Eurobaromètre : les Tchèques, des eurooptimistes pessimistes

Photo: Commission européenne

Près de deux ans après l'avoir intégrée, les Tchèques se montrent aujourd'hui moins optimistes vis-à-vis de l'Union européenne qu'il y a peu. C'est du moins ce qui ressort du dernier sondage Eurobaromètre réalisé à l'automne dernier. Ainsi, selon les résultats de l'enquête censée refléter l'opinion publique dans chacun des pays membres, seuls 17 % des Tchèques interrogés estiment que leur voix est entendue à Bruxelles.

Photo: Commission européenne
Depuis 1973, la Commission européenne réalise un Eurobaromètre standard dont les rapports sont publiés deux fois par an. Si ces différentes études servent à traiter de nombreux thèmes d'intérêt, il n'en demeure pas moins que leurs résultats restent à prendre avec des pincettes. Ainsi, sur la base de ces chiffres, en février 2005, soit dix mois après l'adhésion du pays, Radio Prague affirmait que les Tchèques faisaient partie des Européens les plus sceptiques avant de titrer, cinq mois à peine plus tard, que les Tchèques étaient à l'heure de « l'eurooptimisme ».

Cette fois, mardi, au lendemain de la publication des résultats du dernier Eurobaromètre, on pouvait carrément lire en première page du quotidien Lidové Noviny que les Tchèques prétendent ne pas se sentir européens ! Tellement peu européens qu'ils concurrenceraient même les Britanniques en matière d'euroscepticisme... C'est dire. Alors, que croire et peut-on se fier aux statistiques ?

Le fait est quand même que sur les 1161 Tchèques interrogés en octobre et novembre derniers, seuls 10 % d'entre eux ont affimé se sentir européens. Si ce chiffre est faible, il convient de préciser que la moyenne européenne n'est guère supérieure puisqu'elle ne s'élève qu'à 17 %. Et comme le rappelle elle-même la Commission européenne dans son analyse, cet eurobaromètre a été réalisé dans un contexte difficile, peu de temps après les « non » français et néerlandais lors des référendums sur la Constitution européenne et juste avant que les pays membres s'entre-déchirent lors des négociations tendues pour l'adoption du nouveau budget de l'UE.

Plus inquiétante, en revanche, est une autre donnée selon laquelle seul un Tchèque sur six pense que la voix de Prague est entendue à Bruxelles. Un chiffre qui, selon certains, traduirait le complexe d'infériorité dont souffrent les Tchèques, mais qui révèle un état d'esprit étonnant pour Jan Herzmann, chef de l'agence factum Invenio auteur de l'enquête :

« Un grand nombre de Tchèques font confiance à l'UE, mais ils ont l'impression qu'ils ne sont pas entendus en Europe. Chez nous, seuls 17 % des personnes interrogées pensent le contraire, alors que la moyenne pour l'ensemble de l'UE est deux fois supérieure à ce chiffre, soit 34 %. »

Jan Herzmann,  photo: CTK
« Je dois dire que c'est une réponse qui m'a beaucoup surpris. Les référendums en France puis aux Pays-Bas ont démontré que dans chaque pays les électeurs pouvaient influencer de manière significative les processus en cours au sein de l'UE et même les bloquer. Or, il semble que les Tchèques n'aient pas encore pris conscience de cette possibilité et ils ont le sentiment qu'ils n'ont pas leur mot à dire, ce qui n'est pas un sentiment tout à fait juste. »

Ce sentiment est d'autant moins légitime si on le contrebalance avec une autre donnée selon laquelle seuls 34 % des Tchèques affirment comprendre le fonctionnement des institutions européennes. Finalement, alors qu'entre 2007 et 2013 la République tchèque sera le pays membre à recevoir le plus d'argent par habitant (environ 330 euros par an), heureusement que 55 % d'entre eux confirment quand même que leur appartennance à l'UE est plutôt une bonne chose. Car dans le cas contraire, même si la spécificité d'un baromètre est de mesurer un élément à un moment bien défini et donc d'être de nature fluctuente, ce serait alors à ne plus rien y comprendre.