Deux petites semaines pour admirer le codex de Iéna au Château de Prague

Le codex de Iéna, foto: ČTK

Depuis le 16 décembre dernier, les Ecuries du Château de Prague accueillent une exposition qui présente l’art de la Réforme dans les pays tchèques. Elle couvre la période allant du début du mouvement hussite, à la fin du XIVe siècle, à la bataille de la montagne blanche en 1620, pour montrer que cette période souvent considérée comme relativement austère a aussi produit de nombreuses œuvres d’art. Depuis mercredi, l’exposition s’est enrichie, pour deux semaines, d’un manuscrit médiéval exceptionnel, le Codex de Iéna.

Le codex de Iéna,  foto: ČTK
Deux petites semaines, c’est le temps accordé aux visiteurs pour venir admirer ce Codex de Iéna, qui date de la fin du XVe siècle, et qui a réussi à être conservé malgré les aléas de l’histoire. Le manuscrit, très riche en enluminures, est l’œuvre d’un utraquiste, c’est-à-dire un membre d’une aile plus modérée du mouvement hussite, et son travail avait une fonction bien précise, comme l’explique Kateřina Horníčková, commissaire de l’exposition :

« L’auteur de cet ouvrage, Bohuslav de Čechtice (Bohuslav z Čechtic), l’avait conçu au départ comme un instrument précis didactique pour l’enseignement des étudiants à l’université. »

Le codex de Iéna,  foto: ČTK
Parfois désigné comme la bible hussite, le Codex compte 120 pages, dont 111 de papiers et 9 parchemins, presque toutes illustrées puisqu’on dénombre 122 enluminures. Il a été écrit en tchèque et en latin et il faisait partie d’un recueil de plusieurs ouvrages regroupés sous le titre d’Antithesis Christi et Antichristi. A la fin des guerres hussites, le codex, considéré également comme un outil de propagande contre le catholicisme, trouve refuge dans la ville protestante de Iéna, aujourd’hui en Allemagne. Il a été conservé dans la bibliothèque universitaire de la ville pendant plusieurs siècles et a ainsi échappé aux nombreuses destructions d’œuvres hussites après la victoire de la contre-réforme en Bohême.

Wilhelm Pieck,  foto: Wikipedia Commons - Bundesarchiv
En 1951, Wilhem Pieck, alors président de la République démocratique d’Allemagne le remet à Klement Gottwald à l’occasion d’une visite officielle. Le codex de Iéna, qui a donc pris le nom de la ville où il avait trouvé asile, est fièrement exposé à de nombreuses reprises pendant les années 1950, ce qui entraîne des dégradations sur le manuscrit médiéval mais lui offre également une nouvelle popularité. On écoute Marta Vaculínová, chef du département des manuscrits de la bibliothèque du Musée national :

« Il y a des illustrations qui sont devenues populaires. La plus populaire est celle de Jan Žižka au front, qui était autrefois sur les billets de 20 couronnes, et il y a aussi des images très célèbres de Jan Hus en train de prêcher et de Jan Hus sur le bûcher. »

Le codex de Iéna a fait l’objet de beaucoup d’attention au cours de son histoire. Consulté par Goethe, qui aurait laissé sa copie à des savants tchèques, le manuscrit aurait même été dans les mains, selon certaines spéculations, du réformateur allemand Martin Luther. Il est exposé dans les Ecuries du Château de Prague jusqu’au 31 mars, date à laquelle il retournera dans les réserves du Musée national, d’où il ne ressortira pas avant au moins cinq ans.