Décès de Jakub Halík qui a vécu 200 jours avec des pompes mécaniques à la place du cœur

Jakub Halík (août 2012), photo: CTK

« Un pompier tchèque vit sans cœur depuis six mois » - il y a une dizaine de jours, l’annonce a rempli les rubriques « insolite » de nombreux journaux étrangers. Sur les photos, un jeune homme au visage pâle et aux joues creuses, mais souriant. A côté de son lit d’hôpital, un gâteau d’anniversaire. En effet, le 3 octobre dernier, Jakub Halík a fêté les six mois qui s’étaient écoulés depuis une ablation du cœur. Maintenu en vie grâce à deux pompes mécaniques, en attendant de trouver un donneur, Jakub Halík est décédé samedi dernier, comme vient de l’annoncer son équipe soignante. Malgré cette triste nouvelle, le cas du jeune pompier, âgé de 37 ans, représente un succès incontesté de la médecine tchèque : jusqu’alors, un seul patient au monde avait survécu, en 2011, à Houston, aux Etats-Unis, à une opération du même genre, mais il est mort une semaine plus tard.

Jakub Halík  (août 2012),  photo: CTK
Suite à une tumeur cancéreuse importante, Jakub Halík avait subi une ablation de son organe vital en avril dernier. Il n’avait pas pu bénéficier immédiatement d’une transplantation cardiaque car les médicaments contre le cancer sont incompatibles avec la greffe. Les médecins savaient tout de même que les pompes mécaniques ne seraient qu’une solution temporaire pour le patient : depuis le mois d’août, Jakub Halík était donc sur la liste d’attente pour une transplantation du cœur. Ce mercredi, son cardiologue Jan Pirk du centre de médecine expérimentale IKEM à Prague s’est expliqué sur les causes probables de son décès :

« La seule cause que nous connaissons pour l’instant est une défaillance du foie, dont les fonctions se sont détériorées ces derniers temps. Mais nous ignorons pour l’instant la cause principale, celle-ci ne sera connue qu’après des examens microscopiques. L’autopsie a toutefois démontré que les pompes fonctionnaient bien, elles étaient parfaitement absorbées par le corps. Il n’y avait donc aucun obstacle mécanique à la circulation du sang. »

Jakub Halík  (août 2012),  photo: CTK
Jakub Halík a donc été le premier patient à avoir vécu, presque 200 jours, sans pouls. Le médecin Ivan Netuka du centre IKEM explique :

« Les pompes sont construites avec des turbines qui travaillent avec une fréquence de 10 à 12 mille tours à la minute et pompent ainsi le sang. Puisqu’il s’agit d’une turbine, le débit sanguin est non pulsatile. »

En termes de greffes d’organes, la médecine tchèque est réputée dans le monde entier. Les spécialistes effectuent plus de 600 transplantations par an. En République tchèque, il n’existe pas de limite d’âge pour ce type d’opération, l’âge moyen des patients étant de 52 ans. Le seul problème qui se pose est le nombre insuffisant d’organes de substitution… Si le cas de Jakub Halík reste pour l’instant unique, d’après Jan Pirk, un des cardiologues les plus en vue dans le pays, cette situation pourrait changer :

Jan Pirk,  photo: Jan Sklenář,  Radio tchèque
« L’utilisation des pompes est assez courante en cardiologie. Sauf que, dans ces cas ‘classiques’, le cœur n’est pas enlevé. En général, le ventricule droit fonctionne bien et la pompe remplace le ventricule gauche. Vous savez, les premiers stimulateurs cardiaques, inventés dans les années 1960, avaient la dimension d’un réfrigérateur. Aujourd’hui, ils ne sont pas plus grands qu’une boîte d’allumettes. Le premier greffé du cœur du professeur Barnard a survécu douze jours. Nous, nous avons un patient greffé en 1984 et il est toujours en bonne santé. La médecine continuera de progresser et je suis persuadé qu’un jour, les patients pourront vivre avec des pompes plusieurs années. »

L’opération expérimentale des spécialistes tchèques sera discutée lors du congrès de cardiologie qui se déroulera en décembre prochain en Allemagne. Rappelons aussi la tenue, fin octobre, à Prague, du symposium Prague Transplant Connection. Parmi ses invités, le chirurgien tchèque Bohdan Pomahač, auteur des premières opérations de greffes totales de visage, à l’hôpital de Boston.