Droits des travailleurs étrangers : la République tchèque se met aux normes européennes
Bien que la République tchèque ne soit pas concernée par une immigration de masse comme d’autres Etats membres de l’Union européenne, la question de la mobilité transfrontalière avec les pays tiers constitue un des thèmes clefs de la campagne précédant les élections européennes, qui se tiendront dans trois semaines. Mercredi, le Sénat a ainsi adopté le projet de loi relatif aux conditions de séjour pour les travailleurs étrangers - ressortissants des pays tiers. Dans un proche avenir, ceux-ci devraient pouvoir résider en République tchèque sans autre document qu’une carte attestant de leur qualité d’employés.
« Le permis de séjour ne sera plus délivré indépendamment du fait que son demandeur exerce une activité professionnelle ou non en République tchèque. Les étrangers recevront donc un document appelé carte d’employé avec laquelle ils seront autorisés à séjourner en République tchèque. Ils obtiendront cette carte s’ils peuvent justifier d’un emploi répondant aux critères des ministères du Travail et des Affaires sociales et de l’Intérieur. Nous aurons ainsi la certitude que les ressortissants des pays tiers qui arrivent en République tchèque possèdent un emploi en bonne et due forme et peuvent séjourner dans notre pays tout à fait légalement, y compris avec leur famille. »
Selon la législation actuellement en vigueur, les étrangers souhaitant vivre et travailler en République tchèque, à l’exception bien entendu des ressortissants de l’UE, doivent demander un titre de séjour en plus d’un permis de travail. La nouvelle loi devrait donc simplifier leurs démarches, conformément à ce qu’exige Bruxelles. La directive en question cherche également à réduire les inégalités entre les citoyens européens et les travailleurs étrangers résidant légalement dans l’UE, en garantissant à ces derniers un socle commun de droits.Même si la menace est régulièrement brandie notamment par le parti Úsvit (Aube), nouvelle formation qui a intégré la Chambre des députés en octobre dernier et qui a fait de l’étranger une brebis galeuse (ou un bouc émissaire, c’est selon) dans sa campagne pour les européennes, la République tchèque n’a aujourd’hui a priori que bien peu de raisons de redouter une arrivée massive de travailleurs étrangers. C’est ce que souligne František Bublan :
« Nous ne sommes absolument pas menacés. Affirmer le contraire est une absurdité, un discours populiste. La nouvelle loi n’est de toute façon que l’application de la directive européenne. Les règles seront les mêmes dans tous les pays européens et doivent permettre d’éviter toute éventuelle inégalité entre citoyens. Je pense que sa mise en œuvre améliore non seulement la régulation de l’emploi des étrangers mais aussi la conformité de leur résidence sur notre territoire. Il n’y a vraiment aucune raison de redouter une vague de main-d’œuvre étrangère. »
Ce discours populiste, et xénophobe, est pourtant celui de l’homme d’affaires tchéco-japonais Tomio Okamura. Pour justifier ses propos, le leader du mouvement Úsvit affirme que tandis que 650 000 Tchèques, chiffre record, souffrent du chômage, 400 000 étrangers travaillent en République tchèque et abusent du système social. Une vision des choses très réductrice à laquelle certains Tchèques ne sont cependant pas insensibles. Ainsi, selon un sondage réalisé en mars par l’agence STEM, environ 75% d’entre eux pensent qu’il y a trop d’étrangers dans leur pays et que les étrangers leur prennent leur travail. Des chiffres bien évidemment à prendre en considération avec beaucoup de précautions tant ils ne reflètent que très superficiellement la réalité, mais on n’ose même pas imaginer jusqu’où ils pourraient grimper si la République tchèque devait un jour se retrouver confrontée à des situations semblables à celles que connaissent l’Espagne, la France ou l’Italie.