Dernier vétéran tchèque de la RAF, Emil Boček est mort à l’âge de 100 ans

Emil Boček

Dernier vétéran tchèque engagé dans la RAF pendant la Deuxième Guerre mondiale, le général Emil Boček est mort samedi – un mois à peine après avoir fêté son centième anniversaire.  

Emil Boček en 1944 | Photo: Archives d’Emil Boček/Paměť národa

Il y a deux ans encore, à 98 ans, Emil Boček prenait les commandes d’un biplan d’entraînement Tiger Moth : la passion pour les airs n’avait jamais quitté celui qui jadis, à l’âge de 16 ans seulement, avait quitté clandestinement le Protectorat de Bohême-Moravie, fuyant la Tchécoslovaquie occupée par les nazis.

Au terme d’un périple qui, comme tant d’autres soldats ou engagés volontaires tchécoslovaques, le fit passer par une route d’exil par le sud de l’Europe, via Beyrouth, ce natif de Brno se retrouve lui aussi en France. C’est au camp d’Agde que sont rassemblés tous ces hommes formant la Première division tchécoslovaque, mais aussi tous les aviateurs qui vont se distinguer à la fois dans la bataille de France puis dans la Royal Air Force après la défaite de la France. A ce moment-là, Emil Boček n’est pas encore pilote, mais il participe aussi aux combats avant de partir encore, cette fois pour l’Angleterre.

Emil Boček dans l‘avion Harvard,  Canada,  1943 | Photo: Archives d’Emil Boček/Paměť národa

Dès le mois de septembre 1940, il est formé comme mécanicien et devient rapidement l’un des plus jeunes membres de la Royal Air Force. Il y a quelques années, au micro de la Radio tchèque, Emil Boček s’était souvenu de ses années de formation et de son désir de piloter un jour un avion :

« Le Spitfire... c’était un carrosse. Un avion incroyable, un avion parfait. À l’école, dans le cadre des travaux manuels, je n’ai jamais fabriqué que des avions. Avant de partir, j’ai fabriqué un condor d’environ 2,2 mètres d’envergure. Lorsque je suis revenu six ans plus tard, il était encore accroché dans le couloir de l’école. J’ai toujours rêvé de voler. »

Emil Boček  (avant) | Photo: VHÚ

Emil Boček met tout d’abord à profit sa formation de mécanicien au sein du 312e escadron de chasse de la RAF. En 1943, il suit enfin une formation de pilote au Canada et, à partir d’octobre 1944, il sert en tant que pilote de chasse au sein du 310e escadron de chasse tchécoslovaque. Il a effectué en tout 26 vols opérationnels, soit 73 heures et 50 minutes de vol, mais, comme il le notait parfois avec humour auprès du jeune public lui demandant de raconter ses succès, il n’a jamais abattu d’avion ennemi. Malgré cela, Emil Boček n’a jamais oublié les dangers de ses mission aériennes, d’autant plus qu’il en a réchappé d’une par miracle :

« Chaque vol dont vous reveniez vivant était un succès. Lorsque vous décolliez, personne ne savait si vous alliez revenir. Avoir peur n’était pas une option. Je me disais toujours que rien ne m’arriverait. Si j’avais pensé ne pas revenir, je ne serais jamais allé nulle part. »

Le 310e escadron tchécoslovaque de RAF | Photo: Archives d’Emil Boček/Paměť národa

Emil Boček retrouvera son pays libéré dès août 1945 : avec d’autres collègues pilotes tchécoslovaques, il atterrit à l’aéroport de Ruzyně, à Prague, puis est affecté à un régiment d’aviation à Kbely, de l’autre côté de la ville, et promu sergent-chef de réserve de l’Armée de l’air.

Mais l’ambiance de l’après-guerre n’est guère favorable aux membres de la Résistance non-communiste. Il demande à être libéré de l’armée en mars 1946 et ouvre un garage de réparation de véhicules qu’il doit céder à l’entreprise d’Etat Mototechna après le coup d’Etat communiste. C’est d’ailleurs probablement ce qui lui permettra d’échapper aux persécutions qui touchent la plupart des pilotes, et globalement les soldats, qui ont servi dans des armées occidentales pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Emil Boček | Photo: Zdeněk Zajíček,  ČRo

Après la chute du régime communiste, Emil Boček travaille entre autres, au sein de l’Association des légionnaires tchécoslovaques, dont il est devenu vice-président, ou comme président de l’Association des aviateurs de la RAF à Brno.

En 2010 le général Emil Boček s’était vu remettre l’Ordre du Lion blanc, la plus haute distinction de l’Etat tchèque, pour ses mérites exceptionnels pour la défense et la sécurité de l’Etat et pour son activité de combat. Sorti en 2012, le film Nezlomný (Invincible) retraçait son histoire. En 2018, Emil Boček est également devenu citoyen d’honneur de la ville de Brno, où il est décédé le 25 mars.

Emil Boček - RAF

Emil Boček était le dernier pilote de chasse tchèque à avoir servi dans la Royal Air Force. Aujourd’hui, le tout dernier vétéran tchèque engagé à l’étranger pendant la Deuxième Guerre mondiale, en France au sein de la Première division d’infanterie tchécoslovaque, puis dans la brigade blindée tchécoslovaque au Royaume-Uni est Ervín Hoida, 104 ans, récemment interviewé par la Télévision tchèque à la faveur d’un entretien exclusif.