Devant le Parlement tchèque, Volodymyr Zelensky invoque le souvenir de 1968 et de Václav Havel
Au 112e jour de l’invasion de son pays par la Russie, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est adressé aux parlementaires tchèques dans un contexte qui a bien évolué depuis plus de trois mois : en Ukraine, la guerre s’inscrit désormais dans la durée et l’union sacrée qui a prévalu en Europe au début du conflit semble fragilisée. Face aux parlementaires tchèques en majeure partie acquis à sa cause, Volodymyr Zelensky a invoqué le souvenir de 1968 et la pensée de Václav Havel.
C’est vêtu de son T-shirt vert kaki qu’il ne quitte plus depuis le 24 février, date du début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, que Volodymyr Zelensky s’est exprimé ce mercredi devant les députés et les sénateurs tchèques, un exercice que le chef de ce pays assiégé par l’armée russe, a multiplié depuis trois mois et demi pour demander plus d’aide aux pays occidentaux et à l’OTAN, afin de défendre son pays.
Dans son discours de mercredi, Volodymyr Zelensky a donc remercié la Tchéquie pour le soutien militaire et l’aide humanitaire qu’elle a apportée à l’Ukraine et pour l’accueil de ses compatriotes fuyant la guerre. S’il a durci certains de ses discours à l’intention de pays dont il estime qu’ils n’en font pas assez pour l’Ukraine, que ce soit en paroles ou en matériel, cela n’a pas été le cas pour la Tchéquie dans cette adresse taillée sur mesure, comme à son habitude, à la réalité historique du pays :
« Je commencerais par ces mots que chacun d’entre vous connaissez et que connaissent tous les Européens qui ont de l’estime pour l’histoire et la liberté : ‘nous sommes avec vous, soyez avec nous’. Ces mots sont importants, ils l’étaient aussi lorsqu’ils ont été prononcés sur les ondes de la Radio tchécoslovaque en 1968 pour soutenir la résistance. Ils sont aussi très importants actuellement : en se souvenant de ces mots, nous nous rappelons de ceux qui ont combattu pour la liberté, pour votre peuple. Alors que le peuple ukrainien se bat pour sa liberté et contre l’invasion brutale de la Russie, nous nous adressons, avec ces mots, à tous les peuples européens et du monde démocratique : nous sommes avec vous, soyez avec nous. »
Si le consensus a longtemps prévalu au sein des pays européens, celui-ci se fissure à mesure que la guerre se prolonge, avec d’un côté ceux qui comme la France et l’Allemagne seraient favorables à une paix négociée au plus vite et ceux qui comme la Tchéquie, la Pologne et les pays baltes restent partisans d’une ligne dure contre Moscou. En cela, Volodymyr Zelensky prêchait à une grande majorité de convaincus réunis ce mercredi pour l’écouter et qui, à l'exception des députés du parti d'extrême-droite SPD, l'ont tous ovationné debout après son intervention.
Dans son discours, Volodymyr Zelensky a aussi voulu se tourner vers l’avenir, un avenir pour l’Ukraine qu’il imagine dans la famille européenne, avec l'attribution du statut de pays candidat, et un avenir élaboré en coopération avec des pays alliés comme la Tchéquie :
« Dans quelques semaines, la République tchèque va prendre la présidence du Conseil de l’UE. Ce sera une période pleine de défis. Il faut trouver un accord sur un septième paquet de sanctions contre la Russie et il faut également commencer à reconstruire l’Ukraine de manière ciblée, reconstruire à neuf tout ce qui doit l’être dans les territoires nouvellement libérés. Je veux croire que la République tchèque fera partie des leaders qui participeront le plus au renouveau économique et infrastructurel de l’Ukraine. »
Volodymyr Zelensky a clos son adresse de douze minutes par la citation de la célèbre phrase de l’ancien président et dissident Václav Havel : « La vérité et l’amour doivent l’emporter sur le mensonge et la haine. »
Le discours du président ukrainien avait été précédé de ceux des présidents du Sénat et de la Chambre des députés, Miloš Vystrčil et Markéta Pekarová Adamová – en robe kaki raccord avec l'iconique T-shirt présidentiel, et du Premier ministre Petr Fiala qui, comme l’a rappelé lui-même Volodymyr Zelensky, a été un des premiers chefs de gouvernement européens à se rendre à Kyiv quelque temps après le début de la guerre.
Si Markéta Pekarová Adamová a qualifié de « terrorisme d’Etat » les actions de la Russie, Petr Fiala a pour sa part rappelé l’aide apportée par Prague à l’Ukraine, une aide vraisemblablement appréciée à sa juste mesure par le président Zelensky et qui explique que son discours aux parlementaires n’ait pas comporté de critique notable.
La République tchèque a été l’un des premiers pays à fournir à l’Ukraine une aide militaire concrète : selon la ministre de la Défense Jana Černochová (ODS), Prague avait envoyé pour plus de 3,5 milliards de CZK de matériel militaire à l’Ukraine à la fin du mois de mai, et d’autres livraisons sont prévues. Des armes légères et des missiles, ainsi que des chars T-72, des obusiers automoteurs Dana et des lance-roquettes à salve RM-70 ont été envoyés en Ukraine. Le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, a également mentionné la livraison par la Tchéquie d’hélicoptères d’attaque.
L’aide tchèque est également humanitaire : des fournitures médicales et de la nourriture ont été transférées en Ukraine peu après le début de la guerre. 3,5 milliards de couronnes ont été rassemblés grâce à des collectes publiques. La République tchèque a également accueilli des centaines de milliers de réfugiés, avec une protection temporaire accordée à 375 000 personnes. Si certains d’entre eux ont quitté le pays, les autorités tchèques estiment qu’il reste entre 280 000 et 300 000 réfugiés dans le pays.