Décès d’Aleš Veselý, sculpteur d’œuvres commémoratives de la Shoah

Aleš Veselý, photo: ČTK

Le 14 décembre dernier est décédé le sculpteur tchèque Aleš Veselý, à l’âge de 80 ans. Né le 3 février 1935 à Čáslav, il a consacré une grande partie de son travail à des œuvres commémorant la Shoah, ayant lui-même perdu une grande partie de sa famille dans les camps de concentration. Portrait.

Aleš Veselý,  photo: ČTK
« Après Auschwitz, écrire de la poésie est barbare ». L’injonction du philosophe Theodor Adorno aurait très bien pu s’appliquer à l’art en général. Et pourtant… Adorno est lui-même revenu sur ses propos et la création artistique, l’inspiration par l’art s’est avérée plus puissante que la pulsion mortifère née de la Shoah.

Certains artistes ont choisi d’y consacrer une partie de leur travail. C’était le cas du sculpteur tchèque Aleš Veselý, décédé à la mi-décembre, à l’âge de 80 ans. L’une de ses œuvres emblématiques a été inaugurée au printemps dernier à la gare de Prague-Bubny. Intitulée « Porte du non-retour », l’œuvre représente une sorte de voie ferrée dressée vers le ciel, érigée devant la gare de Prague-Bubny, lieu de l'embarquement en 1941-1945 de Juifs tchèques déportés. L’ancienne gare ferroviaire doit d’ailleurs être transformée d'ici 2017 en un lieu de mémoire, baptisé Mémorial du silence et consacré à tous ces disparus. Aleš Veselý s’en expliquait au moment de l’inauguration de cette sculpture :

'Porte du non-retour',  Aleš Veselý,  photo: Mojmir Churavy,  CC BY-SA 4.0 International
« J’ai senti que c’était une sorte de devoir pour moi. Un devoir vis-à-vis de toutes les personnes qui sont passées par là, mais aussi vis-à-vis de mes proches qui ont fait partie de ces transports et qui ne sont jamais revenus. »

Aleš Veselý est apparu sur la scène artistique tchèque au tournant des années 1950-1960. Au début, il se consacre au dessin et à la peinture, mais très vite il s’intéresse davantage à l’assemblage de matériaux, d’objets, à la création d’installations. Bientôt, c’est la sculpture qui devient son moyen d’expression privilégié, et tout particulièrement la sculpture monumentale. Il se penche sur ses racines juives et le judaïsme qui devient un thème récurrent de son œuvre, comme le détaille l’historien de l’art Tomáš Pospiszyl :

« On trouve déjà ce thème dans l’une de ses œuvres-clé des années 1960, une sculpture monumentale intitulée Kaddish. Il l’a achevée en 1968 et c’est sans doute l’une des plus importantes sculptures de l’art tchèque des années 1960. Elle rappelle également le destin de la population juive dans les pays tchèques. »

'Kaddish',  Aleš Veselý,  photo: © City of Prague
Et plus précisément Kaddish est une œuvre créée par Aleš Veselý après le décès de son père. Aleš Veselý a créé jusqu’à sa mort : il était également l’auteur de la sculpture « Force de la fatalité » inaugurée cette année à Terezín, cet ancien ghetto juif installé pendant la Seconde guerre mondiale par les nazis dans l’ancienne forteresse de l’impératrice Marie-Thérèse, en Bohême du nord.

Aujourd’hui, les œuvres d’Aleš Veselý se trouvent dans de nombreuses institutions d’art ou espaces publics à travers le monde, à New York, Paris, ou Tokyo, faisant de lui un des artistes tchèques les plus significatifs de l’époque contemporaine, comme le souligne encore Tomáš Pospiszyl :

« Aleš Veselý est sans conteste un des plus grands sculpteurs tchèques de l’après-guerre. Il est intéressant de voir comme son œuvre a évolué. Quand on regarde ses débuts, au tournant des années 1950-1960, il s’intéressait à la création informelle. Dans les années 1960, il a découvert un autre aspect de sa création, plus existentialiste. Dans les années 1970 et 1980, il s’est consacré à des sculptures beaucoup plus monumentales, inspirées par des visions presque cosmiques… »