Deux ministres « pragois » seulement dans le cabinet Sobotka
Quelles sont les causes de la relative distance entretenue par les Pragois à l’égard de l’engagement dans les hautes sphères de la politique ? Cette question a été soulevée dans l’hebdomadaire Týden, à l’issue de l’investiture du cabinet de Bohuslav Sobotka, cabinet qui ne compte que deux Pragois « authentiques ». La grande popularité de l’oeuvre et de la personnalité du psychiatre suisse Carl Gustav Jung auprès des Tchèques est un autre sujet que nous avons retenu dans la presse de ces derniers jours. Nous vous présenterons également quelques extraits d’une interview avec l’un des réalisateurs tchèques les plus reconnus Jiří Menzel, et vous informerons des écrits concernant les dix ans de Facebook en Tchéquie. Quelques mots seront consacrés, aussi, au décès de Vasil Biľak, ancien haut fonctionnaire communiste tchécoslovaque.
« Les familles, établies depuis longtemps dans la capitale, maintiennent une certaine distance par rapport à la haute politique, considérant ce travail comme risqué, incertain et n’apportant qu’un succès temporaire. Voilà pourquoi un Pragois, bien établi et plutôt conservateur, mise sur les certitudes du grand business ce qui ne l’empêche pas d’avoir des liens étroits et de camaraderie avec les politiciens issus des campagnes qui viennent gouverner à Prague. »
Natifs de Prague, les ministres Martin Stropnický et Michaela Marksová-Tominová, chargés de la Défense pour le premier et du Travail et des Affaires sociales pour la seconde, sont deux exceptions qui confirment la règle. Les autres membres du cabinet proviennent de différentes villes à travers le pays, tchèques et moraves, dont on ne citera que České Budějovice, Bohumín, Třebíč, Přerov, Náchod, Ostrava ou encore Plzeň. L’auteur de l’article remarque que, finalement, l’absence des Pragois dans la haute politique n’est pas un phénomène nouveau. Il écrit :« D’un point de vue historique, la politique tchèque n’a jamais été prioritairement articulée par des Pragois. On l’a vu, déjà, lors du Renouveau national tchèque. Par ailleurs, le premier président tchécoslovaque, Tomáš Garrigue Masaryk, n’était pas non plus un natif de Prague, car il est né dans la ville de Hodonín, en Moravie du Sud... Ceci prouve que pour pouvoir s’épanouir, chaque capitale a probablement besoin d’un sang ambitieux venu de la campagne. »
Les Tchèques et Carl Gustav Jung – un amour tardif
A l’occasion de la récente parution en version tchèque du Livre rouge de Jung, un article publié dans le dernier supplément Orientace du quotidien Lidové noviny examine l’immense popularité dont l’oeuvre du célébre psychiatre suisse jouit en Tchéquie. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. Son auteur explique pourquoi :« Avant la Deuxième guerre mondiale, le fondateur de la psychologie analytique, Carl Gustav Jung, était méconnu en Tchécoslovaquie, car la culture de la Première République se refusait de l’adopter. Il était encore peu connu dans le pays il y a un quart de siècle, et la situation a brusquement changé après la chute du régime communiste, en novembre 1989. »
Aujourd’hui, en revanche, il est difficile de trouver dans d’autres langues que le tchèque une telle quantité de traductions d’ouvrages de Carl Gustav Jung. L’auteur de l’article observe :
« Rares sont les penseurs du XXe siècle qui suscitent un tel intérêt auprès des éditeurs et aussi auprès des lecteurs tchèques que Carl Gustav Jung. En témoignent la précédente parution du recueil de ses ouvrages et la rapidité avec laquelle son Livre rouge a été traduit en tchèque. Les intéressés tchèques ont donc aujourd’hui maintes possibilités de plonger dans l’étude de la psychanalyse d’approche jungienne. »
Ce n’est pas seulement l’oeuvre, mais c’est aussi la personnalité de Jung qui un suscite en Tchéquie un profond intérêt. C’est ce que confirme toute une série de biographies ou écrits plus ou moins autobiographiques récemment édités. Au total, on recense une cinquantaine d’ouvrages qui ont été écrits par Jung ou qui lui sont consacrés.
Jiří Menzel à l’heure des Mémoires
Le supplément Reflex du quotidien Lidové noviny cité ci-dessus a publié pour sa part une interview avec le réalisateur tchèque Jiří Menzel, oscarisé en 1968 pour son film Trains étroitement surveillés. Son dernier long métrage « Donšajni » ayant essuyé d’assez lourdes critiques, le réalisateur, 75 ans, paraît tout de même de bonne humeur et en pleine forme. Et ce n’est point étonnant car le premier volume de ses mémoires intitulées Les années capricieuses, sorties récemment et dont le titre est une allusion à l’un de ses précédents films à succès, L’été capricieux, fait un tabac. Dans les pages du journal, il explique entre autre pourquoi il s’est décidé à les rédiger :« Je me suis dit que je devais écrire mes mémoires tant que je possédais encore une certaine mémoire. J’ai eu une vie plaisante et j’ai voulu la faire partager aux autres. J’ai écrit ces mémoires pour faire plaisir aux gens de bonne volonté et pour mettre en colère les envieux. Tout ce que j’ai réussi dans ma vie, je l’ai réussi facilement. J’ai parfois trop compté sur cette facilité, d’où aussi certains de mes échecs. »
Plus loin, Jiří Menzel avoue avoir été guidé dans sa vie par certaines personnes et par les circonstances plus que par sa propre volonté ou par un désir ardent... S’agissant de la situation politique, il constate qu’elle est source d’une déception. Il considère que,« chez nous, nous avons du mal à gérer nos affaires ». En ce qui concerne ses projets, il dit :
« A coup sûr, je vais me lancer dans la réalisation d’un nouveau film. Je ne sais pas encore quel sera son sujet, mais je sais d’ores et déjà quel sera son titre. »
Les médias ont également retenu qu’une autre grande figure de la Nouvelle Vague du cinéma tchécoslovaque des années 1960, Věra Chytilová, qui a signé par exemple les films Les petites marguerittes et le Jeu de la pomme, a soufflé ces jours-ci ses 85 bougies.
10 ans de facebook en Tchéquie
L’ensemble des médias tchèques ont rappelé que ce 4 février, dix ans se sont écoulés depuis le lancement de Facebook. Et de noter que depuis, il est devenu le réseau social le plus répandu dans le pays, étant utilisé par deux tiers d’internautes tchèques, soit plus de quatre millions de personnes. Rien qu’au cours de l’année dernière, une hausse de 10% a été enregistrée. Dans ce contexte, un article publié sur le serveur aktuálně.cz constate que des milliers de Tchèques seraient dépendants aux réseaux sociaux et en particulier à Facebook. A ce jour pourtant, personne n’a été traité avec ce diagnostic à la clinique d’addictologie de Prague. L’article cite son médecin en chef, Michal Miovský :« Dans ce cas précis, il n’y a pas lieu de parler d’une addiction dans le vrai sens du terme mais plutôt de troubles du comportement. Toutefois, il s’agit souvent d’un problème grave et authentique. Sont notamment concernées les personnes anxieuses ou souffrant d’une phobie sociale. Les enfants, les adolescents et les gens dans des situations difficiles représentent également des groupes à risque. Quatre à huit heures par jour sur les réseaux sociaux constituent une limite à partir de laquelle il y a un risque de dépendance. »
De l’avis de quelques experts interrogés, le traitement proposé doit être radical. Pour le psychiatre Karel Nešpor, expert de la dépendance à l’alcool, le meilleur remède consiste à se débarrasser tout simplement de l’ordinateur par lequel le malheur arrive. Une chose que peu de gens sont cependant prêts à faire.
Vasil Bilak ou un "legs" en forme d'avertissement
Vasil Biľak, ancien haut fonctionnaire du Parti communiste tchécoslovaque, tristement connu en tant que l’un des cinq signataires de la « lettre d’invitation » adressée en 1968 aux armées soviétiques appelées à venir étouffer les réformes du Printemps de Prague, est décédé à l’âge de 96 ans, dans la nuit de mercredi à jeudi. Le lendemain, on a pu lire toute une série de réactions dans la presse et sur Internet. Sur le serveur aktuálně.cz, le journaliste Martin Novák évoque « le legs inoubliable » de Biľak, précisant :« A l’avenir, Vasil Biľak ne devrait pas être oublié. Son histoire témoigne du fait que, par un concours de circonstances historiques, on peut voir monter au pouvoir un être méchant, complexé, borné, haineux, obsédé par une idéologie... Une menace de retour du totalitarisme communiste n’est bien sûr pas réelle, mais il ne faut pas oublier que les gens de la même souche que Bilak sont toujours là, prêts à s’emparer du gouvernail. C’est dans cet avertissement que réside son legs. »