Revue de la presse tchèque : populisme pré-électoral et affaire Feri
Sous quelles formes s’exprime le populisme à l’approche des élections législatives ? Tentative de réponse dans cette nouvelle revue de la presse de la semaine écoulée. Les soupçons d’agression sexuelle qui pèsent sur un jeune député et influenceur sera un autre sujet traité. Le magazine s’intéressera également aux liens particuliers entre les Tchèques et les Biélorusses. Il y sera également question du déconfinement et d’une nouveauté concernant les noms de famille des femmes tchèques.
Trois formes de populisme se disputeront les faveurs des électeurs lors des élections législatives qui se dérouleront en octobre prochain. C’est du moins ce qu’estime un commentateur du quotidien économique Hospodářské noviny :
« Les programmes présentés par les différents partis et coalitions dévoilent un fait intéressant : les élections constitueront un test qui permettra de savoir quelle forme de populisme a le vent en poupe actuellement en Tchéquie. Le populisme primitif est représenté notamment par le mouvement ANO d’Andrej Babiš qui va de pair avec celui du Parti social-démocrate (ČSSD). La proposition d’augmentation des pensions de retraite au dessus de la valorisation obligatoire et en dépit des capacités du budget de l’Etat en est une des dernières preuves. Dans cette catégorie, on peut également classer le parti d’extrême-droite SPD de Tomio Okamura. »
Une autre forme du populisme tchèque actuel est plus modérée. Celui-ci est pratiqué par la coalition Spolu composée de trois partis de droite et de centre-droite, ODS, TOP 09 et KDU-ČSL. A l’instar du mouvement ANO, ils font des promesses qui ne prennent pas en considération la situation des finances publiques. « Toutefois, à la différence du populisme primitif, leur tactique diffère par le fait qu’ils font semblant de disposer d’un plan structuré », écrit le commentateur de Hospodářské noviny avant de brosser les principales caractéristiques du populisme futuriste représenté par la coalition électorale du parti Pirate et du mouvement STAN :
« Tout en laisssant de côté les questions d’ordre financier, ses principaux acteurs prétendent que grâce à eux, la Tchéquie va connaître une transformation miraculeuse. La 5G pour sept millions de personnes, des dizaines de milliers de stations de recharge et de bornes pour véhicules électriques, 100 000 nouveaux appartements. Autant de promesses difficilement réalisables. »
« Il sera donc intéressant sera d’observer pour quelle forme de populisme les électeurs tchèques se décideront », conclut le commentateur.
La société tchèque face à une affaire d’agression sexuelle
« La Tchéquie connaît sa première grande affaire d’agression sexuelle liée à une personne connue et influente. On est tenté de dire : enfin, et ce pour plusieurs raisons. » C’est ce qu’indique un texte publié dans le journal en ligne Deník Referendum en lien avec le scandale concernant le jeune et très populaire député du parti TOP 09 Dominik Feri, un des influenceurs tchèques les plus en vue, accusé par plusieurs femmes de harcèlement et d’agression sexuelle. Le commentateur du journal a expliqué :
« S’il faut saluer le fait que cette affaire émerge, c’est d’abord parce que les pratiques de Dominik Feri qui se comportait en prédateur sexuel étaient un secret de polichinelle, comme l’indiquait le titre d’un article détaillé publié parallèlement par les périodiques Deník N et A2larm. De même, on peut espérer que cette affaire permette d’ouvrir un débat sérieux sur les violences sexuelles en Tchéquie. Un débat permettant de tirer de cette expérience une leçon et d’en ressortir comme une société plus forte, plus sensible et plus sage. Les jeunes filles et les femmes ne devraient plus connaître ce qu’avaient à vivre les générations précédentes qui n’étaient pas habituées à dénoncer des comportements sexuels inappropriés et encore moins à en accuser leurs auteurs. »
« C’est une grande opportunité », souligne le commentateur de Deník Referendum tout en admettant que le débat sera houleux et qu’il donnera probablement lieu à la diffusion de toute sorte de réactions sur les réseaux sociaux. Les réactions à l’affaire ont été effectivement très mitigées. Pour beaucoup, la décision de Dominik Feri de démissionner de ses fonctions de député et de retirer sa candidature aux prochaines élections législatives n’était pas une nécessité, mais un acte digne d’admiration. « Ce qui est en tout cas significatif, c’est qu’au lendemain de l’éclatement de l’affaire, l’attention a été beaucoup plus tournée vers Dominik Feri que vers les femmes anonymes concernées », observe-t-il encore.
Les Tchèques et les Biélorusses : des liens pas comme les autres
Tout comme la semaine écoulée, l’hebdomadaire Respekt a réservé une grande place à la situation en Biélorussie et au détournement d’un avion de Ryanair par Minsk avec à son bord le journaliste Roman Protassevitch. La couverture de la semaine affichait même une phrase en cyrillique appelant à la libération du journaliste. Son rédacteur en chef a expliqué à ce propos:
« Les liens entre les Biélorusses et notre pays sont évidents. La Tchéquie est devenue un refuge pour beaucoup d’artistes, d’étudiants et d’activistes biélorusses. Les hôpitaux tchèques ont accueili à plusieurs reprises des manifestants blessés, tandis que la diplomatie tchèque n’a eu de cesse d’exprimer son soutien aux Biélorusses avides de liberté. Mais nous devons être plus actifs encore. Evidemment, on ne saurait sauver la terre entière, mais c’est justement la Biélorussie que nous pouvons choisir comme pays vers lequel tourner notre attention et adresser notre aide. Riches de notre propre expérience historique, nous sommes bien disposés à comprendre les sentiments des Biélorusses et les événements qu’ils sont en train de vivre. »
Les interrogrations qui accompagnent le déconfinement en Tchéquie
Le nouveau déconfinement en Tchéquie permet notamment aux restaurants d’accueillir à nouveau les clients à l’intérieur ne fait pas l’unanimité auprès des experts en épidémiologie. Le ton de certains commentaires est également assez critique. Dans celui publié sur le site aktualně.cz et intitulé « La loi pandémique est devenue une arme de destrution massives », on peut lire :
« En raison des erreurs commises tant par les dirigeants que par les partis d’opposition, la Tchéquie pourrait être confrontée à l’automne à une cinquième vague de coronavirus. Il s’avère effectivement que la loi pandémique à partir de laquelle le pays entend dompter le virus est si mal conçue, qu’elle exclut toute stratégie raisonnable. Or, elle ne peut pas décréter, par exemple, l’interdiction de circuler dans des localités affectées par la diffusion de nouveaux variants du coronavirus. »
Selon le commentateur du site aktualně.cz, il paraît incroyable que même après plus de douze mois depuis le début de la pandémie, la Tchéquie ne dispose toujours pas d’un cadre juridique opportun pour lutter contre la pandémie. Une situation qui est, selon lui, « dévastatrice tant sur le plan épidémiologique qu’au vu du maintien de l’ordre démocratique dans le pays ».
« -ová », un suffixe qui suscite la controverse
Les femmes tchèques auront-elles bientôt le droit de choisir d’accoler ou non le traditionnel suffixe féminin –ová à leur nom de famille ? Pour que cet amandement révolutionnaire issu des rangs de la Chambre basse du Parlement prenne effet, il faudra encore l’approbation du Sénat et la signature du président de la République. Karel Oliva, ancien directeur de l’Institut pour la langue tchèque qui s’est confié au quotidien Mladá fronta dnes est à ce sujet catégorique :
« J’espère bien que les femmes tchèques seront raisonnables et ne profiteront pas de cette possibilité qui leur est offerte. Dans le chaos que cette nouveauté provoquerait, les gens auraient du mal à se comprendre. »
L’actuel chef de cette institution, Martin Prošek, croit pour sa part que le nouvel amendemant, s’il entre bel et bien en vigueur, n’entraînera pas une propagation massive des noms de famille dépourvus du suffixe féminin –ová. Il l’a expliqué dans le quotidien Lidové noviny de ce jeudi :
« Une telle situation provoquerait des complications en matière de la communication. Les femmes qui ont déjà essayé cette pratique confirment que les gens ne savaient pas comment les aborder (Mme Novák ou Mme Nováková ?) ou s’il faut décliner leur nom et comment. Il s’avère que les noms de famille sans le suffixe –ová risquent de semer la zizanie ».