Enchères : un des plus célèbres tableaux de Kupka vendu à un prix record

'La forme du bleu', photo: CTK

55,75 millions de couronnes (2,25 millions d’euros) : c’est le prix record auquel a été adjugé, lors d’une vente aux enchères mercredi à Prague, la toile « La forme du bleu » (« Tvar modré ») du peintre František Kupka, un des pionniers de l’art abstrait. Jamais une œuvre d’un artiste tchèque n’avait été vendue à un prix aussi élevé.

'La forme du bleu',  photo: CTK
Chef-d’œuvre de la période abstraite qui a fait la renommée de František Kupka, « La forme du bleu » a été exposée pour la première fois en 1924 à Paris. Mais c’est en 1913 que le peintre tchèque, installé à Montmartre depuis 1896, a réalisé cette toile à l’huile de 73 x 60 centimètres. Récemment exposé à Ostrava, dans l’est de la République tchèque, le tableau provient de la collection privée du mécène et grand ami de l’artiste, le riche industriel tchèque Jindřich Waldes. Confisquée par les nazis en 1939, propriété de l’Etat tchécoslovaque après la Deuxième Guerre mondiale, puis restituée aux descendants de Jindřich Waldes par la Galerie nationale de Prague en 1996, « La forme du bleu », jamais restaurée, reste, aujourd’hui encore, dans un excellent état. Elle symbolise l’art abstrait symbolique, lyrique et géométrique de František Kupka, comme l’avait expliqué, en mars dernier, à Ostrava, Vladimír Lekeš, représentant de la Galerie pragoise Adolf Loos qui a prêté la toile pour l’exposition et organisé sa vente aux enchères :

Vladimír Lekeš
« Le tableau est appelé dans le monde de l’art ‘La forme du bleu’ ou ‘Le bleu’. Il représente des verticales bleues et violettes sur une base horizontale. De cette base jaillissent aussi des éclairs blancs et jaunes. Kupka disait que la couleur bleue devait avoir une forme droite et allongée, à la différence des teintes rouges ou orange qu’il voyait comme des courbes. C’est ainsi que ces couleurs apparaissent sur ses tableaux plus récents. »

Jamais dans l’histoire des mises aux enchères en République tchèque, une œuvre d’un artiste national n’avait été vendue à un tel prix. Les 2,25 millions d’euros auxquels a été adjugée « La forme du bleu » dépassent largement le record vieux de cinq ans établi à 884 000 euros pour « Elévation IV », un autre tableau de František Kupka. C’est un collectionneur russophone qui participait à la mise aux enchères par téléphone, qui a acheté le tableau à un prix d’acquisition nettement supérieur à la mise à prix de 1,81 million euros. Rédactrice en chef du site artplus.cz, spécialisé dans l’investissement dans les œuvres d’art, Marcela Chmelařová s’est dit, comme beaucoup, surprise par le montant déboursé par l’acquéreur :

« Le propriétaire a révélé que l’acquéreur était un client étranger résidant en Europe. Cela signifie que le tableau devrait partir à l’étranger et qu’une autorisation d’exportation va devoir être adressée auprès de la Galerie nationale. Nous espérons que cela ne pose pas de problème, car l’exposition de l’œuvre concourrait à la promotion de l’art tchèque à l’étranger. »

L'autoportrait de František Kupka
Au lendemain de cette mise aux enchères historique, nombreux sont aujourd’hui ceux qui se demandent si le tableau, qui était probablement le dernier de la collection privée de Jindřich Waldes encore disponible sur le marché, restera ou non en République tchèque. En effet, la Galerie nationale peut décider de s’opposer à son transfert hors des frontières du pays. Marcela Chmelařová estime toutefois que cela ne devrait pas constituer un obstacle :

« Ce n’est pas la première fois que nous sommes confrontés à cette situation lors d’une vente aux enchères en République tchèque. Mais je pense que dans ce cas précis, il n’y a pas de raison particulière au refus de l’Etat de transférer le tableau de Kupka. D’abord en raison du fait que la Galerie nationale est détentrice de plusieurs œuvres de Kupka. On trouve aussi de nombreux Kupka dans les collections publiques. Je ne vois donc vraiment pas pourquoi le tableau ne pourrait pas être transféré à l’étranger. »

« La forme du bleu » n’ayant pas été déclarée monument culturel comme certaines autres œuvres d’art, la Galerie pragoise Adolf Loos qui était détentrice de la toile et organisait sa vente aux enchères suppose elle aussi que la Galerie nationale et l’Etat autoriseront son transfert à l’étranger. Et tant pis pour les Tchèques amateurs d’art et de František Kupka.