Décès de la reine Elizabeth II, qui avait décoré Václav Havel

Elizabeth II à Prague 1996

Au lendemain du décès de la reine Elizabeth II, les hommages des personnalités tchèques se sont multipliés, évoquant son service à la monarchie britannique, mais aussi sa force de symbole et son empathie. En 1996, sa visite historique en Tchéquie avait déplacé les foules et marqué les esprits.

Véritable globe-trotteuse, la reine Elizabeth II a visité, au cours de ses 70 ans de règne, quelque 116 pays. En mars 1996, elle avait effectué une visite officielle en République tchèque, un des événements d’Etat les plus importants dans l’histoire moderne du pays. Une visite de trois jours en compagnie de son mari, le prince Philip, et durant laquelle ils s’étaient rendus sur le pont Charles et au Rudolfinum, mais aussi à Brno.

Une visite de trois jours

Elizabeth II à Prague 1996 | Photo: Mierny Otto  Ballon,  ČTK

En effet, le couple royal britannique avait explicitement demandé à visiter la capitale morave, surprenant ainsi les dirigeants tchèques, qui leur avaient proposé des « classiques » tels que « Český Krumlov, Litomyšl et Kutná Hora », comme se souvient le chef du protocole au château présidentiel, Miroslav Sklenář. Il reconnaît néanmoins que cette « visite a été un succès fantastique, [avec] des foules de gens sur la place de Brno, des foules de gens le long de la route... » Un accueil « inoubliable » que la reine mentionnait d’ailleurs dans la lettre de remerciements qu’elle a adressée à Václav Havel quelques jours après cette première – et unique – visite officielle en République tchèque.

Ombres au tableau : les accords de Munich…

Point culminant de ce séjour en Tchéquie, un dîner de gala au château de Prague. Portant un toast, la reine Elizabeth y avait mentionné les accords de Munich en disant qu’il s’agissait de « la seule ombre » pesant sur les relations tchéco-britanniques.

Au cours de son séjour, la reine Elizabeth II s’était bien évidemment entretenue avec Václav Havel. Elle lui avait remis la grand-croix de l’ordre du Bain, l’une des plus hautes distinctions britanniques. Václav Havel avait quant à lui décoré la reine de l’ordre du Lion blanc, première classe, avec la Chaîne de l’ordre réservée aux chefs d’Etat.

… et le chien de Havel

La rencontre entre Václav Havel et Elizabeth II aurait néanmoins pu prendre une mauvaise tournure : incorrigible metteur en scène, le président tchèque s’était mis en tête de présenter à la reine sa chienne Ďula, un « schnauzer assez vif qui mordait tous ceux qui travaillaient avec Václav Havel », se souvient encore Miroslav Sklenář. Le chef du protocole s’était alors empressé d’avertir la délégation britannique, mais il avait été vite rassuré : « la reine sait comment s’occuper des chiens », lui avait-on répondu. Václav Havel avait par la suite lui-même constaté que son chien « respectait la reine ».

Photo: News Pictures / Royalfoto / ČTK

Le président tchèque s’était également dit « très enthousiaste » de cette visite – d’autant qu’elle n’était « pas du tout une évidence » – et conscient du fait que « sommeillait [dans la société tchèque] un sens de l’importance des autorités, des signes et des symboles ».

Václav Havel avait rencontré la souveraine britannique pour la première fois à Buckingham Palace, en février 1990, alors qu’il était président de la République fédérale tchèque et slovaque. Une rencontre qui avait posé les bases des relations économiques et commerciales entre les deux pays.

De prisonnier à chef d’Etat

Ancien porte-parole de Havel et ancien ambassadeur à Londres, Michael Žantovský accompagnait le président tchécoslovaque lors de cette première visite. Lorsqu’elle avait remis ses lettres de créances à l’ambassadeur, vingt ans plus tard, Elizabeth II avait évoqué cette première rencontre, se souvenant avoir demandé à Václav Havel « comment c’était, de sortir de prison et de devenir chef d’Etat », question à laquelle Havel avait répondu en disant qu’il « n’aurait pas été surpris du tout si on était venus venu à Buckingham Palace à ce moment-là pour l’emmener ». « Aucun président ne m’a jamais dit cela auparavant », aurait alors constaté Elizabeth II.

Karel III.

Karel III. | Photo: Kirsty Wigglesworth,  ČTK/AP

Après celle que les Tchèques appelaient couramment « Alžběta druhá » (Alžběta II.), c’est son fils Charles – que les médias tchèques ont déjà officiellement rebaptisé, après consultation de l’Institut pour la langue tchèque, « Karel třetí » (Karel III.) – qui a accédé au trône de la monarchie britannique.

S’intéressant particulièrement à la science et à l’innovation, Charles III a déjà visité Brno à plusieurs reprises, sa dernière visite remontant à 2010. Pour son intérêt pour l’environnement et le développement durable, ainsi que pour son implication dans le domaine caritatif, il s’était alors vu remettre la Grande médaille d’or de l’Université Masaryk de Brno. L’actuel Premier ministre Petr Fiala, qui était alors recteur de l’université, avait par la suite souligné le fait que le débat avec le prince Charles « ne s’était pas déroulé dans les platitudes », mais qu’il avait été « très humain et ouvert ».