Emma Smetana, nouvelle star du petit et du grand écran à Prague
Rencontre aujourd’hui avec Emma Smetana, qui vient de jouer dans plusieurs films très remarqués ou très attendus, dont la série sur Jan Palach réalisée par Agnieszka Holland, Hořící keř – Buisson ardent. A tout juste 25 ans, Emma Smetana vient également d’entamer une carrière de journaliste et de présentatrice sur la chaîne de télévision privée TV Nova. Avant cela, elle a vécu une bonne partie de sa vie en France, où son père s’était exilé, où elle est née et a fait ses études. Radio Prague l’a accompagnée dans les transports en commun de Prague jusqu’à son lieu de travail.
« Très bien, on a été très bien accueilli. Pas énormément de monde à la projection mais l’audience a été touchée par le film, ce qui est bon signe pour l’avenir du film hors République tchèque. »
Pouvez-vous nous parler de votre rôle dans cette série télévisée de trois épisodes ?
« Je suis seulement dans le premier épisode ; je joue la copine présumée de Jan Palach, Hana Cižková, qui selon la police secrète est censée savoir s’il y aura d’autres victimes qui se suicideraient après Jan Palach. Donc un agent me met la pression pour que je parle au sujet de choses dont je ne sais rien et il me fait lire à la télévision une lettre mensongère écrite par la police secrète au nom de Jan Palach. »
Avez-vous appris des choses à cette occasion sur Jan Palach, son geste et de ses conséquences ?
« J’ai beaucoup appris sur le côté juridique, sur le procès qui a suivi. C’était aussi l’occasion de me remémorer l’acte de Jan Zajíc, le deuxième Tchèque qui s’est immolé un mois plus tard, en février 1969. Mais surtout donc sur le procès qui a suivi le discours d’un député communiste qui a essayé d’expliquer au peuple que Jan Palach était un agent américain qui ne voulait pas s’asperger d’essence mais d’un autre produit… »… Tout le discours officiel pour décrédibiliser l’acte...
« C’est ça, et je n’étais pas au courant de toute la propagande qui a suivi l’acte pour ‘aider’ les gens à se résigner plus tôt. »
Je crois que vos grands-parents connaissaient Jan Palach, ils vous en ont parlé ?
« Oui, ils n’étaient pas proches, mais fréquentaient le même lycée de la petite ville de Mělník près de Prague. Ils n’étaient pas dans la même classe mais le connaissaient de vue. Ils en parlaient de temps en temps donc je savais qui était Jan Palach depuis mon enfance. De ce qu’ils en disaient, c’était une description approximative d’un personnage plutôt moyen, pas forcément très brillant ni très visible, sans personnalité exceptionnelle, d’où la surprise qu’il a causée avec son acte. »
Comment êtes-vous arrivée dans ce projet ?
« Par hasard, comme toutes les bonnes choses dans la vie. J’ai tourné une série télé, assez stupide à vrai dire, et lors du tournage j’ai rencontré un musicien du groupe Vltava qui m’a invitée avec mon père au lancement de son nouvel album. Je ne me sentais pas très bien ce jour-là mais mon père a insisté et au concert j’ai rencontré la directrice de casting qui m’a dit ‘ah tu t’es coupée les cheveux, ça pourrait aller, je cherche des acteurs pour le film d’Agnieszka Holland’. Moi, ça me paraissait un peu délirant l’idée de tourner avec une réalisatrice trois fois nominée aux Oscars. Je suis quand même allée au casting et ai passé le premier tour. Au deuxième tour Agnieszka était là et la rencontre humaine avec elle a été si forte que le résultat m’était presque égal. Le fait d’avoir ensuite été choisie était plus un bonus qu’autre chose. »
Et de travailler avec elle, c’est quelque chose qui va vous rester ?
« Sans aucun doute ! »
Vous avez également travaillé récemment avec un autre grand nom du cinéma, tchèque cette fois-ci, Jiří Menzel…
« Oui, travailler avec Jiří Menzel c’était un peu les vacances, en juillet-août... Avec une fois de plus une équipe exceptionnelle. Je dirais que peut-être les bons réalisateurs se reconnaissent à leur capacité à s’entourer de gens bien. A commencer par le cameraman, le directeur de production, et puis en général les acteurs ne sont pas mauvais non plus… »Et le film parle de quoi ?
« Le film s’appelle Donšajní. Le problème est que Jiří Menzel évite lui-même le sujet du film donc je ne sais pas trop comment en parler. Je pense que ça va être quelque chose entre un conte de fées, une comédie romantique et une série de fourberies. » Apparemment cous enchaînez les projets parce que vous avez également joué dans une adaptation d’une œuvre d’Arnošt Lustig qui s’appelle Colette et qui a été tournée en République tchèque et en Slovaquie…
« Oui, dans ce film très ambitieux qu’on a tourné en anglais, je joue la fille d’une Juive qui a survécu à la Shoah et je découvre dans le film que je suis née d’un viol – ou peut-être pas… »
Parallèlement à cette carrière assez fulgurante au cinéma vous êtes journaliste et présentatrice des informations sur la plus grande chaîne privée du pays, TV NOVA…
« J’ai signé le contrat en août, j’ai commencé dans le JT du matin, ce qui était atroce parce que je me levais à 4h du matin pour présenter les infos et enchaîner la journée en tant que reporter. Mais depuis le 1er octobre je présente les infos de la nuit, ce qui me va beaucoup mieux. Je commence la journée à midi, je choisis un sujet qui m’intéresse en espérant qu’il soit accepté, sinon j’en reçois un autre, je vais sur le terrain puis je reviens pour l’écriture et le montage pour que le sujet passe aux infos de 19h30. Ensuite j’essaie de me réveiller par tous les moyens légaux qui existent et je présente les infos qui commencent entre 22h et 23h, sans heure fixe. J’aime énormément ce contact avec le public, et je tiens vraiment à garder le travail de jour de reporter pour avoir une certaine crédibilité le soir à la présentation des infos. Ce n’est pas une évidence en République tchèque où la présentation est plus une profession à part, sans travail de journalisme et je trouve que c’est dommage. »Est-ce que ça peut aider votre carrière au cinéma ou plutôt la desservir ?
« Je suis sûre que ça dessert ma carrière au cinéma. En même temps, présenter le JT faisait partie des choses que je voulais faire dans ma vie. Ce n’est pas un choix très stratégique par rapport à ma carrière d’actrice mais j’espère quand même qu’il y aura des réalisateurs qui décideront de me pardonner cette profession parallèle… C’est vrai que depuis que je travaille à la télé, je n’ai été qu’à un seul casting en tant qu’actrice… »
Vous commencez à être prisée par les tabloïds locaux, c’est difficile ?
« Alors vu que je ne les lis pas je ne me sens pas très concernée, c’est plutôt des amis qui postent différents articles sur ma page Facebook pour me mettre au courant. Je considère que ça fait partie du côté show-business auquel appartient même une profession comme présentatrice du JT en République tchèque. Parfois ça fait plaisir quand on lit des choses agréables sur soi écrites par un journaliste qu’on ne connaît pas. Parfois ça me fait rire quand ils écrivent n’importe quoi, mais je pense que l’aspect vérité n’est pas une priorité dans ce genre d’articles. Mais je ne me sens pas très concernée par tout ce côté-là. »Nous venons d’arriver aux ateliers de cinéma Barrandov, juste à côté du siège de TV Nova, ça pourrait être pratique pour vous d’y tourner un film et d’être à côté de votre lieu de travail…
« C’est vrai, je devrais dire ça plus souvent aux réalisateurs que je rencontre pour les motiver à me caster… »