Discours de Noël : Miloš Zeman attaque une prétendue censure sur internet
Dans son traditionnel discours de Noël, prononcé lundi depuis la résidence présidentielle de Lány, le chef de l’Etat Miloš Zeman a salué la vigueur de l’économie tchèque et s’en est pris une fois de plus aux réfugiés. Surtout, il a lancé une nouvelle polémique dont il a le secret en attaquant un projet du ministère de l’Intérieur visant la désinformation sur internet. Pour le président, cela reviendrait à rétablir une censure dont la Tchéquie n’a pourtant pas besoin.
Économiquement parlant, tout ne serait pas rose pour autant puisque le président a regretté le faible niveau des investissements ou encore le poids que constitueraient les subventions aux énergies renouvelables. Reprenant son cheval de bataille préféré, le chef de l’Etat a ensuite une nouvelle fois dénoncé le danger que représenteraient les réfugiés. Alors que la Tchéquie refuse la politique de Bruxelles de répartition contrainte de leur accueil, M. Zeman considère que Prague ne devrait pas même en accueillir sur une base volontaire.
Mais ce que de nombreux médias relèvent en une, à l’exemple du quotidien Mladá fronta Dnes, c’est l’attaque portée par le président contre un projet du ministère de l’Intérieur qui reviendrait selon lui à instaurer une censure sur internet. Se déclarant opposé à toute censure, « avec une exception pour la pornographie et principalement pour la pédopornographie », il a souligné le risque de voir apparaître un nouveau Antonín Koniáš, du nom de ce jésuite tchèque, connu pour son œuvre de censeur au XVIIIe siècle :
« Je ne voudrais pas que notre ministère de l’Intérieur devienne un Antonín Koniáš des temps modernes. Nous n’avons pas besoin d’une police de la pensée, nous n’avons pas besoin d’un nouveau Bureau pour la presse et l’information (un organe responsable de la censure dans la Tchécoslovaquie communiste de l’époque de la normalisation, ndlr), si nous devons continuer à vivre dans une société libre et démocratique. »Le chef de l’Etat fait référence à un projet du ministère de l’Intérieur annoncé début décembre suite à un audit des services de sécurité tchèque. Le cabinet veut la création d’un département au sein du nouveau Centre contre le terrorisme et les menaces hybrides, qui doit être chargé de lutter, à partir de janvier, contre la désinformation sur Internet qui pourrait fausser le jeu démocratique.
C’est en tout cas la présentation qui en a été faite par le ministre Milan Chovanec, lequel indiquait avoir dans le viseur « l’influence de sites étrangers », qui propageraient auprès des citoyens tchèques et européens des « informations fausses, mensongères et erronées ». Le social-démocrate précisait encore :
« Le devoir de l’Etat est d’informer les citoyens. Vous vous souvenez peut-être il y a quelques jours de l’information selon laquelle la campagne présidentielle de M. Zeman avait reçu des financements étrangers et avait été influencée par des puissances étrangères. Le ministère de l’Intérieur a évalué cette information, et surtout sa source, comme n’étant pas crédibles, et a réagi aussitôt via twitter et son site internet. Dans ces cas, nous voulons pouvoir commenter l’information et en particulier sa source. A l’avenir, nous souhaitons faire cela dans une plus large mesure mais c’est bien sûr au citoyen de trouver l’information et de la prendre ou non en compte. Nous n’avons pas l’ambition de faire de la censure. »Après le discours présidentiel de Noël, le ministère de l’Intérieur a aussitôt réagi, se proposant d’envoyer un complément d’informations au chef de l’Etat et expliquant que le nouveau centre ne retirera jamais aucun contenu sur internet, mais communiquera quand il jugera bon de le faire sur d’éventuels cas de désinformation.
Mais quels sont les sites visés par le gouvernement ? Le président social-démocrate de la Chambre des députés, Jan Hamáček, cite par exemple la propagande de l’organisation de l’Etat islamique. Petr Bittner, éditorialiste du journal en ligne Deník Referendum, est plus explicite. Pour lui, il est clair que Miloš Zeman « parle et travaille pour de l’argent russe » et ce sont des sites comme « Aeronet, Sputnik, Parlamentní listy et autres » qui mèneraient des campagnes de désinformation sur l’internet tchèque. C’est avec cela en tête, selon lui, qu’il faudrait comprendre le discours de Noël du chef de l’Etat.