent leur degré de diversité et sont excellents. Cette année, ils envoient deux délégations, masculine et féminine, le résultat de longues négociations réalisées par leurs responsables. Concernant les ‘chairs’, les candidatures viennent du Mexique, de la Pologne, évidemment de République tchèque mais également d’Israël qui envoie aussi une délégation. J’ose donc dire que nous avons une aura internationale. »Malgré cette aura internationale il y a un déficit de participation tchèque à la conférence. Est-ce une culture du MUN qui n’est pas assez imprégnée en Tchéquie ou bien un désintérêt plus profond pour les relations internationales Pour Anna Korienieva, elle-même originaire d’Ukraine, le fait que seule la moitié du bureau soit composé de Tchèques en dit long. Une chose est sûre : chaque étudiant est le bienvenu avec pour seule condition une majorité de 18 ans. Et si vous doutez encore de vos compétences pour rejoindre le Conseil de Sécurité, l’organe d’égalité des genres UN Women ou encore le conseil des droits de l’Homme parmi les comités de cette année, Mona Cazin réussira peut-être à finalement vous convaincre :
« N’hésitez plus et lancez-vous parce que vous pourrez toujours en tirer quelque chose de bénéfique. »
Que vous soyez seul ou en délégation, les inscriptions en tant que délégué ou même bénévole sont encore ouvertes sur le site praguemun.cz.