En Bretagne, des artistes tchèques attirés par la mer
La Bretagne se met à l’heure tchèque. Jusqu’au 30 septembre, le Musée départemental breton à Quimper propose une exposition consacrée aux artistes tchèques inspirés par la Bretagne. En collaboration avec la Galerie nationale de Prague, c’est cent ans de peinture tchèque qui est donné à voir au public de Quimper. L’exposition est l’occasion d’organiser plus largement une saison tchèque dans la ville, d’autant plus que la Galerie nationale de Prague prête également, de façon exceptionnelle, son tableau Bonjour monsieur Gauguin au Musée des Beaux-Arts, événement sur lequel nous aurons l’occasion de revenir. Au micro de Radio Prague, Philippe Le Stum, conservateur en chef du patrimoine et directeur du Musée départemental breton est revenu sur l’histoire de ces artistes tchèques en Bretagne :
Cette tradition des peintres tchèques en Bretagne va se poursuivre. Ce n’est pas seulement au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, mais de nombreux autres artistes, modernes, vont venir tout au long du XXe siècle…
« Absolument. L’exposition couvre cent ans d’art tchèque, cent ans d’art breton tchèque. Nous commençons effectivement avec le XIXe siècle, puis la deuxième section est consacrée à l’Art Nouveau avec deux figures majeures de l’Art Nouveau et de l’art symboliste. D’abord Alfons Mucha qui a consacré de très belles œuvres à la Bretagne, que nous présentons dans cette exposition. František Kupka ensuite, que les Français vont désormais bien connaître grâce à l’exposition du Grand Palais. Kupka est venu aussi à plusieurs reprises en Bretagne. Il est l’auteur d’une toile absolument magnifique qui est, à mes yeux, une des plus belles œuvres inspirées par le décor breton. Dans La Vague, il montre cette vague qui déferle sur les rochers de la côte nord de la Bretagne, avec au premier plan, cette femme dans une position assez curieuse qui attend cette vague. C’est une toile absolument saisissante. Nous sommes dans les années 1890-1900. »« La troisième section de l’exposition est consacrée à un artiste qui mériterait à lui seul une exposition, et qui méritait que la Bretagne lui rende enfin hommage. Il s’agit de Jan Zrzavý. Il est un artiste absolument méconnu en France. Je pense qu’aucun musée en France n’avait rassemblé jusqu’à présent autant d’œuvres de Jan Zrzavý, alors qu’il est considéré comme un très grand peintre tchèque, apparenté un peu aux Surréalistes, même s’il n’a pas fait partie de ce groupe. C’est un artiste qui est tombé amoureux de la Bretagne et du Finistère. Il a écrit de très belles pages dessus, que nous reproduisons pour l’exposition. Et puis surtout, il lui a consacré des œuvres magnifiques. Nous en réunissons une quinzaine à Quimper. Lui aussi, comme d’autres de ses prédécesseurs, évite les sentiers battus. Il ne va pas à Pont-Aven, ni à Concarneau, il ne va pas là où il y a des peintres. Il cherche des lieux isolés comme l’île d’Ouessant, l’île de Sein, Camaret, pour peindre un Finistère comme jamais aucun peintre ne l’a peint avant lui. »
« Puis, la dernière section de l’exposition est consacrée à des artistes pleinement en phase avec le surréalisme historique. Il y a donc Toyen, que vous avez citée, la seule femme de l’exposition d’ailleurs. Toyen est une amie d’André Breton. Pourquoi la Bretagne ? Parce qu’André Breton fait venir Toyen à Paris, ils visitent ensemble l’île de Sein, et cette visite va ensuite imprégner l’œuvre surréaliste et très énigmatique de Toyen. Quant à Jan Křížek, il pourrait être qualifié d’artiste brut, primitiviste. Son œuvre est très étrange. C’est un ami de Charles Estienne, un critique d’art originaire de Brest, très proche d’André Breton. Charles Estienne fait venir en Bretagne un certain nombre d’artistes dont Křížek. Il y crée des sculptures, il accumule quantité de dessins, en essayant de retrouver en quelque sorte une sorte de primitivisme qu’il trouve notamment dans l’étude des monnaies gauloises. C’est une époque où les Surréalistes s’intéressent beaucoup au celtisme, à la Bretagne, à l’art gaulois. Křížek crée donc ses œuvres qui, aujourd’hui, sont même plus nombreuses dans les musées français, bretons notamment, que dans les musées tchèques. »L’exposition n’a pas ouvert il y a très longtemps, mais quelles sont les premières réactions du public à cette exposition ?
« Il est en effet un peu tôt pour le dire, la saison ne fait que commencer. Mais lors de l’inauguration de l’exposition, en présence de l’ambassadeur de la République tchèque, tous les gens étaient extrêmement surpris par ces artistes qu’ils ne connaissent pas, à l’exception de Mucha et Kupka. Or, ce sont manifestement de grandes figures, qu’il s’agisse de Čermák, Brožík, Zrzavý, Křížek ou Toyen… Notre public est très surpris de voir que ces artistes ont représenté de façon très originale des paysages, des sites, que lui-même connaît, mais que les Tchèques montrent de façon très singulière. Notre public n’est pas spécifiquement finistérien ou breton. C’est aussi un public international, et donc cette exposition va leur permettre de découvrir cent ans d’art tchèque et des figures encore peu connues dans notre pays. »