Ervín Schulhoff, un classique inspiré par le jazz
Amateur passionné de danses modernes, musicien inspiré par le folklore, compositeur engagé : on peut dire tout cela et encore beaucoup plus à propos d'Ervín Schulhoff, un homme qui a apporté des impulsions inattendues et une nouvelle énergie à la musique tchèque de l'entre-deux-guerres.
Ervín Schulhoff est né en 1894. Enfant prodige reçu au conservatoire de Prague à dix ans, pianiste virtuose qui entreprend déjà à seize ans une grande tournée en Allemagne, il manifeste bientôt des dons pour la composition. Après des études aux conservatoires de Vienne, de Leipzig et de Berlin, il écrit plusieurs compositions dans le genre du romantisme tardif, mais sa nature et l'originalité profonde de son talent le poussent vers l'expression moderne. Il trouve d'abord une forte inspiration dans le jazz qui fait fureur à cette époque aux Etats-Unis et en Europe. Il compose, à l'instar de ses contemporains Martinů et Ježek, des fox-trots, des shimmys, des charlestons, des bostons, des ragtimes, des tangos et des valses, mais il entreprend aussi la composition d'importantes œuvres symphoniques et de la musique de chambre. Son talent s'impose aussi sur le plan international et il est applaudi dans les festivals de musique moderne à Prague, à Salzbourg et à Genève.
C'est la montée du nazisme en Allemagne qui provoquera un tournant dans sa création. Au début des années 1930 l'inspiration de Schulhoff change et il se met à composer de grandes œuvres symphoniques et vocales par lesquelles il exprime ses convictions socialistes. Il signe entre autres un oratorio pour solistes, chœur et grand orchestre à vent sur le texte du Manifeste du parti communiste de Karl Marx. Il va jusqu'à demander la nationalité soviétique, mais il n'échappera pas aux terribles rouages de l'histoire. Arrêté lors de l'invasion de l'armée allemande en Union soviétique, il est déporté au camp de concentration de Würzburg où il meurt en août 1942. Il restera un des musiciens tchèques les plus originaux de la première moitié du XXe siècle qui a su absorber les impulsions de son époque et donner une nouvelle vie à la musique dite "classique".