En Ukraine, la ministre de la Défense sur les traces des soldats tchèques tombés au XXe siècle
A la fin de la semaine dernière, la ministre de la Défense Jana Černochová (ODS) était en Ukraine pour une tournée visant à rendre hommage aux soldats tchèques tombés sur ce territoire à l’occasion des deux grands conflits mondiaux du XXe siècle. L’occasion également de réitérer le soutien de la Tchéquie aux Ukrainiens qui, depuis plus de deux ans, résistent à l’agression de la Russie.
Raisons de sécurité obligent, la visite de la ministre tchèque de la Défense en Ukraine n’a été rendu publique que samedi. Sa tournée avait pour objectif de se rendre sur les lieux de mémoire des deux conflits mondiaux, notamment ceux où sont inhumés à la fois des légionnaires tchécoslovaques ayant combattu côté Alliés pendant la Première Guerre mondiale, les soldats tchèques engagés dans les rangs de l’armée de l’empire austro-hongrois mais aussi ceux qui sont tombés sur le territoire de l’Ukraine pendant la Deuxième Guerre mondiale.
C’est par une cérémonie du souvenir devant le mémorial de la bataille de Zborov (1er-2 juillet 1917), qui a représenté le premier engagement d’envergure des légionnaires tchécoslovaques sur le front de l’Est, et un succès de ces derniers sur ce champ de bataille de la Grande Guerre, que s’est achevée, vendredi, la visite de trois jours de la ministre.
Avant cela, Jana Černochová avait déposé, jeudi, des fleurs dans un cimetière du village de Sadagura, près de la frontière ukraino-roumaine et discuté de la possibilité de reconstruire le mémorial avec des représentants du gouvernement local. Les représentants du ministère ont également confirmé l’existence d’une sépulture de guerre de la Première Guerre mondiale sur la base de documents d’archives provenant des autorités ukrainiennes. 120 membres du 93e régiment « tchèque » de l’armée austro-hongroise y sont ainsi inhumés, selon le ministère.
Vendredi, Jana Černochová s’est rendue à Stary Martyniv dans la région d’Ivano-Frankivsk. Plus de 700 soldats tchèques morts en 1915 sont enterrés dans le cimetière de la ville. Les historiens estiment que quelque 250 000 soldats des pays tchèques sont morts dans les rangs de l’armée austro-hongroise pendant la Première Guerre mondiale. « La plupart d’entre eux n’ont toujours pas de sépulture digne de ce nom et le ministère de la Défense souhaite donc mettre l’accent sur la commémoration de leur mémoire dans les années à venir », ont fait savoir les autorités tchèques.
En Tchéquie, c’est le Département des anciens combattants et des sépultures de guerre (OVVV) du ministère de la Défense qui s’occupe non seulement des vétérans des conflits passés ou présents, mais également des monuments aux morts et cimetières militaires. Le terme de « sépultures de guerre » (válečné hroby) recouvre les deux réalités qui peuvent ainsi correspondre au lieu où se trouvent les dépouilles des soldats tchèques, ou être un simple mémorial. Pavel Kugler est le directeur-adjoint du département :
« A l’heure actuelle, nous répertorions 38 000 sépultures de guerre sur le territoire de la République tchèque et environ 4 000 à l’étranger. Ce sont, pour la plupart, des sépultures sans dépouilles. Evidemment, le plus grand nombre de ces sépultures correspond à la Première et la Deuxième Guerre mondiales. Si je devais citer la plus vieille sépulture de guerre de notre base de données, elle correspond à la bataille de Marchfeld (Moravské pole) de 1278 où est tombé le roi de Bohême Přemysl Otakar II. De même, nous considérons comme sépultures de guerre celles liées aux missions actuelles de l’armée tchèque à l’étranger. Ainsi, que ce soit l’Afghanistan, l’ex-Yougoslavie, si des soldats sont tombés, ils ont une sépulture de guerre. Donc, notre base de données correspond réellement à des siècles d’histoire de conflits. »
Le Département des anciens combattants et des sépultures de guerre est engagé à la fois dans la recherche et le catalogage de ces sépultures, via une carte interactive qui les répertorie, mais aussi dans leur entretien – en collaboration avec les autorités locales des pays concernés. Le voyage de la ministre de la Défense avait donc également pour but de discuter avec des représentants de l’administration ukrainienne de ces questions, comme dans le village de Tsebriv où sont enterrés des centaines de membres du 75e régiment d’infanterie austro-hongrois de Jindřichův Hradec, morts en 1915 et 1916. Le ministère souhaite négocier avec le gouvernement local pour établir un site commémoratif inexistant pour l’heure.
Depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, ces visites ministérielles de sépultures de guerre de soldats tchèques se sont doublées des conséquences de l’irruption sur le sol européen d’un nouveau conflit armé. Et donc de la nécessité de renforcer la coopération militaire entre Prague et Kyiv :
« Le but de notre visite en Ukraine était le même cette année que les années précédentes : rendre hommage au combat de nos aïeux. Ici, à Zborov, le mémorial est admirablement entretenu par les habitants du village de Kalynivka et par son maire. Je viens toujours avec plaisir ici, même en ce temps de guerre. Il y a deux ans, j’étais ici comme aujourd’hui pour assurer les Ukrainiens de notre soutien, pour les remercier de se battre pour nos valeurs communes, pour leur rappeler que nous serons avec eux tant qu’ils auront besoin de nous. »
A noter que des légionnaires tchécoslovaques engagés sur le front de l’Est pendant la Grande Guerre, de même que des soldats ayant combattu sur ce même front pendant la Deuxième Guerre mondiale, sont également tombés sur le territoire de la Russie actuelle. A ce propos, et dans le contexte des tensions entre ce pays et la Tchéquie, le Département des sépultures de guerre précise n’avoir pas d’informations sur d’éventuels dommages causés à des monuments aux légionnaires tchécoslovaques ou aux soldats de la Deuxième Guerre, tout en rappelant que la situation ne peut aujourd’hui être suivie que de loin, sans réelle influence sur des administrations locales plus ou moins coopérantes.