Des lycéens francophones de Tchéquie deviennent eurodéputés
La semaine dernière à Prague, des élèves tchèques francophones venant de sept lycées différents à travers la République tchèque se sont rassemblés à l’Institut français à l’occasion d’une simulation de Parlement européen organisée conjointement par l’Institut et le directeur du campus de Sciences po Dijon, Lukáš Macek.
Près de 90 lycéens se sont réunis le 13 avril autour d’un projet de simulation du Parlement européen. Les lycées Matyáš Lerch de Brno, Bohumil Hrabal de Nymburk, Pierre de Coubertin de Tabor, Pavel Tigrid d'Ostrava, Jan Neruda de Prague ainsi que le lycée français de Prague et le lycée slave d’Olomouc se sont prêtés au jeu. Installés dans le cinéma « Kino 35 » de l’Institut de Prague, les élèves se sont immédiatement regroupés selon le rôle et le groupe politique qui leur avait été assigné 24 heures plus tôt. Après un bref discours de remerciements, Lukáš Macek n’a pas manqué de rappeler que la France était actuellement présidente du Conseil de l’Union européenne et qu’elle serait suivie par la République tchèque dès le mois de juillet.
Eric Playout, attaché de coopération pour le français à l’Institut :
« L’objectif de la simulation du Parlement européen est d’abord de mettre en réseau des élèves qui sont de différents lycées, sept lycées dans tout le pays, et qui ont un niveau de français suffisant pour pouvoir travailler ensemble. Le deuxième objectif est de sensibiliser les jeunes au fonctionnement des institutions européennes. Souvent elles sont opaques, mal connues. C’est une occasion de mieux comprendre leur fonctionnement et en particulier cette institution essentielle qu’est le Parlement européen. Un troisième objectif est l’art de la négociation, savoir comment négocier, trouver des compromis, trouver un consensus. Ce sont des choses qui s’apprennent et qui ne sont pas spontanées. Il y a un quatrième objectif qui est pour nous très important, et c’est un des objectifs de l’Institut français : soutenir l’apprentissage de la langue française. C’est un très bel exercice ou les élèves peuvent mettre en valeur leur apprentissage scolaire dans un cadre pas du tout scolaire. La parole est totalement libre et ils s’expriment comme ils ne l’ont jamais fait en langue française. »
En effet, la langue française était au cœur de tous les débats. Lukáš Macek a rapidement rappelé qu’en session plénière les élèves devaient parler français, mais que le tchèque ou d’autres langues n’étaient pas prohibés lors des réunions en petits groupes.
« J’ai été élue présidente du Parlement européen »
L’exercice de prise de parole a débuté dès les premières minutes puisque la journée a été introduite par une élection pour la présidence du Parlement. Six candidats se sont alors présentés et ont dû prononcer un discours en se mettant dans la peau de leur personnage. Un exercice parfois compliqué par la langue à adopter, le français. Anna Capounova, candidate pour le parti social-démocrate a remporté ces élections après de nombreux débats entre les participants.
Anna : « Je viens du lycée français de Prague. La raison pour laquelle je suis là est que j’aimerais, moi-même, poursuivre des études de droit. Je voudrais à l’avenir devenir ambassadrice de mon pays, la République tchèque. C’est une bonne opportunité de voir comment ça marche. Il y a un instant, j’ai été élue présidente du Parlement européen. »
« Mon rôle est celui d’une eurodéputée de la Pologne pour le groupe social-démocrate. Je viens de la Pologne, un pays qui a connu au 20ème siècle le pire de l’histoire. Plus que personne je suis consciente de l’importance d’une Europe unie, d’une Europe démocratique, et d’une Europe qui dialogue malgré nos différences »
Les professeurs ont été contactés il y a quelques semaines par Lukáš Macek. Ce dernier a alors insisté sur l’aspect ludique de l’évènement et n’a donné aucune instruction de préparation et aucun prérequis nécessaire à la participation.
« Nous n’avons presque pas préparé cette session plénière avec les élèves. Ils ont eu un entretien avec nous puis avec Monsieur Macek par internet. Ils ont eu une fiche de rôle il y a 24 heures. Ils savent qui ils doivent jouer, quelles appétences politiques ils ont et de qui ils sont proches ou pas. Ils doivent jouer un rôle. Ce n’est pas parce qu’ils sont dans un parti dans le jeu qu’ils le sont véritablement. Il y a pas mal de petits jeux à l’intérieur. Bien entendu, on leur a expliqué quels étaient les partis et comme ils fonctionnaient. »
« Quinze jours plus tôt ils ont pu contacter les membres groupes politiques et faire connaissance. Il n’y avait pas vraiment de préparation spéciale. Monsieur Macek a toujours souligné que c’était un jeu, et ils ont pris cet évènement comme un jeu et c’est ce qui marche très bien. »
« En ce qui nous concerne, nous avons suivi les conseils, c’est-à-dire compté sur l’improvisation, l’énergie et l’enthousiasme des élèves donc on a demandé aux élèves de venir seulement s’ils se sentaient motivés par le jeu. »
Mieux comprendre le fonctionnement du Parlement européen
Après la pause-déjeuner, au cours de laquelle les élèves ont pu continuer de faire connaissance, chaque groupe politique devait travailler sur une proposition de résolution du Parlement et proposer trois amendements. Un atelier permettant de mieux comprendre le fonctionnement de l’institution et notamment de la prise de décision.
Les élèves ont également pu s’exprimer sur leur ressenti et ce qui les avaient motivés à tenter l’expérience. Certains ont manifesté un intérêt très particulier pour la politique, d’autres se sont laissés porter par leur curiosité.
« Je viens du lycée français de Prague et je suis la vice-présidente du parti des verts. Je me suis dit que venir ici était une possibilité de s’ouvrir l’esprit et de voir comment fonctionne le Parlement. Je trouve bien qu’on puisse organiser cela car les lycéens ont la possibilité de manifester leur citoyenneté qui est encore très récente et très fraîche. »
Antonin : « Je viens du lycée français de Prague. J’ai le rôle d’un député du groupe gauche du Parlement européen, un groupe qui a des penchants anticapitalistes et communistes. Je participe car je n’avais pas d’idées de comment pouvait fonctionner le Parlement européen, mais aussi pour prendre la parole. Toute à l’heure je me suis présenté pour la présidence mais je n’ai pas gagné. J’ai trouvé que c’était une expérience enrichissante. »
Alexandre: « Mon rôle est celui de député pour le parti social-démocrate et je viens de Croatie. Je m’intéresse à ce projet car je suis déjà allé voir certaines de ces institutions et je m’intéresse à la politique et à l’Union Européenne. Et faire un jeu auquel je peux moi-même participer ça m’a paru incroyable. »
Jan : « Je suis un élève du lycée bilingue de Brno et j’étudie le français depuis six ans. Je suis ici pour essayer de négocier, communiquer avec les gens, de se parler. C’est d’après moi la chose la plus importante, de communiquer entre nous et de créer en quelque sorte l’Europe de demain. »
« C’est très difficile car nous avons beaucoup d’idées à exprimer et c’est difficile de les formuler et de ne rien oublier. Ça m’arrive souvent d’oublier de dire quelque chose mais il faut s’habituer. Après cinq ou six fois à parler devant tout le monde ça devient plus facile. »
Jan participait également ce week-end à un autre rassemblement de lycéens internationaux à Paris dans le cadre du programme « Lycée d’Europe ». Un événement réunissant des jeunes de toute l’Europe autour du thème commun de la citoyenneté européenne.
Jan : « C’était un évènement qui s’appelle lycée d’Europe, c’est une réunion de jeunes lycéens de toute l’Europe à l’occasion de la présidence de la France au conseil de L’Union européenne. Ça devait se passer en février à Strasbourg mais malheureusement ça a été annulé à cause de la Covid. On s’est connecté et nous avons fait le travail en ligne. Puis on s’est rencontré à Paris pour qu’on puisse se voir et faire des choses ensemble. Nous avons présenté ce que nous avions fait à Monsieur ministre de l’Education française. C’était une expérience très agréable. »