Entre l'Aconcagua et le Pic Lénine, le strict confinement en France pour le Tchèque Martin Zhor

Martin Zhor, photo: Archives de Martin Zhor

Martin Zhor, ça veut dire Martin des montagnes en tchèque et c’est le nom d’un des meilleurs alpinistes du moment. A 38 ans, le Tchèque a battu à la fin de l’année dernière le  le nouveau record de l’ascension de l'Aconcagua (6 962 m), plus haut sommet d’Amérique du Sud. Quelques semaines après, la pandémie obligeait tout le monde à rester chez soi, même les alpinistes. Martin Zhor est resté confiné à Chamonix en France, son lieu de résidence depuis une dizaine d’année. Entretien avec l’un de nos aptonymes tchèques préférés :

Aiguille du Midi,  Chamonix,  photo: Martin Janner,  CC BY-SA 3.0

Comment avez-vous vécu ce confinement dans les alpes françaises ?

« En France, c’était assez strict comparé à d’autres pays, avec des restrictions pour tout le monde. On ne pouvait sortir de la maison qu’avec une attestation et dans les limites – 1km de de distance et 100m de dénivelé. »

A Chamonix, 100m de dénivelé c’est vite fait…

« Exactement, en plus moi j’habite à côté de la forêt sur le mont Brévent, alors en cinq minutes de marche je dépasse les 100m de dénivelé, alors c’était un peu compliqué. Mais il fallait respecter : les gendarmes et la police contrôlaient souvent et marchaient aussi sur les sentiers dans la forêt. »

Avez-vous été contrôlé vous-même ou marchez-vous tellement vite qu’ils n’ont pas pu vous rattraper ?

« Non, je n’ai vu les gendarmes qu’en ville, qui contrôlaient les attestations… »

Est-ce que cela vous a semblé trop strict, dans une région montagneuse peu densément peuplée ?

« Oui. Mais pour le gouvernement c’était difficile de faire en sorte que des régions aient des régimes différents, donc je comprends. C’était quand même bizarre pour nous, sachant que la situation était plutôt sous contrôle dans les hôpitaux de Haute-Savoie, comparé à Paris et à la région Grand-Est. Des gens qui ont des résidences secondaires ont circulé, notamment les voitures avec des plaques parisiennes. C’était bizarre de voir  ça mais je comprends que certains ont voulu quitter leur petit appartement en ville. Le confinement y était beaucoup plus difficile que pour nous ici, en pleine nature… »

Depuis la fin du confinement et l’ouverture des frontières vous êtes repassé en Tchéquie et vous vous êtes arrêté cette semaine en Autriche, au siège d’une boisson énergétique très connue, car vous avez de nouveaux projets, très haut…

Autriche,  photo: Christina Nöbauer,  CC BY-SA 3.0

« Oui, je suis repassé voir la famille dès que les frontières ont été ouvertes. Et là on est dans la région de Salzbourg, au siège de l’entreprise qui sponsorise beaucoup les sportifs de haut niveau. En fait, ma copine est sponsorisée par cette marque pour ces projets d’ultra trail, course à pied en haute montagne. On est intéressé par les mêmes projets et on est venu car il y a aussi un centre de haute performance où on peut faire toute sorte de tests physiques, c’est impressionnant. »

Et votre nouveau projet, c’est tout simplement le toit du monde…

« Dans les années passées, j’ai fait un grand projet dans les Alpes : l’enchaînement Mont Rose – Mont-Blanc – Grand Paradis et après je me suis lancé dans la plus haute altitude. En décembre 2019 j’ai battu le record du temps de l’ascension de l’Aconcagua, et là je cherche où je peux aller. Le problème est de nature financière car les plus hauts sommets sont en Asie et il faut des sponsors. En plus les voyages restent un problème cette année. Mais si on peut, avec ma copine on voudrait aller au Kirghizstan sur le sommet du Pic Lénine (officiellement renommé en 2006 Pic Abu Ali Ibn Sina par les autorités du Tadjikistan, ndlr), une très belle montagne dans le Pamir, pas loin de l’Himalaya, dans une région qui me fait rêver depuis tout petit. Cela me permettrait aussi d’avoir une expérience au-dessus de 7000m, car mon plus grand projet serait de gravir le plus rapidement possible jusqu’au sommet de l’Everest (8848m).

Allez-vous reprendre le travail à Chamonix ?

« Oui, sur le téléphérique de l’Aiguille du Midi, à 3800m d’altitude. L’activité reprend doucement, il n’y a pas trop de touristes pour le moment mais je devrais reprendre le travail d’ici deux semaines. »

Pic Lénine au Kirghizstan,  photo: Nihongarden,  CC BY-SA 3.0