Démolition des bâtiments Transgas à Prague : faut-il préserver l’architecture socialiste ?
Plus rien n'empêche désormais la démolition de l'ensemble d'immeubles Transgas, situé dans la rue Vinohradská, au centre de Prague, juste à côté du siège de la Radio publique tchèque et à proximité du Musée national. La destruction de ces édifices représentatifs de l’architecture brutaliste est contestée par certains spécialistes, ainsi que par le Club pour la vieille Prague.
Le complexe de bâtiments Transgas servait à l’époque de siège pour l’opérateur du gaz tchécoslovaque. C’est d’ailleurs pourquoi les trois édifices sont interconnectés par des tunnels rappelant des tuyaux de gaz. Il s’agit, nous l’avons dit, d’un exemple de l’architecture brutaliste, au même titre que d’autres édifices pragois et tchèques de cette même époque, à savoir le centre commercial Kotva, le bâtiment de l’ancienne Assemblée fédérale non loin de celui de Transgas, la Nouvelle scène du Théâtre national de Prague ou encore l’hôtel Thermal de Karlovy Vary.
Historien de l’architecture, Zdeněk Lukeš explique :
« Le brutalisme est un style né dans les années 1950 en Europe occidentale et aux Etats-Unis. Il a été très populaire dans les années soixante, où il a commencé à être employé en Tchécoslovaquie. Son nom vient du mot anglais ‘brutal’. Cela veut dire que les architectes, par exemple le Britannique Denys Lasdun, employaient l’acier ou le béton ce qui donnait un caractère brut et rude aux bâtiments. En Tchécoslovaquie, cette architecture était parfois un peu ‘brutale’ même par rapport au milieu où elle était mise en œuvre. Les architectes de l’époque pensaient pouvoir construire n’importe quoi n’importe où, sans respecter les particularités de telle ou telle localité. »
L’année dernière, le propriétaire actuel du bâtiment Transgas, la société HB Reavis, a demandé la destruction de celui-ci auprès de la municipalité de Prague. Une décision contestée par un groupe d’historiens de l’art issus de plusieurs universités et écoles d’art tchèques, ainsi que par les membres du Club pour la vieille Prague. Ils ont tous échoué à faire classer l'édifice au patrimoine de la ville. Cette inscription aurait été la seule façon de sauver le complexe de la destruction. Les bâtiments Transgas représentent pour eux un exemple exceptionnel de l’architecture des années 1970 qui combine les éléments du brutalisme, du technicisme et de l’art post-moderne.
Toutefois, pour Zdeněk Lukeš, la sauvegarde des bâtiments de ce type d’avère pour le moins problématique :
« Certains édifices construits dans ce style sont particulièrement réussis et méritent d’être conservés, comme par exemple l’hôtel InterContinental situé rue Pařížská, en plein centre de Prague. Mais la valeur d’autres bâtiments est discutable, surtout du fait qu’ils ont été construits avec des matériaux de mauvaise qualité, comme cela était courant sous le régime communiste. Les constructions en acier sont souvent victimes de corrosion. A l’époque, les maisons n’étaient pas bien isolées, car le gaz et l’électricité étaient bon marché et il était possible de surchauffer les bâtiments. Rénover et entretenir ces vestiges du passé communiste est parfois plus coûteux que de les démolir et construire de nouveaux bâtiments à la place. »C’est bien ce qui arrivera sous peu aux bâtiments Transgas. La société HB Reavis, propriétaire des lieux, envisage d’y construire un centre administratif moderne, selon un projet du studio Jakub Cigler Architekti. Ce nouveau centre devrait être inauguré début 2021. Mais avant cela, d’importants travaux de démolition seront engagés à proximité immédiate de la Radio tchèque…