Dans la presse tchèque aussi, l’indignation face à la situation en Biélorussie

Au sommaire de la revue de la presse tchèque de la semaine écoulée : l’indignation après le détournement d’un avion par le régime de Minsk, de la politique intérieure avec un remaniement ministériel pas comme les autres, ou encore la situation de certains médias tombés en disgrâce et les enjeux de l’électromobilité en Tchéquie. 

Les zones d’instabilité se rapprochent. L’auteur d’une note publiée sur le site echo24.cz l’a constaté au lendemain du détournement d’un avion de Ryanair par la Biélorussie et l’arrestation du journaliste Roman Protassevitch qui se trouvait à bord :

Raman Pratassevitch | Photo: ČTK/AP

« Pendant longtemps, l’Union européenne pouvait être considérée comme un îlot de stabilité, de démocratie et de l’Etat de droit. Elle devait constituer un noyau de gravitation appelé à attirer d’autres pays. C’est pourtant le contraire qui se passe. Après les conflits en Irak et en Syrie, on a pu suivre, l’année écoulée, celui entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, deux pays qui, selon certains critères, appartiennent à l’Europe. Avec le dernier acte de piraterie aérienne réalisée par Minsk contre un vol entre les capitales de deux de ses pays membres, l’Union européenne se trouve au cœur d’opérations ennemies ».

Un commentaire publié sur le site novinky.cz ajoute :

« L’Union européenne est habituée à faire preuve de solidarité mais souvent ses déclarations prévalent sur les actes. Evidemment, il est impossible de pousser le président Loukachenko à démissionner. Ce qu’elle peut et doit pourtant faire, c’est soutenir davantage les dissidents biélorusses et accentuer sa pression en vue d’obtenir la libération du journaliste arrêté et d’autres opposants au régime enfermés. »

Selon le commentateur du site novinky.cz, le détournement de l’avion a aussi confirmé le bien-fondé de la décision de retirer à la Biélorussie l’organisation des Championnats du monde de hockey sur glace qui se déroulent actuellement à Riga. « Pour les dictateurs, les critiques qui ne sont pas accompagnées de démarches pertinentes ne constituent qu’une nébuleuse verbale », souligne-t-il.

L’auteur d’une note publiée dans le quotidien Lidové noviny de ce jeudi craint que le comportement du président Loukachenko puisse constituer une inspiration à suivre. Il explique :

« Les sanctions à l’égard du régime biélorusse que l’Europe a mises en place ne vont pas probablement ébranler la position du dictateur biélorusse. Tant que l’on n’arrivera pas à trouver des sanctions plus dures, la tentation de reproduire son acte sera élevée. Le vol en avion deviendra alors dangereux ou cher. Ou bien les deux ».

Quand la réalité devient plus aiguë qu’une satire

« On aime dire qu’en Tchéquie, il n’est pas possible de créer une satire politique, car la réalité la dépasse. Aussi exagérée cette phrase ait elle pu jusqu’ici paraître, elle décrit néanmoins parfaitement la situation actuelle ». C’est ce que l’on peut lire dans un commentaire publié dans le quotidien économique Hospodářské noviny concernant le départ du ministre de la Santé Petr Arenberger et son remplaçement par Adam Vojtěch, qui avait quitté ce même poste à l’automne dernier. Nous citons :

Adam Vojtěch | Photo: Jiří Ovčáček,  Bureau du Président de la République tchèque

« Il s’avère que les réserves de cadres dont le Premier ministre Andrej Babiš dispose sont à sec. De ce fait, il choisit un ministre super loyal qui avait dirigé le ministère déjà pendant la première vague de la pandémie. Tragique et comique à la fois, la vitesse des cinq successions au poste de ministre de la Santé pendant la crise du coronavirus et en une seule année est unique à l’échelle mondiale. L’Italie des années 1980 aurait de quoi pâlir de jalousie. »

Le comble, selon le commentateur de Hospodářské noviny, c’est le retour d’Adam Vojtěch, « un remaniement ministériel le plus bizarre dans l’histoire de la Tchéquie ».

L’auteur d’un commentaire publié dans le quotidien Mladá fronta Dnes estime que le chef du gouvernement a l’habitude de remplacer ses mauvais ministres par d’autres qui sont pires encore. « Toutefois, Adam Vojtěch, le nouveau ministre précédemment démissionnaire, répond aux paramètres du moindre mal, car connaissant le portefeuille et jouissant d’une cote élevée auprès des médecins et du public », écrit-il.

Le quotidien Lidové noviny remarque pour sa part que le ministre Vojtěch a devant lui toute sorte de tâches dont en premier lieu celle consistant à convaincre les personnes qui hésitent à se faire vacciner ».

Le site aktualne.cz a tout simplement constaté qu’Adam Vojtěch, « le ministre trop gentil », était de retour avant de s’interroger : « le Premier ministre Andrej Babiš va-t-il le réprimander de nouveau en public ? », comme il l’avait fait dans lors d’une conférence de presse très remarquée.

Les médias en disgrâce

L’hebdomadaire Respekt, le site Seznam Zprávy, le blog de Deník N et deux rédactions de la Télévision publique tchèque : ce sont les médias auxquels la chancellerie présidentielle ne veut plus fournir d’informations. Tout ceci dans le cadre « de la lutte contre la désinformation », comme elle l’a indiqué sur son site officiel. Respekt a répondu de la manière suivante :

Miloš Zeman | Photo: Twitter de Jiří Ovčáček

« Cette décision ne va pas changer beaucoup de choses, car le porte-parole présidentiel s’abstient depuis un certain temps déjà de répondre aux questions que notre magazine lui adresse. Cette approche est par principe inacceptable, car elle n’est pas compatible avec la loi. Mais, fidèles aux règles d’un bon journalisme, on continuera à écrire au sujet du ‘Château’ (siège du Président de la République) et à lui donner de l’espace pour s’exprimer, car les acteurs publics doivent être soumis à un contrôle public ».

Un commentateur du site seznamzpravy.cz remarque, sur un ton ironique, que par sa déclaration, la chancellerie présidentielle a donné au public, inconsciemment et gratuitement, une recommandation se rapportant aux médias et aux programmes qu’il vaut la peine de suivre.

Le site hlídacípes.org a pour sa part rapporté que la pratique des hostilités à l’égard des journalistes concernait également le domaine sportif, certains clubs refusant de communiquer avec les médias critiques ou de leur accorder des accréditations :

« Dissimuler les informations critiques et donner de l’espace exclusif à celles qui sont flatteuses. Cette règle qui était jusqu’ici pratiquée notamment dans la sphère politique se fait désormais plus marquante, aussi, dans le sport. Le refus de l’accréditation pour le Grand steeple chase de Pardubice à un photographe de l’agence ČTK, car sa photo de la chute mortelle d’un cheval a été jugée comme peu éthique, en est un des derniers exemples. »

Les enjeux de la mobilité électrique en Tchéquie

« L’électromobilité est une bombe à retardement ». Tel est le titre d’un texte qui a été publié sur le site E15 et dans lequel son auteur se penche sur certains enjeux de ce moyen de transport concernant la Tchéquie :

Photo: Michal Malý,  ČRo

« Il existe beaucoup de questions qui sont liées à l’électromobilité et qui pourtant ne sont pas soulevées dans les débats publics. Le tout au moment où les dirigeants politiques veulent dépenser aux fins du développement de la mobilité électrique des milliards de couronnes. Il s’agit en premier lieu de savoir s’il existe des garanties sur un nombre suffisant de stations et de bornes de recharge pour véhicules électriques et d’expliquer comment le pays voudra y parvenir. »

L’aspect sécuritaire de l’électromobilité est un autre point dont on ne parle pas assez, indique le commentateur du site E 15 avant d’ajouter :

« Une autre menace, c’est que la Tchéquie pourra devenir une poubelle chimique de l’Europe. Les nouveaux véhicules électriques sont effectivement tellement chers qu’ils seront inaccessibles pour la majorité de la population tchèque. Dans cette logique et pour satisfaire la demande, on peut alors s’attendre au développement du marché des véhicules électriques d’occasion. »

L’auteur de ce texte admet que l’électromobilité constitue un concept intéressant et inspirateur. C’est pourtant vers une trottinette électrique que vont prioritairement ses sympathies. « Par rapport à un véhicule électrique, on voit une différence de quelque 500 kilogrammes de piles », explique-t-il.