David Cadier : « Il faut bien comprendre la perception tchèque de la politique étrangère européenne » (II)

Nous retrouvons aujourd’hui David Cadier, doctorant au centre d’Etudes européennes de Sciences-Po et au Cefres. Dans la suite de cet entretien consacré à la politique étrangère de la République tchèque, David Cadier s’intéresse plus particulièrement aux quatre pays dits de Visegrád, la République tchèque, la Slovaquie, la Pologne et la Hongrie. Au micro de Radio Prague, ce jeune chercheur compare ainsi leurs relations avec la Russie.

« Au sein des ces quatre pays de Visegrád, on peut constater trois attitudes différentes qui évoluent plus ou moins, mais qui en tout cas durant ces dernières années sont plus ou moins vérifiées. Premièrement, nous avons la Pologne qui a une approche plutôt confrontationnelle vis-à-vis de Moscou : les relations polono-russes ont été marquées par plusieurs tensions, notamment sur la question de l’embargo russe vis-à-vis de la viande polonaise, tensions qui s’étaient matérialisées au niveau européen puisque Varsovie avait mis son veto à la négociation d’un nouvel accord de partenariat avec la Russie. Deuxième pays, la République tchèque : la République tchèque a des relations bilatérales avec la Russie meilleures que dans le cas de la Pologne, car du point de vue identitaire ces relations sont moins chargées, mais une approche malgré tout plutôt pragmatique et plutôt méfiante vis-à-vis de Moscou, principalement autour de la question de la promotion des droits de l’homme qui est un des piliers de la politique étrangère tchèque. Ensuite, nous avons la Hongrie et la Slovaquie. La Hongrie cherche à ne pas irriter Moscou, à ne pas prendre la Russie de front. Et la Slovaquie qui depuis quelques années et l’accession de Robert Fico au gouvernement a une approche assez novatrice et assez différente de ce qu’on pourrait attendre de ces pays puisqu’elle refuse ouvertement de décrire la Russie comme une menace pour sa sécurité et cherche au contraire à l’intégrer notamment sur les questions énergétiques. Ce qu’on voit avec cet exemple slovaque, c’est qu’en Europe centrale, les différentes formations politiques ont différents avis sur la question russe et qu’en fonction des changements de gouvernement il peut avoir des changements assez importants dans les relations avec la Russie. »

Vous vous êtes intéressé au projet de radar en République tchèque, un important sujet de politique intérieure qui divise. Que peut nous apprendre ce projet de radar sur le rôle de la République tchèque sur la scène européenne ?

« C’est en effet un cas intéressant, encore une fois dans une perspective comparative. Car on voit que la Pologne et la République tchèque n’accordent pas la même signification à ce projet de radar. Il y a des deux côtés une volonté de maintenir une présence militaire américaine en Europe, c’est un aspect fondamental de la politique étrangère de ces pays depuis des années. Et c’est évidemment hérité de l’histoire. En revanche la République tchèque perçoit cette participation au projet américain un peu comme une façon de réaffirmer l’ancrage de la République tchèque dans ce qu’ils appellent la zone ‘euro-atlantique’. Tandis qu’à Varsovie, plusieurs fois dans les discours de politique étrangère on voit que ce projet est presque explicitement présenté comme une protection par rapport à la Russie. Alors que, officiellement, dans le discours américain, c’est évidemment un bouclier qui est là pour enrayer des menaces balistiques émanant du Moyen-Orient et de l’Iran en particulier. »