Dans son discours de Noël, Zeman fait du Zeman

Miloš Zeman, photo: ČTK / Michal Krumphanzl

C’est un exercice obligé pour les chefs d’Etat, auquel se plie toujours manifestement bien volontiers le président tchèque, jamais avare de petites phrases et conseils : Miloš Zeman a prononcé, mercredi, son traditionnel discours de Noël, retransmis dans la plupart des grands médias tchèques. Dans le premier discours de Noël de son second quinquennat, il s’en est, entre autres, à nouveau pris aux services de renseignement, estimant leurs mises en garde contre les espions russes et chinois infondées, et a également critiqué les récentes manifestations appelant à la démission du gouvernement.

Miloš Zeman,  photo: ČTK / Michal Krumphanzl

« Manifester pour le renversement, c’est-à-dire la démission du gouvernement, alors que nous avons des élections libres, c’est une façon de mépriser la volonté des électeurs. »

Se référant aux manifestants qui appellent plus précisément à la démission d’Andrej Babiš, Miloš Zeman a donc à la fois réaffirmé son soutien à celui-ci, mais aussi choisi de ne pas reconnaître la légitimité de ces mouvements de protestation. Pour lui, manifester contre la hausse des prix du carburant comme le font les « gilets jaunes » en France est compréhensible, mais pas contre un gouvernement formé suite à une victoire par les urnes. Quand bien même son Premier ministre fait l’objet de poursuites judiciaires dans une affaire de fraudes présumée aux subventions européennes pour son centre récréatif du Nid de Cigognes.

Autre vague « hystérique » selon le chef de l’Etat tchèque, l’« espionomanie ». Ce néologisme, créé par Miloš Zeman comme lui seul en a le secret, fait référence au récent rapport du Service de renseignement et de sécurité (BIS) qui met en garde contre la recrudescence d’activités des agents chinois et russes sur le territoire tchèque. Grand ami de la Russie de Vladimir Poutine et de la Chine de Xi Jinping, où il s’est rendu à de multiples reprises, le président tchèque a presque tourné en dérision les conclusions du BIS :

« Ceux qui nous mettent constamment en garde contre les espions font de nous des êtres irresponsables et manipulables qui ne sont pas capables de se défendre tous seuls. »

Un discours du chef de l’Etat tchèque ne serait pas complet sans une petite pique à peine déguisée aux médias. S’appuyant sur un récent sondage qui donne l’armée et la police comme les institutions les plus respectées des Tchèques, la télévision et la presse écrite arrivant en queue de peloton, Miloš Zeman a désigné les journalistes par un autre néologisme intraduisible, mais qui correspond à qu'en France on désigne comme les « bien-pensants » :

« Si nous observons la structure de ces personnes, on se rend compte que les médias sont souvent constitués de commentateurs qui, tous les jours, écrivent sur des sujets différents mais qu’ils n’y comprennent pas grand-chose. Ces gens veulent nous donner des conseils. (…) Je vous en prie : écoutez les gens qui ont fait leurs preuves dans la vie et acceptez leurs conseils. Au contraire, ignorez ceux qui donnent des conseils sans avoir fait leurs preuves dans la vie. »

Dans le reste de son discours, Miloš Zeman est revenu sur l’année politique écoulée, saluant la formation d’une coalition gouvernementale entre le mouvement ANO d’Andrej Babiš et le parti social-démocrate, soutenu par les communistes, il s’est félicité de la position de fermeté de la Tchéquie et des autres pays du groupe de Visegrád contre les quotas d’accueil des réfugiés et a soutenu l’engagement militaire tchèque à l’étranger.

Il s’est à nouveau exprimé en faveur de l’instauration d’une participation électorale obligatoire : rappelant que l’élection présidentielle qui a vu sa réélection en février dernier avait attiré près de 70% des électeurs aux urnes, Miloš Zeman a déploré que cette participation soit tombée à 47% lors du scrutin municipal de l’automne. S’inspirer de la Première République tchécoslovaque dont on a fêté le centenaire de la fondation en octobre dernier et qui avait instauré le principe du vote obligatoire, permettrait, selon le chef de l’Etat tchèque, d’augmenter le nombre d’électeurs et de forcer les partis politiques à « s’activer davantage ».

Contrairement aux années précédentes, le discours de Noël de Miloš Zeman n’a pas été source de polémiques. Si certains de ses opposants ont estimé qu’une fois de plus ses déclarations divisaient la société, il y a peut-être une forme d’habitude dans la répétition des thématiques connues du chef de l’Etat tchèque. Une habitude qui se reproduira encore quatre ans.