La disparition de Milan Kundera à la une de la presse tchèque

Cette nouvelle revue de presse s’intéresse notamment aux nombreuses réactions à la mort de l’écrivain Milan Kundera. Un bref retour est également fait sur le séjour du président ukrainien Volodymyr Zelensky à Prague avant le sommet de l’OTAN. Deux autres sujets sont à son menu : les débats houleux autour des nouvelles mesures d’austérité et la réaction à la ferme opposition des représentants de l’Eglise au mariage pour tous.

Photo: Atlantis

« Milan Kundera a enfin réalisé le rêve de sa vie : disparaître derrière son œuvre littéraire, devenir invisible. Il ne laisse derrière lui qu’une seule chose : une étagère de livres bien rangés qui constitueraient un portrait idéal de l’écrivain », écrit le quotidien Lidové noviny avant de poursuivre :

« Un portrait évolutif, bien sûr : d’un côté, les Amours risibles, de l’autre, Fête de l’insignifiance. Et entre les deux, les romans La plaisanterie, La vie est ailleurs, L’insoutenable légèreté de l’être et L’immortalité. Et des essais. Au total, un demi-siècle de travail d’auteur, sans équivalent dans la littérature tchèque moderne. Dans le cas de Kundera, il existe toute une bibliothèque de ces livres : plus de deux mille sept cents traductions différentes dans une cinquantaine de langues. Seul Le brave soldat Švejk de Hašek peut se porter parfois mieux ».

« Sa vie a été un jeu de paradoxes, un rire divin sur la futilité de l’existence et un crépuscule de plaisanteries », a noté pour sa part le commentateur du quotidien Deník N :

« Milan Kundera est un de ceux dont la mort évoque (…) le XXe siècle avec toutes ses contradictions et ses tensions. Avec des conflits qui n’ont pas de solution. Avec une liberté qui, après sa propre libération, ne sait soudain plus à quoi elle est destinée. Avec Milan Kundera et sa mort, rien de tout cela ne disparaît, car il reste scellé et développé dans son œuvre. Comme un témoignage des transformations humaines dans une époque qui s’est tant voulue moderne, jusqu’à ce qu’elle cesse de l’être et devienne une époque où tout est fini, si l’on peut dire. »

Selon le site Aktuálně.cz, « avec la mort de Milan Kundera, probablement le romancier tchèque le plus connu, la littérature mondiale perd un des écrivains les plus brillants et les plus traduits ». Le journal Mladá fronta Dnes a de son côté remarqué que Milan Kundera était connu dans le monde plus comme un écrivain français que d’origine tchèque.

« Milan Kundera a disparu derrière son œuvre », titrait le journal Hospodářské noviny le lendemain de la disparition de l’écrivain :

« Peu de gens ont travaillé aussi ouvertement et systématiquement à leur immortalité que Milan Kundera. Une phrase paradoxale, quelques jours après la mort de Kundera, le dernier de la grande lignée des écrivains tchèques des années 1960. Cela aussi appartient à Kundera - les paradoxes ».

« La mort de Milan Kundera signe le départ du deuxième participant au célèbre débat sur le destin tchèque, entre l’écrivain et Václav Havel, qui a été mené quelques mois après l’invasion des troupes soviétiques dans le pays en août 1968 ».  C’est un point qui a été retenu par le journal en ligne forum24.cz.

« Il n’y a pas lieu de juger qui, de Havel ou de Kundera, était le plus grand », a estimé pour sa part le commentateur du journal Deník :

« L’un a sacrifié son talent artistique à la lutte pour la liberté et, admettons-le, au désir d’influence et de pouvoir. L’autre a sacrifié sa capacité à lutter et à gagner de l’influence à l’art pur. Cependant, tous deux ont réussi à échapper à la condition déterminée par leur pays et par l’Europe centrale tout en demeurant en fait chez eux. Oui, cela doit être dit : Milan Kundera était un grand écrivain tchèque, probablement le plus grand. »

Zelensky à Prague 

Volodymyr Zelensky et Petr Pavel | Photo: Michal Krumphanzl,  ČTK

La dernière édition de l’hebdomadaire Respekt est revenue sur la visite du président ukrainien Volodymyr Zelensky à Prague effectuée quelques jours avant le sommet de l’OTAN à Vilnius, en Lituanie. L’occasion pour son éditorialiste de souligner qu’il ne s’agissait pas d’une simple visite de courtoisie pour remercier la Tchéquie de son soutien à l’Ukraine dans sa lutte contre l’agresseur russe. « La raison principale du voyage de Zelensky était de faire pression sur les politiciens locaux présents au sommet pour obtenir la promesse la plus concrète possible de l’adhésion future de l’Ukraine à l’Alliance », a-t-il écrit.

« Il aura fallu attendre quatorze ans pour qu’un président ukrainien effectue une visite officielle dans la capitale tchèque ». Voilà ce qu’a remarqué à ce même propos l’auteure d’un texte mis en ligne sur le site Aktuálně.cz avant de préciser que le dernier chef d’Etat ukrainien à s’être rendu au Château de Prague était Viktor Iouchtchenko en 2009. La journaliste a également constaté :

« La République tchèque jouit d’une réputation d’alliée et d’amie en Ukraine, bien qu’en termes de fourniture d'armes, les pays qui en envoient le plus sont plus importants pour les Ukrainiens. Mais même si la capacité tchèque à fournir des armes et de l’aide est limitée par rapport à d’autres pays, elle reste importante dans le contexte européen. Et ce notamment par rapport à la Hongrie. »

Plan d’austérité du gouvernement  

La Chambre des députés | Photo: Michaela Danelová,  ČRo

« La Chambre des députés a entamé, mardi, ce que l’on pourrait qualifier d’un été politique brûlant. » C’est ce qu’a rapporté le quotidien Hospodářské noviny qui a donné à ce sujet quelques explications :

« A l’ordre du jour il y a un paquet de mesures de consolidation qui comprend l’augmentation des impôts et des limites aux revalorisations des pensions. Le gouvernement Fiala affirme que ce plan d’assainissement des finances publiques permettra de réduire le déficit du budget de l’Etat de près de 150 milliards de couronnes au cours des deux prochaines années. Les partis d’opposition, ANO et SPD, quant à eux, entendent empêcher l’adoption de ces mesures par tous les moyens possibles, les jugeant antisociales. On peut donc s'attendre à la plus grande obstruction jamais vue auparavant. »

Toutefois, d’après ce qu’estime le journaliste du quotidien économique, on peut supposer que les mesures d’austérité soient finalement adoptées en ce mois de juillet, étant donné que la coalition gouvernementale dispose d’une majorité à la Chambre des députés.

Mariage pour tous 

Photo illustrative: Ivan Samkov,  Pexels

Une cinquantaine de représentants de plusieurs Eglises, communautés chrétiennes et ordres religieux en Tchéquie ont publié une déclaration mettant en garde contre l’autorisation du mariage des couples de même sexe. Dans ce document, ils demandent que le mariage soit réservé à un homme et une femme. Le ton des commentaires publiés à ce propos dans les médias nationaux a été pour la plupart critique. Dans un texte publié par le site Seznam Zprávy, par exemple, on pouvait lire :

« Le fait que les ecclésiastiques ne soutiennent que le mariage entre un homme et une femme n’est évidemment une surprise pour personne et correspond à leur point de vue légitime. Ce qui est étonnant c’est l’arrogance avec laquelle les dignitaires de l’Eglise expliquent ce qu’est le mariage aux Tchèques athées. L’opinion selon laquelle ‘le Seigneur a institué le mariage’ est totalement étrangère à la majorité des Tchèques qui favorisent le mariage pour tous, une expression que les représentants des Eglises mettent entre guillemets de manière péjorative. Ils évitent aussi systématiquement les mots comme homosexuel ou couple de même sexe tout au long du texte. Comme si ce que l’on ne disait pas n’existait pas. »

Ce qui ressort surtout de la déclaration, d’après l’auteur de l’article, c’est la crainte d’une société en évolution. Le tout au moment où le nombre de personnes qui adhère à une Eglise diminue en Tchéquie d’année en année :

« L’Eglise catholique romaine, dont l’archevêque Jan Graubner a été le premier à signer la déclaration, connaît le déclin le plus important. Paradoxalement, les dirigeants catholiques s’accrochent à l’ordre ancien au lieu de se demander si l’Eglise ne devrait pas changer au moins un peu suivant le pas de la société. Ne serait-ce que pour survivre dans les temps modernes. »