Dix ans depuis la partition de la Tchécoslovaquie

Tchécoslovaquie

Il y a dix ans, la Tchécoslovaquie disparaissait de la carte de l'Europe et du monde. Deux nouveaux Etats naissaient : la République tchèque et la République slovaque. Deux nations qui avaient décidé de vivre, ensemble, en 1918, pour le meilleur et pour le pire, se séparaient pour vivre leur destin dans l'indépendance. Beaucoup de Slovaques sont venus, pourtant, vivre en Tchéquie, principalement à Prague. C'est le sujet de cette émission.

Tchécoslovaquie
Il y a dix ans, la Tchécoslovaquie disparaissait de la carte de l'Europe et du monde. Deux nouveaux Etats naissaient : la République tchèque et la République slovaque. Deux nations qui avaient décidé de vivre, ensemble, en 1918, pour le meilleur et pour le pire, se séparaient pour vivre leur destin dans l'indépendance. Beaucoup de Slovaques sont venus, pourtant, vivre en Tchéquie, principalement à Prague. C'est le sujet de cette émission.

Le 28 octobre 1918, on proclamait la République tchécoslovaque indépendante. Elle était née sur les ruines de l'empire austro-hongrois, après la Première Guerre mondiale. Un petit Etat au centre de l'Europe, qui allait devenir l'un des pays les plus développés, avant la Seconde Guerre mondiale. Après... Après, ce fut la prise du pouvoir par les communistes, en 1948, ce fut le Printemps de Prague, timide tentative de réforme du système totalitaire, en 1968, ce fut l'occupation soviétique à partir de la même année, ce fut la sombre période de la normalisation, jusqu'à... jusqu'à la fin de l'année 1989. En cette année, la Tchécoslovaquie se joint au courant européen qui a conduit à la chute des régimes communistes en Europe. C'est la fin de la soi-disant dictature du prolétariat et le début du retour à la démocratie, c'est la Révolution de velours.

Prague était la capitale de la Tchécoslovaquie. A partir du 1er janvier 1993, elle est devenue, tout naturellement, la capitale de la République tchèque. Dans la Tchécoslovaquie d'avant ce 1er janvier, beaucoup de Tchèques vivaient en Slovaquie et, vis versa, beaucoup de Slovaques vivaient en Tchéquie. Pour un bon nombre d'entre eux rien n'a changé après la partition, en dépit de certains problèmes rencontrés en ce qui concernait la nationalité. En effet, alors que la Slovaquie a permis, tout de suite après la partition, la double nationalité, il n'en fut pas de même en Tchéquie. La double nationalité ne fut permise qu'en l'an 2000.

Pour les Slovaques, les artistes surtout, bien que Bratislava soit restée une ville des plus culturelles, Prague est restée une sorte de Mecque de la culture et de l'art. Pour cela certains artistes slovaques sont venus s'établir à Prague. Il faut dire que les premières années de l'indépendance de la République slovaque ont été marquées par le régime quelque peu despotique de l'ancien Premier ministre, Vladimir Meciar. Bien qu'on l'appelle le « père » de la Slovaquie indépendante, il est sujet à de fortes controverses et son règne est lié à bon nombre de scandales. C'est, peut-être, pour cela que certains Slovaques, réputés pour leur refus des conventions, sont venus habiter Prague, sous un régime beaucoup plus libéral, dans les années quatre-vingt-dix, du XXe siècle. Ainsi donc Juraj Jakubisko, par exemple...

Si vous vous intéressez au cinéma, le nom de Juraj Jakubisko ne vous est, certainement pas inconnu. Sous le régime communiste, il fit parler de lui. Il réalisa des films qui avait tout pour déplaire aux dirigeants. L'un d'eux « Les déserteurs, les pèlerins et Dominique », fut même primé au festival de Venise, dans la fin des années soixante. Jakubisko, bravant la censure, n'avait pas hésité à inclure, dans son film, l'arrivée des chars soviétiques en Tchécoslovaquie. Cela ne pouvait plaire à la nomenklatura de l'époque ! Juraj Jakubisko, vivant à Bratislava, se voit interdit d'écran, interdit de filmer, même ! J'ai eu la chance de le connaître à cette période noire. Il vivait dans une seule petite pièce, un bureau que lui avait loué le Film slovaque, dans une rue qui portait un nom qui l'horripilait : rue de l'Armé rouge. Cela ne veut pas dire qu'il était découragé, il brûlait de réaliser d'autres films, les scénarios se bousculaient littéralement dans sa tête. Je me souviens d'un voyage au festival du film de Karlovy Vary, au début des années soixante-dix. En quelques heures de voiture, il m'avait raconter trois films !

Les temps changèrent, dans le meilleur pour Juraj Jakubisko. Il recommença à tourner des films, dont certains connurent le succès, en Tchécoslovaquie surtout, car les sujets étaient trop propres au pays pour susciter un retentissement à l'étranger. Après la Révolution de velours, le «visionnaire », comme certains l'appellent, décida de quitter sa Slovaquie natale et de s'établir en Tchéquie, à Prague. Il s'était marié avec une comédienne, Slovaque comme lui, qui jouait dans ses films, Deana Horvathova. Ce qu'ils apprécient dans la capitale tchèque, c'est surtout la manière de vivre, l'atmosphère, les innombrables possibilités de savourer la vie culturelle, le côté « bon-vivant » des Tchèques. Ce qu'ils reprochent à Bratislava, la ville où ils vivaient ? Le fait que la capitale slovaque, peut-être sous l'influence de Vienne toute proche, soit restée provinciale, même après l'ouverture des frontières...

Un autre Slovaque très connu, qui a décidé de vivre à Prague, est Miroslav Zbirka. C'est un chanteur que l'on compare souvent à John Lennon. Dans l'ancienne Tchécoslovaquie, il était connu dans tout le pays, mais en Tchéquie on le considérait comme un petit Slovaque, avec une certaine réserve. C'est un paradoxe : pour qu'il devienne plus connu en Bohême, Moravie, Silésie, en République tchèque donc, il a fallu la partition de la Tchécoslovaquie... Après celle-ci, Miroslav Zbirka, Meki, comme l'appellent ses amis et ses fans, a choisi Prague comme domicile. C'était, un peu, pour les mêmes raisons que Juraj Jakubisko : en Slovaquie, à Bratislava, il manquait d'air, d'inspiration créatrice, selon ses propres paroles. Zbirka, de mère anglaise et ayant vécu une partie de son enfance en Grande-Bretagne, ne se sent pas dépaysé à Prague. Cela ne veut pas dire non plus, qu'il ne retourne pas, tout comme Jakubisko d'ailleurs, au pays natal. Il est très populaire en Slovaquie, mais aussi très apprécié en Tchéquie, surtout pour ses chansons, ses ballades surtout.

Je ne vous ai présenté que deux Slovaques ayant choisi de vivre à Prague, après la partition de la Tchécoslovaquie. Pourquoi ? Parce qu'ils sont célèbres, connus. Il y en a bien d'autres, certains anonymes, d'autres connus de l'opinion publique. Comme par exemple, le sociologue, Fedor Gal, qui a joué un certain rôle, lors de la Révolution de velours et après. Moi-même, je connais plusieurs Slovaques, même des familles entières qui ont choisi la Tchéquie comme leur patrie d'adoption. Les raisons étaient diverses : en premier lieu, certainement, l'emploi, mais aussi souvent, le meilleur climat politique et économique qui régnait en Tchéquie, dans les premières années de l'indépendance...

Il y a dix ans, la Tchécoslovaquie se divisait. La République tchèque et la République slovaque devenaient indépendantes. Dix ans plus tard, la Tchéquie et la Slovaquie sont membres de l'OTAN. Dix ans plus tard, la Tchéquie et la Slovaquie sont conviées à rejoindre l'Union européenne, en 2004. Les deux pays seront donc, de nouveau, réunis, mais pas dans le cadre d'un petit Etat, au centre de l'Europe, mais dans celui de la grande famille européenne comptant presque un demi-milliard d'habitants. En grand pas dans l'histoire des deux nations, qui viennent de faire un premier pas et pas des moindres : toutes les restrictions douanières (sauf pour le sucre qui est l'objet d'un régime spécial dans l'Union européenne aussi) ont été abolies, tout comme d'autres mesures facilitant les relations entre les deux pays ont été prises. Et ils ne sont pas encore membres de l'Union... Ce sera pour mai 2004 !