Développement et humanitaire : « Les pays européens s'associent pour optimiser leurs actions et renforcer leur position politique »
En termes d’aide au développement, la République tchèque s’investit traditionnellement dans plusieurs pays. Cependant, avec l’invasion russe en Ukraine, le ministère des Affaires étrangères a dû revoir ses plans. Au micro de RPI, le directeur du département de la coopération au développement et de l’aide humanitaire du ministère des Affaires étrangères Petr Gandalovič précise les pays prioritaires pour la République tchèque, et il détaille les formes d’aide au développement qu’elle leur apporte. Mais tout d’abord, il explique en quoi la situation en Ukraine a changé la donne.
« Les plans ont énormément changé. Nous sommes tous choqués par le fait qu’à notre époque, au XXIe siècle, quelqu’un puisse envahir un pays comme celui-ci et commencer à le détruire comme le font les Russes. »
« Bien sûr, avec l’Ukraine, nous avions mis en place toute une série de projets de développement dans le domaine de l’enseignement supérieur, de l’introduction de certaines réformes législatives dans divers domaines tels que la protection de la nature, etc. Tout cela a avorté, bien sûr. A l’heure actuelle, c’est essentiellement une aide humanitaire que nous devons fournir à l’Ukraine. Je ne parle pas de l’aide aux réfugiés qui sont venus dans notre pays ; eux relèvent de la compétence du ministère de l’Intérieur et d’autres ministères tels que l’Education et la Santé. En revanche, il est de la responsabilité et du devoir du ministère des Affaires étrangères d’aider l’Ukraine sur le terrain. Nous ne le faisons pas seuls, mais en coopération avec des organisations à but non lucratif telles que People in Need, Adra, Charita, Magna et bien d’autres. »
L’Ukraine et les autres
Depuis le début de la guerre en Ukraine, le gouvernement tchèque a envoyé l’équivalent d’environ 40 millions d’euros (plus de 980 millions de couronnes) aux régions d’Ukraine, sous différentes formes d’aide, notamment sanitaire et alimentaire. Une somme à laquelle il faut bien évidemment ajouter les quelque 2 milliards de couronnes (plus de 81 millions d’euros) de dons faits par les Tchèques par le biais de différentes ONG. Mais cette aide financière non prévue dans le budget du gouvernement ne se fait-elle pas au détriment des subventions accordées aux autres pays en développement ? Petr Gandalovič :
« Nous devons faire en sorte que ce ne soit pas le cas. Du fait de l’éclatement de la guerre en Ukraine, non seulement l’Ukraine et les Ukrainiens souffrent, mais les pays en développement qui dépendent des subventions et des programmes alimentaires en pâtiront également. Un grand volume de l’aide alimentaire provenait d’Ukraine. Le Programme alimentaire mondial et les organisations responsables de l’aide alimentaire estiment que le risque d’augmentation des prix des denrées alimentaires est tel que cela pourrait conduire à une crise. »
Pas d’aide unilatérale, mais une « coopération au développement »
Préférant établir des partenariats sur le moyen et long termes plutôt que d’apporter des aides ponctuelles à des pays divers, la République tchèque a défini une liste de pays prioritaires avec lesquels elle a mis en place une « coopération au développement » – car Petr Gandalovič souligne bien qu’il ne s’agit pas d’aide unilatérale. Concrètement, ces pays sont la Bosnie-Herzégovine, la Moldavie et la Géorgie, mais aussi la Zambie, l’Ethiopie et le Cambodge. Mais en quoi cette coopération consiste-t-elle ? Petr Gandalovič :
« Nous nous concentrons sur des projets qui, premièrement, sont utiles dans le pays concerné ; deuxièmement, qui font partie de nos priorités et de nos industries traditionnellement, comme par exemple la gestion de l’eau ; troisièmement, qui nous permettent de faire part de notre expérience en matière de transition. C’est le cas, par exemple, de la Moldavie, qui est associée à l’Union européenne et a l’ambition d’en devenir membre à l’avenir. Nous sommes en mesure de transmettre à ces pays notre propre expérience en matière de réforme de notre économie et de notre environnement législatif, et d’adaptation aux conditions de l’UE. »
L’union fait la force
« Par ailleurs, la République tchèque et les autres pays de l’Union européenne s’associent dans la coopération au développement et d’aide humanitaire. En effet, nous sommes parvenus à la conclusion que travailler séparément ne permet jamais d’obtenir un meilleur résultat, même dans le cas des plus grands partenaires ou donateurs tels que les pays nordiques ou l’Allemagne. L’Union européenne comptant à elle seule plus d’un demi-milliard d’habitants, c’est l’entité qui fournit le plus gros montant de coopération au développement dans le monde. Il nous faut donc lier les différents projets dans un pays donné, de façon à placer ensuite l’Europe dans une position plus forte dans l’argumentation politique, par exemple. »
Parmi les projets auxquels la République tchèque a contribué dans le cadre de la coopération au développement et l’aide humanitaire, on citera par exemple la revitalisation du jardin botanique du Musée national de Bosnie-Herzégovine, l’équipement du Centre pour non-voyants du Kosovo ou encore l’aide à l’éducation en Ethiopie ou en Zambie.
L’Ukraine priorité de la présidence tchèque
Interrogé sur l’impact de la présidence tchèque de l’Union européenne, qui débutera le 1er juillet 2022, Petr Gandalovič est catégorique :
« Je dirais même que l’aide au développement va se refléter dans notre présidence. Nous avons beaucoup de priorités en matière de coopération au développement que nous voulons promouvoir en tant que pays de la présidence. Pour l’instant, toutefois, notre plus grande priorité est, bien sûr, l’aide à l’Ukraine. Il ne s’agit pas seulement d’aide humanitaire – que tous les pays européens fournissent déjà actuellement – mais il s’agit aussi d’avancer vers la reconstruction de l’Ukraine afin de remettre le pays sur pied. »