Presse : l’Union européenne fragilisée après les élections ?

Elections européennes

Cette nouvelle revue de presse revient sur les résultats des élections européennes et leur impact sur l’avenir de l’Europe. Autres sujets traités : la pauvreté liée à la mobilité et le crépuscule de la social-démocratie tchèque. Ce magazine s’intéresse également aux visions et aux initiatives en vue de la modernisation de l’économie tchèque. Un mot enfin sur une version inédite de la comédie musicale West Side Story créée dans une prison tchèque.

Tandis qu’au lendemain des élections européennes, les médias locaux ont analysé en priorité les résultats nationaux et leurs retombées sur l’évolution politique en Tchéquie, ils se penchent désormais davantage sur ce que leurs résultats  signifient pour l’Europe. « En dépit du succès de l’extrême droite, les chrétiens-démocrates, les socialistes et les libéraux ont maintenu au Parlement européen une majorité claire. Voilà pourquoi l’Europe devrait maintenir ses orientations principales comme le soutien de l’Ukraine ou la lutte contre le changement climatique », souligne le site Seznam Zprávy.

Un avis qui n’est pas partagé par l’éditorialiste du journal économique Hospodářské noviny selon lequel l’Union européenne va être un acteur mondial encore moins prévisible et plus faible que jusqu’à présent :

« La politique européenne va devenir plus fragile et il sera plus difficile de trouver des compromis sur des questions importantes et fondamentales. Le tout au moment où de nouveaux blocs régionaux se forment dans le monde et où le pouvoir politique, économique et militaire de nouveaux acteurs mondiaux tels que l’Inde et le Brésil s’accroît. Un point d’interrogation plane également sur l’avenir  de l’aide à l’Ukraine, en lien notamment avec les élections législatives anticipées en France. Un affaiblissement du soutien français à Kyiv mettrait en péril l’ensemble de l’aide européenne. »

« L’attention portée à d’autres grandes questions liées aux valeurs sur lesquelles l’Union européenne a été bâtie sera sans aucun doute affaiblie », avertit encore l’éditorialiste du journal. » L’éditorialiste du site Novinky.cz a pour sa part observé :

« Comme prévu, la droite et les nationalistes ont raffermi leur position au Parlement européen. Il s’avère donc clair que si les partis du centre ne s’attaquent pas aux problèmes qui préoccupent les citoyens, les électeurs se tourneront vers les partis extrêmes. Les résultats des élections confirment le mécontentement avec le Green Deal tel que l’Union européenne a voulu l’imposer sans tenir compte de l’impact qu’il aurait sur la majorité des citoyens et, aussi, leurs inquiétudes face au problème de l’immigration. »

« Les résultats européens et la victoire du Parti populaire européen sont une bonne nouvelle pour l’évolution rationnelle de l’Union européenne. Ce groupe est de loin la force politique la plus puissante en Europe », souligne le journal en ligne Forum24.cz avant d’ajouter que, « heureusement, ceux-ci sont plus importants pour la condition de notre monde que le résultat honteux et embarrassant de ces élections en Tchéquie ».

« Il est vrai que l’extrême-droite sort renforcée des élections européennes dans une grande partie de l’Europe, mais elle est encore loin d’être en majorité. Les gens continuent à préférer les partis traditionnels ou établis. » Un constat fait également par un éditorialiste du quotidien Deník N qui indique :

« Dans plusieurs pays où ils remportaient encore récemment des succès, les courants antisystème sont déjà sur le déclin. Il n’y a que quatre exceptions : la France, l’Italie, la Hongrie et la Tchéquie. »

Protéger le climat, mais tenir compte de la pauvreté liée à la mobilité

L’interdiction des « moteurs à combustion » a été en Tchéquie l’un des principaux sujets des élections européennes. Et ce malgré le fait, d’après ce qu’indique un article publié dans l’hebdomadaire Respekt, que les gens n’en savent finalement pas grand-chose, car une interdiction supposée n’est pas à l’ordre du jour. En effet, même si à partir de 2035 les nouveaux véhicules à essence et diesel qui produisent les émissions qui affectent le climat mondial ne seront plus vendus, cela ne touchera guère les automobilistes tchèques. L’âge moyen des voitures tchèques se situant autour de 15 ans, celles-ci pourront rouler pendant de longues années encore après cette date. Le problème, selon l’éditorialiste du magazine, est ailleurs, et lié à « la pauvreté liée à la mobilité » :

Photo illustrative: Filip Jandourek,  ČRo

« A la campagne et en-dehors des grandes villes tchèques, jusqu’à 1,3 million de personnes en sont menacées. Certes, les prix des véhicules électriques ont tendance à la baisse, mais ces catégories ne pourront pas se les procurer dans un avenir proche. Ainsi, sans des transports publics de qualité, le problème continuera à s’approfondir. Il va de soi que l’on ne saurait ignorer la protection du climat, mais il en va de même pour le problème de la pauvreté en matière de mobilité. Il s’agit d’un énorme défi à relever pour les politiques tchèques qui sont appelés à aider tous ceux qui n’arrivent pas à se débrouiller seuls pour aller au travail, à l’école ou chez le médecin ».

Le crépuscule de la social-démocratie (SOCDEM)

Les élections au Parlement européen comptent beaucoup de perdants. Toutefois, selon le magazine Reflex, la Tchéquie n’a pas connu à ce jour une défaite aussi importante que celle qu’a subie la social-démocratie (SOCDEM) :

Michal Šmarda | Photo: SOCDEM

« Le parti SOCDEM n’a obtenu que 1,86 % des voix. Il s’agit pourtant d’un parti qui a eu dans l’histoire moderne de la Tchéquie cinq Premiers ministres dont l’un est même devenu chef de l’Etat et qui a été la première force politique du pays pendant de nombreuses années. Force est de constater que les sociaux-démocrates eux-mêmes ont mérité un tel résultat, en raison de ce qu’ils ont fait, ou, plutôt, n’ont pas fait ces dernières années. La richesse et l’influence du parti, autrefois considérables, mais qui n’a plus de personnalités et d’idées nouvelles, se sont évaporées. »

« Un parti jadis puissant est ainsi devenu un petit groupe d’intérêt spécial, ses membres suscitant tantôt une certaine sympathie, tantôt un sourire narquois », résume le magazine.

La Tchéquie en quête d’une modernisation de son économie

Relance de la Tchéquie, la Tchéquie plus, la Tchéquie doit accélérer, la République en mouvement, Country for the Future, la Tchéquie à la croisée des chemins. Autant de slogans pour désigner des stratégies, des visions et des conférences qui sont initiées dans le pays par les différents partis politiques, les entrepreneurs et les commerçants en vue de moderniser l’économie nationale. Le  site Seznam Zprávy remarque :

Petr Fiala | Photo: Kateřina Šulová,  ČTK

« Vu le nombre d’initiatives, il paraît surprenant que la Tchéquie ne soit pas encore un leader de l’innovation en Europe. Mais trêve d’ironie. On dit souvent que notre pays est figé parce qu’il n’a pas de grande vision d’ensemble faisant l’objet d’un consensus social, alors que le monde qui l’entoure évolue rapidement. Il est donc formidable que de nombreuses personnes ainsi que les dirigeants politiques se rendent compte que le pays a besoin d’un nouveau coup de fouet. Ils sont actifs et proposent des idées sur ce qu’il faut faire et comment le faire. Et malgré leurs différents noms, les visions sont toutes pareilles. »

La plupart des changements envisagés sont dans une certaine manière en cours de réalisation, mais ne sont pas, comme l’indique Seznam Zprávy, achevés. « Voilà pourquoi notre pays ne se trouve pas à un carrefour, comme le souhaite le Premier ministre Petr Fiala, mais plutôt sur un rond-point où il n’a de cesse de tourner en rond », écrit-il.

Un West Side Story en version pénitentiaire

Le journal Lidové noviny évoque une pièce de théâtre spéciale, une version abrégée de la célèbre comédie musicale West Side Story, qui a été créée dans les prisons de Příbram et de Světlá nad Sázavou en Bohême centrale avant d’être présentée, il y a quelque jours, devant le public. Il s’agissait d’un projet, selon la chroniqueuse du journal, auquel les détenus des groupes pénitentiaires sélectionnés pouvaient s’inscrire et décider s’ils allaient endurer les six mois de répétitions régulières jusqu’à la fin :

« Certains ont abandonné, mais la plupart ont persévéré et quatorze hommes et douze femmes ont atteint la phase finale. Les répétitions ont été supervisées par les employés de l’administration et des établissements pénitentiaires locaux qui ont également collaboré lors de la réalisation des costumes ou de l’organisation de la pièce. La Nouvelle scène du Théâtre national a participé à l’encadrement technique professionnel de la production ».

« Tous ceux qui ont eu l’occasion d’assister à l’unique présentation publique de cette version inédite de West Side Story en prison ont vécu une expérience émotionnelle et forte. Il s’agissait d’une sorte de théâtre brut qui a touché toutes les personnes présentes », peut-on lire dans le journal qui a apprécié l’envergure et l’authenticité des interprètes.