Quel futur pour l’architecture socialiste ?

Photo: Anna Pleslová

Des bâtiments gris et déprimants. Des coulées de béton uniformes qui ne s’adaptent plus dans le paysage urbain. Des blocs, enfin, qui rappellent une histoire qu’on aimerait parfois n’avoir jamais connue. Ils sont là, souvent à l’abandon, fétichisés par les uns et honnis par bien d’autres. Qu’en faire ? Voici la question posée par l’exposition « Iconic Ruins? », ouverte à la Galerie du Centre tchèque de Prague jusqu’au 15 mai.

En partenariat avec le Goethe Institut et Shared Cities, cette exposition ne se contente pas d’un regard passéiste: si elle retrace l’histoire de l’architecture socialiste dans les pays du groupe de Visegrad, elle met également en scène les propositions des étudiants en architecture aux Beaux-Arts de Bratislava quant au futur de ces bâtiments.

En guise de vernissage, les organisateurs avaient organisé le 17 avril une conférence-débat sur les possibilités de réintégration de ces « ruines iconiques ». Igor Kovačević du CCEA, le centre de l’architecture en Europe centrale, dont il est l’un des principaux fondateurs, était le modérateur de ce débat qui réunissait des architectes et théoriciens de Tchéquie et des pays voisins. Il nous en explique les problématiques.

« Une idée essentielle de ce débat était de trouver et d’identifier les bâtiments que l’on devrait conserver. Et pour ce faire, on doit se débarrasser de cette approche classique sur la protection du patrimoine, telle qu’elle a pu être évoquée pour les bâtiments baroques : bien sûr, si on parle des églises baroques ou même de n’importe quel bâtiment du genre, ils ont de la valeur au vu de leur architecture, de leurs sculptures et peintures, mais surtout, ils ont des fonctions spécifiques. »

Photo: Anna Pleslová

Transgas, où quand le débat arrive trop tard

Protéger ces bâtiments, ce n’est donc pas les conserver absolument tels quels, mais les réintégrer au cœur de la société et de la ville, quitte à en reconvertir les fonctions initiales. Selon Igor Kovačević, il est toutefois important de ne pas effacer complètement leur « ADN », leurs premières histoire et raison d’être. Les manières de réintégrer de tels bâtiments sont nombreuses et une solution courante est la transformation en centre culturel.

La démolition de Transgas,  photo: Bohumil Šimčík
Mais bien souvent, quand on y pense, il trop tard, et c’est typiquement le cas de Transgas, le bâtiment qui jouxte la radio publique et dont l’actuelle démolition a touché le public bien tardivement.

« Ce qui se passe très souvent avec ces bâtiments des années 70, voire d’il y a une quinzaine d’années, c’est qu’ils sont considérés comme des idéaux. Vous avez donc des gens pour les adorer et d’autres pour les détester, et c’est un bon début, mais malheureusement, cet amour ou cette haine arrivent trop tard. La conservation du bâtiment entre dans le débat public quand c’est déjà trop tard. Il existe beaucoup d’exemples : Transgas, à Prague, juste au coin de la rue. Tout le débat a naturellement eu lieu avant sa démolition, mais il est devenu un sujet important alors qu’il était déjà trop tard.

Le bâtiment de Radio slovaque,  Bratislava,  photo: Iconic Ruins
Comment nous, les architectes, nous pouvons faire parler de ces bâtiments avant que toutes les émotions aient évolué ? Une grande partie de l’exposition se consacre donc aux bâtiments que l’on choisit de conserver, mais vous pouvez aussi en feuilleter le catalogue, où l’on voit une approche académique qui montre comment on peut travailler avec eux. »

« Iconic Ruins ? », une exposition au nom doublement problématique selon Igor Kovačević, puisqu’il s’agit de bâtiments relativement récents mais déjà en ruine, laissés à l’abandon sans scrupule, et qui ne devraient pas être si idéalisés que cela. La position de nombreux architectes est claire là-dessus : ce sont des bâtiments normaux qui modélisent eux aussi le futur visage de la ville.

http://www.czechcentres.cz/en/galerie-praha/iconic-ruins-post-war-socialist-architecture-in-th/

Le centre culturel Váci Mihály,  Nyíregyháza,  Hongrie,  photo: Tamás Bujnovszky