Des écoliers tchèques à la recherche des victimes du communisme
Alors que plus de 22 ans nous séparent de la chute du régime socialiste tchécoslovaque, l’histoire de ce régime et les crimes commis par les dirigeants socialistes à l’encontre de la société civile restent mal connus des jeunes de la génération née après 1989. C’est à partir de ce constat qu’un projet de recherche sur l’expérience du totalitarisme en Tchécoslovaquie a été mené par de jeunes lycéens de différentes régions de la République tchèque. Les résultats des enquêtes ont été présentés dans le cadre d’une exposition itinérante à partir de ce lundi dans la ville de Jáchymov, près de Karlovy Vary, à l’ouest de la Bohême .
Plus de vingt ans après la chute du régime communiste de Tchécoslovaquie, la transmission de certains épisodes du passé communiste du pays n’est pas toujours une chose acquise dans l’enseignement scolaire. Alors que les années 1950 ont été les années des purges, des emprisonnements politiques et des persécutions, ces années noires sont aujourd’hui mal connues de la jeune génération, notamment en raison de la relative autonomie de l’enseignement de l’histoire dans les écoles du pays. C’est ce que nous explique Tomáš Bouška, l’un des étudiants en histoire de l’Université Charles qui a encadré le travail d’enquête réalisé par les écoliers :
« Le problème est que le traitement des thèmes de l’histoire se fait de manière individuelle. Dans certaines écoles, les enseignants s’efforcent de présenter l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et les développements ultérieurs, d’autres s’arrêtent en 1945 et les écoliers n’ont alors pas la possibilité d’acquérir un savoir précis sur la manière dont la Tchécoslovaquie est née après la guerre et surtout comment était le régime communiste. A travers le projet de l’association ‘Les oubliés’ nous essayons d’informer les élèves afin qu’ils prennent conscience que l’histoire du totalitarisme des soixante-dix dernières années fait malheureusement partie de l’identité tchèque. »Equipés de caméras vidéo et de micros d’enregistrement, les écoliers du projet sont allés à la recherche de témoins de la période communiste afin de recueillir la mémoire de leurs persécutions. Marek Zajíc a quinze ans et étudie au lycée de Šternberk dans le Nord de la Moravie. Il s’est joint au projet car il s’intéresse à l’histoire récente de son pays :
« Notre professeur nous a présentés le projet et nous a dit que si nous le souhaitions, nous pouvions y participer. Nous n’avons pas hésité longtemps avant de dire oui. Nous nous sommes intéressés au destin de Monsieur Jiří Jaroslav Tylšer qui est le grand père de l’un de mes camarades. Nous l’avons enregistré à plusieurs reprises. Durant la période communiste il n’avait pas eu le droit d’étudier car son père avait été accusé de ‘profiteur du peuple’. Pour s’informer, il écoutait les Radio Europe Libre et Voice of America et il a été dénoncé par ses voisins. Nous souhaitons continuer de travailler sur cette thématique et attirer davantage l’attention des écoliers du pays. Je pense que ce projet a aussi du sens pour les prochaines générations. » La présentation du vécu des victimes du régime communiste à Jáchymov est la première étape de cette exposition itinérante qui sillonnera le pays dans les prochains mois. Le choix de Jáchymov pour l’inauguration de l’exposition est lié au fait que la ville est devenue après 1989, le symbole de la répression politique qui s’était abattue sur la société au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Dix-huit camps de travaux forcés y ont été ouverts dans les années 1950 et 70 000 personnes, dont la majorité de prisonniers politiques, y ont été internés.