L'art comme échappatoire au camp de concentration
« Artistes contre la mort », c'est le nom d'un projet entre Telc et Prague, autour de deux artistes d'origine juive, le compositeur Erwin Schulhoff et le peintre Frantisek Moric Nagl. Entretien avec Olga Zampova, de la Société de la Renaissance de Slavonice, co-organisatrice, avec l'association civique Phoenix, de cet hommage aux deux artistes victimes de l'Holocauste.
« Je ne crois pas que ses compositions représentent un point culminant dans le monde de la musique. Mais c'est un compositeur moderniste. On trouve des éléments de jazz dans ses oeuvres, et il est sans doute l'un des tout premiers compositeurs modernes chez qui ces éléments apparaissent, dans les années 20-30. »
Oeuvres dadaïstes et recherches autour de l'expressionisme et de l'atonalité caractérisent notamment les oeuvres de Schulhoff. Frantisek Nagl, quant à lui, est un peintre naturaliste, né en 1889 près de Telc et mort à Auschwitz en 1944. L'association de ces deux artistes au coeur du projet est une manière de mettre en lumière la manière dont l'art et la création peuvent être une forme de dépassement, même au seuil d'une mort certaine. Olga Zampova :
« Tous deux, Erwin Schulhoff et Frantisek Nagl, sont exceptionnels, plutôt de par leur destin, puisqu'ils ont été victimes de l'Holocauste. Et aussi parce qu'ils ont continué à créer et travailler jusque dans les tout derniers moments de leur vie. Dans la limite du poids autorisé pour ses bagages, Frantisek Nagl a emmené avec lui dans le camp de concentration ses ustensiles de peinture qu'il a emballés au lieu de prendre des choses courantes et nécessaires. Il a emporté des pinceaux et des couleurs. Pendant tout le temps qu'il a passé à Terezin, il a peint, et les oeuvres qu'il y a réalisées sont très suggestives et très fortes. De même, Erwin Schulhoff a composé et créé jusqu'à la dernière minute. Justement, les membres du Quatuor Schulhoff ont demandé à consulter les archives de Terezin et du camp où Schulhoff est mort, où se trouvent ses carnets de notes. Et c'est à partir de ces carnets qu'ils assemblent ses compositions et reconstruisent son oeuvre, et ils ont même découvert des compositions qui n'ont jamais été publiées. »
Ce mois-ci se sont succédés les hommages et les cérémonies du souvenir à l'occasion des 60 ans de la libération du camp d'Auschwitz, mais le projet s'est formé à part, comme l'explique Olga Zampova :
« Bien sûr, nous étions au courant des célébrations pour les 60 ans de la libération d'Auschwitz, nous savions tout ce qui se préparait dans le monde sur le thème de l'Holocauste, mais il y a un an, nous avons choisi ces dates. Nous ne voulions pas particulièrement y être liés, ni même que le projet se déroule sous l'égide de ces commémorations, mais bien entendu, cela fait partie de cette vague générale à travers le monde de prise de conscience sur le thème de l'Holocauste. »