Européennes – comparaison des programmes : sur l’Ukraine, une ligne de démarcation claire et nette
Les 7 et 8 juin prochains se tiendra en Tchéquie le scrutin visant à renouveler les sièges du Parlement européen. A cette occasion, Radio Prague Int. vous propose de comparer les programmes des cinq principaux partis et coalitions en lice pour les élections. Ce second volet est consacré au thème de la guerre en Ukraine.
Sur la question de la guerre en Ukraine, de l’aide militaire – et humanitaire – les positions partisanes semblent assez claires entre, d’un côté, les partis membres de la coalition gouvernementale au pouvoir, fer de lance d’un soutien inconditionnel à l’Ukraine agressée depuis le 24 février 2022, et de l’autre, des partis dans l’opposition aux opinions globalement contraires.
ODS (Spolu) : le soutien absolu à l’Ukraine
La coalition conservatrice ODS-KDU-ČSL-TOP09 reste fidèle à la ligne défendue par l’ensemble du gouvernement depuis le début de la guerre en Ukraine, entre aide militaire, humanitaire et accueil des réfugiés. Membre du parti civique-démocrate ODS et eurodéputée sortante, Veronika Vrecionová est la numéro deux de la liste réunie sous le nom Spolu (Ensemble), copie conforme de l’une des coalitions au pouvoir :
« Je pense que nous devons absolument aider l’Ukraine autant que nous le pouvons. Je suis très fière de ce gouvernement. Je me réjouis de l’initiative de la Tchéquie, qui est à la tête de cette coalition de gouvernements pour acheter ces munitions qui font défaut à l’Ukraine. Nous savons également qu’un certain nombre de volontaires de différents États membres sont allés se battre en Ukraine. C’est une bonne chose. Mais s’impliquer directement dans cette guerre, via l’OTAN, ce serait très dangereux, ce serait un pas vers la Troisième Guerre mondiale. Personne ne le souhaite. Cependant, il est dans notre intérêt national que la Russie soit aussi éloignée que possible de nos frontières, et que l’Ukraine soit victorieuse. Selon moi, la meilleure chose serait que la Russie retourne complètement dans les frontières qui sont les siennes et qu’elle se retire complètement d’Ukraine. Chaque guerre se termine par une sorte de négociation. À ce stade, il est clair qu’il serait très dangereux de parier sur une assistance militaire de l’OTAN en Ukraine. Rien de tel n’est donc envisagé pour le moment. »
Pirates : la sécurité de l’Europe comme vision
Du côté du Parti pirate, membre de la coalition gouvernementale, il est utile de rappeler qu’un de ses représentants, Jan Lipavský, est une des voix les plus fermes et constantes sur la question du soutien à l’Ukraine en tant que ministre des Affaires étrangères. Tête de liste du parti pour les européennes, Marcel Kolaja ne dit pas autre chose :
« Je suis convaincu qu’aujourd’hui, l’Europe ne peut pas prendre de meilleure décision que de soutenir l’Ukraine, que ce soit d’un point de vue moral ou d’un point de vue économique, sécuritaire et géopolitique. C’est le meilleur moyen de garantir la sécurité en Europe. Si l’Ukraine devait tomber, nous aurions vraiment un gros problème de sécurité, l’expansionnisme du régime de Poutine risquant fort d’être sans fin. »
STAN : aider l’Ukraine à gagner
Même son de cloche que Spolu et les Pirates, du côté du parti Maires et Indépendants (STAN), où l’ancienne candidate à la présidentielle et tête de liste du parti pour les élections européennes, Danuše Nerudová insiste sur la nécessité d’écouter ce que veulent les Ukrainiens :
« L’Union européenne doit maintenant apporter une aide plus souple qu’elle ne l’a fait jusqu’à présent et nous devons commencer à livrer tous les obus et toutes les armes que le président Volodymyr Zelensky demande beaucoup plus rapidement. Il a été démontré, dans le cas de l’aide à Israël notamment, que lorsque plusieurs pays s’y associent, cette aide est vraiment très efficace. Et le président Zelensky pose à juste titre la question : pourquoi Israël et pourquoi pas nous ? Nous devons aider l’Ukraine à gagner la guerre. Si vous regardez les derniers sondages d’opinion, une majorité écrasante, près de 70 %, pense que l’Ukraine doit aller au bout et les trois quarts de la population ukrainienne n’accepterait d’ailleurs aucune perte de territoire : nous devrions donc respecter ce que veut l’Ukraine, ce que veut le président Zelensky. Ce n’est certainement pas à nous qui vivons en paix et sans tirs de roquettes au-dessus de nos têtes, de donner aux Ukrainiens des leçons sur la façon de mettre fin à la guerre. C’est au président Zelensky de décider. »
ANO : une position d’équilibriste
Si le leader du mouvement populiste ANO, ancien Premier ministre et homme d’affaires tchèque, Andrej Babiš, fait des tournées en Tchéquie en dénonçant vigoureusement l’initiative tchèque d’achat mutualisé d’obus pour l’Ukraine, arguant qu’il s’agit d’une « sale affaire » bénéfique pour les marchands d’arme, le député Jaroslav Bžoch, numéro 2 de la liste du parti, s’affiche comme plus modéré et consensuel sur l’Ukraine, tout en glissant la nécessité – à terme – de négociations de paix :
« Du point de vue de la Tchéquie, de l’Union européenne, mais aussi des autres pays occidentaux, nous devons continuer ce que nous faisons actuellement : c’est la seule solution que nous pouvons proposer pour l’instant. L’Ukraine doit recevoir les munitions qu’elle réclame afin d’être en mesure de défendre ses lignes. Et bien sûr, l’aide humanitaire doit se poursuivre. Mais d’un autre côté, nous devrions utiliser tous les autres moyens possibles pour que ce conflit s’achève. Je sais que la situation est difficile et que la Russie n’est pas exactement l’État avec lequel on a envie de discuter. Mais nous devrions négocier afin de parvenir au moins à un cessez-le-feu dès que possible, car plus il y a de morts, plus les infrastructures sont détruites en Ukraine, plus il sera difficile pour cet État de revenir à la vie normale. Actuellement, il y a cette tentative de conférence de paix en Suisse. On sait déjà que la Russie l’a refusée parce qu’elle ne considère pas la Suisse comme un État neutre puisqu’elle soutient les sanctions européennes. Je pense que c’est à nous, politiciens, mais surtout aux diplomates dont le rôle est crucial, de rechercher toutes les opportunités, toutes les chances d’obtenir au moins un cessez-le-feu. Nous pourrons alors discuter de ce qui devrait être une victoire ou non pour l’Ukraine, mais il est certain qu’il faut au moins arrêter les morts et la destruction des infrastructures. »
SPD : rejet de la stratégie tchèque et européenne, appel à des négociations
À l’instar de ses équivalents européens également classés à l’extrême-droite de l’échiquier politique, le SPD de Tomio Okamura fait partie des plus virulents opposants à l’aide à l’Ukraine. Son chef de file qui appelle à une neutralité du pays agressé, n’a jamais mâché ses mots sur la question : n’hésitant pas à reprendre le narratif russe visant à faire de la majorité des Ukrainiens des « néo-nazis », minimisant le drame qui se joue sur place, il s’est plusieurs fois exprimé en faveur de l’arrêt de l’aide tchèque à l’Ukraine, au retour des Ukrainiens réfugiés en Tchéquie dans leur pays d’origine, tout en se disant pour un processus de paix, sans en préciser les conditions. Dans la droite ligne de ce positionnement, Petr Mach, tête de liste pour les élections européennes sur une liste commune avec le parti Trikolóra, dénonce la stratégie du gouvernement tchèque tout comme celle de l’Union européenne :
« Je suis convaincu que la tactique de l’Ukraine et de l’Occident, ou plutôt leur stratégie, n’est pas la bonne : si l’objectif de l’Occident est que l’Ukraine gagne, la stratégie actuelle n’y conduit pas. Si la Tchéquie collecte des fonds et achète 300 000 munitions, les Russes achèteront également 300 000 munitions. Le résultat est que la guerre va continuer et qu’il y aura encore plus de morts. Ce que nous demandons, c’est tout d’abord un cessez-le-feu et ensuite des négociations pour une sorte de paix durable. »
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