De la corruption à l'éthique d'entreprise : l'économie tchèque entre ange et démon

La République tchèque doit établir sans délai la responsabilité des personnes morales en matière de corruption transnationale et mettre en place des sanctions efficaces. Telle est la conclusion d'un rapport du Groupe de travail de l'OCDE sur la corruption. Composé de 36 pays, ce Groupe de travail a aussi relevé les progrès de la République tchèque dans la lutte contre la corruption dans le cadre du commerce international. Le pays a ainsi adopté une loi refusant la déduction fiscale des pots-de-vin versés à l'étranger.

La République tchèque est classée 46e sur les 163 pays analysés par le Répertoire de la Perception de la Corruption (CPI) pour l'année 2006. Le travail de certains experts a montré un lien étroit entre la corruption et l'investissement direct étranger. Certains investisseurs tirant avantage de pratiques illégales de bakchichs, on donne de l'argent sous le manteau afin d'accélérer une procédure ou pour éviter de payer la taxe légale.

Certains spécialistes mettent clairement en avant le rôle des investisseurs étrangers, qui détiennent la majeure partie des banques tchèques. La République tchèque fait d'ailleurs partie des 20 premiers pays mondiaux en terme d'investissements directs étrangers.

Le régime communiste tchécoslovaque était corrompu jusqu'à la moelle et ce fait était de notoriété publique en Tchécoslovaquie. La stratégie consistait souvent à réussir à tirer profit du système, un moyen à la fois d'aider des amis et, symboliquement, de lutter contre la logique inégalitariste du régime.

Aujourd'hui, les cas de corruption économique se retrouvent dans de nombreux domaines : délivrance de visas, permis de construire, création de nouvelles entreprises sur le Registre du commerce, etc. La Chambre de Commerce britannique en République tchèque a fait paraître, sur son site Internet, un code de conduite morale pour le commerce. Si l'initiative est louable, on doute de son efficacité. Elle montre en tout cas que le problème est réel en République tchèque.

Les voisins d'Europe centrale - voir ceux d'Europe occidentale - ne s'en tirent pas nécessairement mieux. Une étude Ernst & Young a été publiée en avril dernier sur la corruption, le comportement anti-éthique et la fraude dans huit pays européens, parmi lesquels la France, la République tchèque et la Hongrie. Cette enquête a été conduite par les employés de différentes multinationales.

50 % d'entre eux ont affirmé que leur hiérarchie mettait en place des règles différentes pour eux-mêmes et pour leurs employés. La portée d'une telle étude n'est pas anodine. Selon un expert d'Ernst & Young, l'exemplarité du manager est essentielle : de nombreux employés tendent à baser leurs projets de carrière sur le modèle de leur manager. Si celui-ci est adepte de pratiques malhonnêtes ou injustes, n'est-ce pas l'avenir qui est en jeu ?

Sur la scène de l'économie tchèque, le tableau est loin d'être tout noir. Au coeur de nouvelles tendances, il y a le concept de Responsabilité Sociale de l'Entreprise (CSR), une politique qui remonte à la fin des années 80 et met en avant la responsabilité éthique des acteurs du business.

Le CSR encourage ainsi les chefs d'entreprises à harmoniser leurs stratégies avec les besoins de leurs employés mais aussi des investisseurs et des actionnaires. Tous sont concernés. En 1995, Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, avait en outre mis une organisation dans le droit fil du CSR, avec le Forum des Managers Tchèques. Concrètement, l'«altruisme économique» a sensibilisé quelques grandes entreprises.

Depuis 2002, la banque Ceska sporitelna consacre environ 5 millions de couronnes de son budget à diverses causes : le projet Ecologie, qui favorise la protection de l'environnement, ou encore Sananim, une Organisation non gouvernementale qui lutte contre la dépendance à la drogue.

CSA, la compagnie nationale des lignes aériennes, coopère avec la Fondation Tereza Maxova, qui oeuvre dans le domaine de l'éducation des enfants. Citons encore la brasserie Plzensky Prazdroj, qui a donné 23 millions de couronnes dans les secteurs du sport, de l'éducation et des droits de l'homme. D'autres entreprises s'improvisent mécènes en soutenant de grands événements culturels, comme la compagnie nationale d'électricité CEZ, sponsor principal du Festival International du Film de Karlovy Vary et de l'Opéra National.

L'idée d'un commerce humain, si ce n'est humanitariste, met un certain temps à se répandre en République tchèque. Les causes : les taxes et la loi, qui découragent les volontés les plus charitables. Les déductions fiscales pour l'incitation aux dons ont certes augmenté, passant de 2 % en 1993 à 10 % en 2006, mais ces niveaux restent inférieurs à ceux que pratiquent les voisins de la République tchèque.

D'après une étude de l'ECNL, un centre de recherche basé à Budapest, la Pologne et la Hongrie offrent des déductions d'impôts généreuses, qui atteignent 20 % et plus encore pour certains domaines classés haute priorité : l'éducation, la santé et les soins sociaux. Pour de nombreux spécialistes, la cause du problème réside dans le manque de volonté politique. Un sondage de l'UE datant de 2004 montrait que 64 % des entreprises interrogées en République tchèque connaissent le concept de Responsabilité sociale de l'entreprise mais que 80 % n'ont aucun projet allant dans ce sens.

La société tchèque, heureusement, donne une meilleure image du pays. Selon une étude de l'UNICEF, il y a eu, entre 1991 et 2006, 35 000 donateurs individuels et 6 000 dans le cadre d'associations. Seuls six des dons à l'UNICEF proviennent des entreprises, le reste émane de particuliers...