Dans son discours de Noël, le président Zeman a distribué des bons et mauvais points sans surprise

Miloš Zeman, photo: ČTK

Comme il est de tradition, le président tchèque a prononcé son discours de Noël, samedi, jour de la saint Etienne et jour férié en République tchèque, depuis sa résidence de Lány. Un discours dans lequel il a distribué ses bons et mauvais points et qui, une fois de plus, n’a guère fait l’unanimité au sein de la classe politique. Evoquant par ailleurs la crise migratoire, il s’est une nouvelle fois distingué par des propos anti-réfugiés qui n’ont pas manqué de faire réagir également.

Miloš Zeman,  photo: ČTK
C’est par un satisfecit donné au gouvernement de coalition en place que le président tchèque Miloš Zeman a entamé ses vœux de Noël à la nation. S’il a invité à un « optimisme prudent et critique », le chef de l’Etat tchèque s’est toutefois félicité de la bonne santé économique du pays, de la croissance en hausse, de la hausse du salaire moyen et des retraites, ainsi que du faible taux de chômage :

« Hormis Malte, la République tchèque est à la première place dans l’Union européenne en termes de croissance économique. C’est un vrai succès et j’aimerais pour cela remercier nos employés, nos employeurs, mais également féliciter le gouvernement tchèque pour sa politique économique. Comme l’a dit le ministre des Finances, le gouvernement a ‘débouché’ l’économie. J’ajouterai qu’il l’a libérée de la camisole de force imposée par les précédents gouvernements de droite. »

Si le Premier ministre social-démocrate Bohuslav Sobotka (ČSSD) a évidemment apprécié la valorisation du travail de son cabinet, il n’en est pas allé de même dans l’opposition qui n’a guère goûté la critique adressée à son encontre. Miroslav Kalousek, chef du parti de droite TOP 09 :

Miroslav Kalousek,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
« Le président donne dans le mélange des genres. Il parle des compétences du gouvernement ou du Parlement, mais nous n’avons rien entendu sur son action propre, sur ce qu’il fait en tant que chef de l’Etat. Mais peut-être est-ce mieux ainsi… »

Une des critiques souvent formulées à l’encontre de Miloš Zeman est le manque de vision globale pour son pays, alors même que le président tchèque, tel que son rôle est défini par la Constitution, ne dispose pas de prérogatives régaliennes très importantes, mais est davantage une autorité morale. Marian Jurečka, vice-président du parti chrétien-démocrate (KDU-ČSL), regrette que le président Zeman ne prenne pas plus de hauteur par rapport à l’actualité présente :

« J’attendrais d’un homme d’Etat, du président, une plus grande vision de la société tchèque et du pays, une vision sur le long terme, sur les dix, vingt, cinquante années à venir. De même, j’attends qu’il parle des vrais problèmes du monde, pas uniquement de la migration, mais aussi de la crise en Ukraine par exemple. »

Une petite place a toutefois été accordée par le président Zeman dans son discours, à ses ambitions pour son pays :

Photo: Barbora Kmentová
« Ma vision est un rapprochement progressif de notre pays du modèle scandinave de l’Etat social, un modèle basé sur deux piliers. Sur une forte imposition, ce qui est évidemment peu populaire, avec une imposition progressive des revenus des personnes physiques où les plus riches paieraient des impôts relativement plus importants. Mais également sur le fait que les revenus des impôts sont réinvestis dans le secteur public, c’est-à-dire l’éducation, la santé, la science et la recherche. »

Enfin, s’exprimant sur la politique étrangère, Miloš Zeman s’est félicité de la diplomatie économique de son pays, vis-à-vis de partenaires tels que la Chine ou la Corée du Sud, et fidèle à son antienne actuelle anti-migrants, il est surtout revenu sur l’actuelle crise migratoire qu’il a qualifiée d’« invasion organisée » :

« Parfois je me sens comme Cassandre, qui met en garde contre le cheval de Troie. Je suis profondément convaincu que nous faisons face à une invasion organisée, et non à un mouvement spontané de migrants. La compassion est possible à l'égard des personnes âgées, des malades et des enfants. Mais une grande majorité des migrants illégaux sont des jeunes hommes en bonne santé, et célibataires. Je me demande pourquoi ces hommes ne prennent pas les armes pour aller se battre pour la liberté de leur pays, contre l'Etat islamique. »

Photo: Dragan Tatic,  CC BY 2.0
Le président Zeman a évoqué dans ce contexte l'exemple des Tchèques ayant quitté leur pays sous l'occupation nazie afin de « se battre pour la liberté de leur pays et non pour recevoir des allocations sociales en Grande-Bretagne ». Ces propos particulièrement controversés ne sont toutefois pas une nouveauté, puisque que le chef de l’Etat tchèque a participé le 17 novembre dernier à un rassemblement anti-immigration et anti-islam, organisé à Prague par un mouvement xénophobe. Il fait en outre écho au discours ambiant dans la société puisque selon un récent sondage, 70% des Tchèques s'opposeraient à l'entrée de migrants et de réfugiés dans leur pays.

Des voix se sont toutefois élevées pour critiquer ces déclarations, en l’espèce, le Premier ministre Bohuslav Sobotka qui a estimé que le président Zeman était « resté dans ses préjugés et son habituelle simplification des choses ».