L’Art de la Réforme tchèque

'L’Art de la Réforme tchèque', photo: CTK
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La Réforme dans les pays de la Couronne tchèque est parfois considérée comme une période pendant laquelle les muses ont été réduites au silence. C’est l’époque du mouvement hussite que l’histoire présente comme un règne d’austérité peu favorable à l’essor des arts. Néanmoins, depuis mercredi, les Pragois ont l’occasion de voir dans les Ecuries du Château de Prague une exposition qui tord le cou à cette idée reçue.

'L’Art de la Réforme tchèque',  photo: CTK
L’exposition couvre la période allant du début du mouvement hussite en 1380 jusqu’à la bataille de la Montagne blanche qui a mis fin, en 1620, à l’indépendance de la Bohême, a marqué le début de la Guerre de Trente ans et l’ouverture de la période de la Contre-réforme. Les Hussites sont souvent accusés d’avoir détruit d’innombrables œuvres-d’art mais il faut constater que la Contre-réforme, elle aussi, a liquidé beaucoup d’œuvres créées pour les Eglises protestantes. Selon le chef du département de la culture de l’Administration du Château de Prague, Václav Beránek, les auteurs de l’exposition intitulée «L’Art de la Réforme tchèque » réussissent pourtant à apporter des preuves de la richesse et des qualités exceptionnelles de la création artistique de cette époque:

La première carte géographique de la Bohême,  photo: CTK
«Cette exposition réunit les plus belles œuvres-d’art créées dans les pays de la Couronne tchèque dans la période allant de la fin du XIVe au début du XVIIe siècles, c’est-à-dire les œuvres réalisées avant et pendant le mouvement hussite et aussi après, dans la période utraquiste et lors de l’avènement des Habsbourg au trône tchèque. Nous exposons livres, tableaux, statues et objets de culte. Je ne veux pas parler de mes préférences, parce que tous ces objets sont beaux, mais je dois dire que les incunables illuminés et les premiers livres imprimés de cette époque sont vraiment somptueux.»

'L’Art de la Réforme tchèque',  photo: CTK
La majorité des objets exposés ont été prêtés par des institutions religieuses et des églises. Les visiteurs peuvent admirer, entre autres, le panneau central de l’autel de saint Jean-Baptiste de l’église de Týn à Prague, qui a été le centre de l’Eglise utraquiste tchèque. D’autres œuvres proviennent des ateliers des artistes hussites, calvinistes ou de ceux de l’Unité des frères tchèques. L’exposition présente également les centres importants d’art protestant à Prague, Kutná Hora, Hradec Králové ou Chrudim. D’après l’auteur de l’exposition, Kateřina Horníčková, le public a aujourd’hui une occasion tout à fait exceptionnelle de voir toutes ces richesses rassemblées à un seul et même endroit:

«Ce sont des objets dont certains n’ont pratiquement jamais été exposés ou n’ont pas été exposés depuis longtemps. Le travail sur cette exposition a duré trois ans. Notre idée de départ était que pendant les deux siècles de suprématie de la population non catholique en Bohême (on estime que 80 % des habitants n’étaient pas catholiques), une espèce de création artistique avait certainement existé dans le pays. Et quand vous acceptez cette idée et quand vous commencez à chercher cet art, vous finissez par le retrouver malgré le fait que très peu d’œuvres de cette période ont été conservées et chacune d’elles est donc un exemplaire unique.»

Jan Hus au bûcher,  photo: CTK
Parmi les œuvres exposées figurent, entre autres, le Codex de Göttingen, un livre théologique richement illuminé, ou la première carte géographique de la Bohême. La spécialité de cette exposition sont les images de Jan Hus (Jean Hus), réformateur de l’Eglise catholique condamné comme hérétique à être brûlé vif par le Concile de Constance en 1415. Bien que pratiquement tous les tableaux représentant Jan Hus aient été détruits à l’époque de la Contre-réforme, les visiteurs des écuries impériales au Château de Prague peuvent voir une représentation rarissime du réformateur dans le Graduel de Litoměřice du XVIe siècle. Le public sera sans doute attiré surtout par une peinture représentant le supplice de Jan Hus à Constance sur un panneau d’autel de l’église Saint-Venceslas de Roudníky, en Bohême du Nord. Cette œuvre n’a été sauvée lors du mouvement de «recatholisation» après la bataille de la Montagne blanche que grâce au fait qu’elle était recouverte d’une autre couche de peinture, couche qui n’a été enlevée qu’au XXe siècle.

L’exposition «L’Art de la Réforme tchèque» sera ouverte jusqu’au 4 avril prochain.