Entretenir la mémoire des soldats tchécoslovaques tombés en, et pour la France
Alors que l’on célèbre cette année le centenaire de la fondation de la Tchécoslovaquie, Radio Prague s’est intéressé au travail de mémoire effectué depuis près d’un siècle aussi par l’Association des volontaires tchécoslovaques en France. Née au sortir de la Première Guerre mondiale, l’association entretient le souvenir de tous les soldats tchécoslovaques tombés en, et pour la France lors des deux grands conflits mondiaux du XXe siècle. L’association est aussi le symbole de ces relations franco-tchèques séculaires, alors que la France a joué un rôle majeur dans la naissance même de la toute jeune République tchécoslovaque en 1918. Rencontre avec le président de l’Association des volontaires tchécoslovaques en France, Pavel Lešák et son épouse Béatrice.
PL : « C’est la plus vieille association tchécoslovaque en France. Son histoire remonte à 1919. »
Donc juste après la Première Guerre mondiale…
PL : « Oui, les légionnaires tchécoslovaques revenaient de Russie et d’ailleurs. Il y avait les premiers blessés, les premières veuves, les orphelins. L’association servait donc au départ à s’occuper des blessés, des veuves, des malades… Ça a été le cas pendant deux décennies, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Maintenant l’association sert surtout à pour les cérémonies militaires, les cérémonies du souvenir. Tous les ans, le 28 octobre, on fait une cérémonie à l’Arc de Triomphe à Paris. Le jour de la fête nationale tchèque, on a droit d’allumer solennellement la flamme. Sinon, on participe à d’autres cérémonies au cours de l’année, par exemple, le 1er novembre au Père-Lachaise où se trouve le monument aux morts tchécoslovaques. On y commémore les Tchécoslovaques tombés pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale. »
Un autre moment important de l’année, c’est à Darney, dans les Vosges, en juin…
PL : « C’est là où l’armée tchécoslovaque a été créée par le président Poincaré. Non loin de là, à Reims, il y a un cimetière tchécoslovaque, il y a aussi celui de la Targette dans le Nord. On se déplace ainsi dans toute la France, comme à Agde où se trouvait l’armée tchécoslovaque pendant la Seconde Guerre mondiale. D’ailleurs mon oncle et mon beau-père s’y trouvaient. »Béatrice Lešák vous êtes aussi membre de l’association, vous n’avez pas de fonction officielle mais vous aidez à la bonne marche de l’organisation…
BL : « Je suis tombée dans l’association quand j’étais toute petite puisque les réunions se faisaient chez mes grands-parents maternels, puis mon père a continué. Il a d’ailleurs été vice-président de l’association. »
A l’heure actuelle, combien de membres compte l’association ?
BL : « Une trentaine de membres actifs. Beaucoup sont partis… Ensuite il y a tous les sympathisants. »
D’importantes personnalités tchèques ont été liées à cette association par le passé, comme par exemple Josef Fišera qui en a été le président autrefois et qui a été résistant, en France, pendant la guerre. C’est donc une association qui rassemble des personnes importantes de la communauté tchèque à l’étranger, et plus particulièrement en France.
PL : « Tout à fait. Personnellement, j’ai connu aussi un autre président, Louis Máníček qui a été soldat pendant la Première guerre mondiale. Ensuite, Josef Fišera a été son secrétaire. J’ai connu M. Fišera pendant quarante ans. Il m’a parlé de beaucoup de choses, mais jamais de l’histoire de ces enfants qu’il a sauvés pendant la guerre. Un jour, on a appris que les enfants en question l’avaient retrouvé. Il est parti en Israël où il a reçu le prix des Justes parmi nations. »
Josef Fišera a en effet sauvé des enfants juifs à Vence pendant la Seconde Guerre mondiale…
PL : « Il les a amenés en Suisse, les a sauvés. Et un jour ces enfants l’ont retrouvé… C’est un très beau souvenir. »
J’imagine. Et c’est le signe que l’association rassemble des gens qui ont un sens de l’humanité et de la nation…
PL : « Je ne peux pas ne pas évoquer un autre président de l’association Valérien Ignatovitch. Il était colonel dans l’armée française. Son père était biélorusse et sa mère était originaire de Bohême du Sud. Comme il travaillait dans l’armée, il a aussi appris le tchèque aux étudiants de Saint-Cyr afin qu’il puisse plus tard écouter, à l’époque du communisme, les radios espions etc. A l’époque, ma femme et moi tenions un restaurant. Il venait chez nous, on fermait le restaurant et il organisait des réunions des Tchèques chez nous. Il est décédé en 2015. Tous les ans, le 2 novembre, nous allons déposer une gerbe sur sa tombe. M. Fišera est enterré à Kolín, en République tchèque et je m’y suis déjà rendu deux ou trois fois personnellement. Avec le collectif des volontaires tchécoslovaques nous nous sommes mis d’accord et désormais on se rend également sur la tombe du Général Pellé. On va également faire de même pour le Général Faucher. Et il faut que l’on fasse aussi cela pour Louis Máníček parce qu’il a fait beaucoup de choses dans les années 1950 : c’est à lui que l’on doit le cimetière tchécoslovaque à La Targette. Il a également fait exhumer les dépouilles de soldats tchécoslovaques éparpillées partout en France pour les faire enterrer dans ce cimetière. Mais il y en a encore tellement qui sont un peu partout dans le pays, comme à Cernay par exemple. Aujourd’hui, c’est mon rôle d’aller sur place, de voir dans quel état sont les tombes etc. »Votre rôle est de préserver ces tombes et d’entretenir le souvenir de ces soldats tchécoslovaques tombés en France…
PL : « J’ai conclu un accord avec le ministère tchèque de la Défense et aujourd’hui je m’occupe personnellement du monument tchécoslovaque au cimetière du Père-Lachaise. Il se trouve sous les arbres et est souvent sale à cause des pigeons. Au bout de dix ans à me démener, j’ai enfin touché de l’argent pour son entretien. Depuis, tous les mois, je vais nettoyer le monument, je mets des fleurs. Cet été j’ai fait venir des marbriers de Prachatice en Tchéquie qui ont refait toutes les lettres des textes inscrits. »
Cette année, nous fêtons le centenaire de la fondation de la Tchécoslovaquie qui est d’ailleurs très liée à la France. Quels seront les événements à ne pas manquer ?
PL : « Déjà en juin, il y a eu Darney, même si malheureusement le président Macron n’est finalement pas venu. C’était bloqué partout, pour la cérémonie. Même les villageois qui d’habitude y assistent tous les ans n’ont pas pu venir car ils ne savaient pas qu’il fallait s’inscrire à la préfecture… Il y a du beau monde qui est venu. Mais c’était une très belle cérémonie, je dois dire. »
Et à partir de septembre, quelles cérémonies vous attendent ?
« Il y a d’abord un dépôt de gerbe sur la tombe du Général Faucher, à côté de Poitiers. On va faire une grande cérémonie au Père-Lachaise le 28 octobre, au monument tchécoslovaque. Je pense que cette année ce sera plus important que d’ordinaire. Tout de suite après, il y aura aussi un rendez-vous à Vouziers et sur les lieux des combats de la Première Guerre mondiale dans la Marne. Puis, il y aura le 11 novembre. J’ai découvert récemment au Père-Lachaise, là où il y a tous les monuments aux morts étrangers, que la mairie du XXe arrondissement et de Paris y organisait tous les ans une cérémonie. Il y aura l’ambassadeur de Slovaque, de République tchèque, les attachés militaires etc. Et je rappellerai aussi que comme tous les ans, en mai, nous étions à Meudon, au monument commémorant la mémoire de Milan Štefánik. Bref, on a du travail toute l’année ! »