Une vie qui continue avec un nouveau cœur
La première transplantation du cœur dans l’ancienne Tchécoslovaquie a eu lieu dans la capitale slovaque, Bratislava, il y a quarante ans. Elle n’a pas réussi : le cœur de la patiente n’a fonctionné que pendant cinq heures. Ce n’est que seize ans plus tard, en 1984, qu’une étape heureuse des greffes du cœur a démarré. On écoute le professeur Jan Pirk de l’IKEM, l’Institut de médecine clinique et expérimentale, à Prague.
« En ce qui nous concerne, nous ne nous sommes engagés dans cette voie qu’à partir au moment où le programme des transplantations a été sérieusement préparé. La preuve – un des patients qui a subi la greffe du cœur en 1984 et qui est troisième a en avoir bénéficié, est toujours en vie et en bonne santé. »
Alena Lhotová, 60 ans, est interprète et traductrice du français. C’est à l’âge de 41 ans qu’elle est tombée malade et que les médecins lui ont dit qu’elle allait avoir besoin d’une transplantation du cœur.
« Je n’en revenais pas, je me disais à l’époque, ce n’est pas possible, j’ai deux enfants, je ne peux pas subir une opération si risquée. A l’époque, j’étais choquée, je ne pouvais pas imaginer qu’un jour, ça pouvait se produire. »
Peu après, l’état de santé d’Alena qui était tout le temps sous surveillance médicale, a commencé à s’améliorer. Elle travaille et vit plus ou moins normalement. Cela a duré dix ans. La transplantation devient pourtant nécessaire quand Alena fête ses 51 ans. Elle s’en souvient :
« La dernière année avant l’opération, c’était vraiment le martyre. A un moment donné, je me suis retrouvée à l’hôpital, après une crise très très grave du cœur. Après cette crise, tout était clair. J’ai été tellement malade que les médecins ont décidé de faire une transplantation. Et comme j’allais mal et comme j’étais plus ou moins préparée, j’étais prête, j’ai signé cet accord. j’ai dû attendre longtemps cette opération, presque une année entière. En plus, c’était une deuxième tentative, parce que quinze jours avant cette transplantation, il y avait eu une certaine chance d’avoir un donneur. Pendant presque trois jours, j’ai attendu sans manger, presque sans boire, et au bout de ces trois jours, il s’est avéré que ce n’était pas le donneur idéal. Après ces trois jours d’incertitude, j’ai commencé à manger un peu et attendre une fois encore… J’étais très impatiente et je priais Dieu qu’il me permette de subir cette opération, car à l’époque, vraiment, au bout d’un an d’attente, j’allais vraiment mal. »
L’opération a finalement eu lieu. Comment t’es-tu sentie après ?
« Je me suis sentie très très bien. Je me souviens du moment où on m’a réveillée. C’était quatre heures après que les médecins m’aient endormi. C’était un moment d’euphorie. Il y avait quelqu’un qui voulait me transporter du lit d’opération en me prenant dans les bras et j’étais tellement en forme que je lui ai dit : mais écoutez, pas besoin que vous me preniez dans les bras, je peux me déplacer toute seule. »
Quand as-tu pu reprendre tes activités professionnelles ?
« Très vite. Avant l’opération, j’étais dans une chambre toute seule, j’avais mon ordinateur portable avec moi pour supporter toute cette situation d’inquiétude, d’incertitude et d’attente. J’en ai donc profité pour traduire, pour continuer la traduction que j’étais en train de faire. J’ai continué lentement, car je ne pouvais pas travailler à plein temps bien sûr, mais une heure, deux heures au maximum par jour. Je ne pouvais pas plus. Et après l’opération, je suis restée à l’hôpital, mon ordinateur était toujours là et j’ai pu continuer à faire mes traductions. Donc je peux dire que j’ai pu reprendre mes activités tout de suite après. »
Est-ce une seconde vie pour toi ?
«Non, ce n’est pas une seconde vie. C’est une vie qui continue, une vie qui continue bien. C’est vrai que ce cœur m’a permis de vivre plus longtemps, ce cœur m’a permis de continuer mes activités comme si j’avais été en bonne santé. Je n’ai pas changé. Je n’ai pas acquis grâce à cette opération une autre identité psychique ou morale… Mais je ne peux pas m’empêcher parfois de penser à cette donneuse – tout ce que je sais d’elle c’est que c’était une jeune femme de 36 ans qui est décédée par hasard dans un accident de voiture – et c’est vrai qu’au début, les premiers mois, j’ai pensé souvent à elle avec beaucoup de reconnaissance et de gratitude, mais après un certain temps, je me suis rendue compte que son cœur est désormais devenu le mien et que c’est mon cœur et il faut dire que depuis un certain temps, je ne pense plus à elle. »
Au-tu envie de rencontrer d’autres greffés du cœur ?
« Je les vois, je les vois régulièrement, parce que j’ai des contrôles à l’hôpital. Tous les mois, j’ai des prises de sang, les greffés donc, je les vois tous les mois et je dois dire que cela me suffit. J’ai une vie normale et je les vois à chaque fois avec beaucoup de plaisir c’est vrai, mais grâce à cette opération, je peux vivre une vie normale et je ne ressens vraiment pas besoin de les voir ou de les rencontrer plus souvent. »