Européennes : les Tchèques encore loin de Bruxelles

Dans cette nouvelle édition de la Tchéquie au quotidien, nous revenons sur l'Europe, qui fait son entrée dans le quotidien des Tchèques, et plus exactement sur les élections européennes qui se sont déroulées à la fin de la semaine dernière. Un premier constat après la publication des résultats : moins d'un électeur tchèque sur trois s'est rendu au bureau de vote.

Photo: CTK
Pourquoi une si faible participation? Le politologue Bohumil Dolezal tente de répondre à cette question:

"Pour un électeur normal, il est très difficile de comprendre le fonctionnement et surtout le sens d'un Parlement qui ne représente pas un Etat. A mon avis, les citoyens se rendront compte seulement dans quelques années de l'importance que revêt le Parlement européen et du rôle croissant des institutions européennes dans leur vie quotidienne."

Le faible chiffre de la participation en République tchèque, inférieur à la moyenne dans les Etats membres, doit cependant être quelque peu relativisé. Il est en effet difficile de comparer le taux d'abstention tchèque au taux d'abstention français, par exemple. Une raison à cela : tous les citoyens tchèques de plus de 18 ans sont automatiquement inscrits sur les listes électorales de leur lieu de résidence principale. Ainsi sur une population totale de 10 millions d'habitants, on compte, en Tchéquie, plus de 8 millions d'inscrits. En France, en revanche, se faire inscrire sur les listes nécessite quelques démarches administratives, ce que beaucoup rechignent à faire.

Pour ceux qui ont tenu à faire entendre leur voix lors des premières élections européennes organisées dans le pays, les motivations étaient diverses. Quels critères ont influencé les Tchèques dans leur choix? Nous avons posé la question à Adela Seidlova, du centre de recherche sur l'opinion publique:

Les élections,  photo: CTK
"Ce qui était le moins important, et j'aimerais commencé par cela, étaient les critères de l'âge et du sexe du candidat. En revanche, le critère de la profession du candidat est déjà beaucoup plus important. Les électeurs sont très attentifs à la carrière de celui ou de celle pour qui ils votent et son expérience professionnelle devient un critère majeur. En revanche, les autres informations concernant divers aspects de la vie du candidat ne sont pas pris en compte".

Pour beaucoup en tous cas, ce n'est pas "l'europhilie" qui a prévalu dans le choix de la liste et des candidats. Le scrutin, destiné à désigner les députés de la seule assemblée supranationale élue au suffrage universel, a été l'occasion d'exprimer des convictions personnelles au niveau national. On écoute Richard Wolf, à la sortie du bureau de vote, dans lequel il vient d'accomplir son devoir de citoyen:

"Je vote aujourd'hui seulement parce que j'ai voté contre au référendum pour l'adhésion à l'Union européenne et je suis ici afin de voter pour le 'moindre mal'. Je viens faire en sorte que ces salopards de communistes ne passent pas. La social-démocratie ne vaut pas un clou non plus. Je suis venu apporter ma voix au parti républicain, au parti de Miroslav Sladek!"

Evidemment, cette opinion n'est pas représentative de l'électorat tchèque. Le parti nationaliste de Miroslav Sladek, qu'était venu soutenir Jean-Marie Le Pen pendant la campagne, a obtenu moins de 1% des voix. Les thèmes importants aux yeux de la majorité restent cependant, comme dans chaque pays membre, des thèmes nationaux. Karine Dufkova est étudiante à l'Université Charles de Prague, et l'une des rares personnes à voter dans le quartier de Prague 4 samedi matin. Elle explique comment elle a fait son choix parmi les 31 listes et la multitude de candidats:

"De temps en temps, il y en a qu'on connaît, par exemple l'ancien directeur de TV Nova, et on sait à peu près quoi attendre de ces gens-là. Mais sinon, la plupart des gens, je ne les connais vraiment pas. C'est notre devoir de désigner nos députés européens. Même s'ils ne seront pas beaucoup à nous représenter et même si c'est la première fois, j'espère qu'ils ressentiront les espoirs que nous plaçons en eux."

Les élections,  photo: CTK
Quels critères étaient important pour vous?

"Pour moi, c'était important de connaître au moins un des hommes politiques sur la liste, qui me soit un peu sympathique et dont je connaisse un petit peu le travail et les idées."

Ce qui est le plus important pour vous, ce sont les idées au plan national ou l'attitude envers l'UE et la position adoptée lors du référendum pour l'adhésion?

"C'est surtout l'évolution au cours des dernières années qui m'intéresse. Pas la position envers l'UE, puisque tous vont nous dire qu'ils vont faire de leur mieux. C'est plutôt les idées concernant la politique tchèque qui sont importantes pour moi."

Pour la première fois lors de ces élections, les ressortissants des pays de l'Union domiciliés en Tchéquie ont pu glisser leur bulletin dans une urne tchèque. Une petite révolution, qui en choque certains, comme Richard Wolf:

Les élections,  photo: CTK
"Comment? Vous avez la nationalité française et vous n'avez pas la nationalité tchèque et vous me dîtes que vous pouvez voter? Ce n'est pas possible! Je faisais partie de la commission électorale! Qui vous a dit que vous aviez le droit de voter?"

Après avoir expliqué à cet électeur que tous les citoyens européens ayant leur résidence principale en Tchéquie pouvaient voter pour les candidats tchèques, il a fallu lui annoncer que désormais, des gens qui ne possédaient pas la nationalité pouvaient également se présenter sur les listes tchèques. Karine l'étudiante, même si elle est moins choquée que l'interlocuteur précédent à l'annonce de cette nouvelle trouve tout de même cela pour le moins étrange.

"Je ne comprends pas trop...C'est aux Tchèques de choisir. Mais je ne pense pas que ces gens-là, les étrangers, auront des chances par rapport aux Tchèques. C'est toujours comme ça, on préfère les nôtres."