Face à l’euro, la couronne tchèque est à son plus fort depuis 14 ans

Moins de 24 couronnes pour un euro. Jamais depuis plus de quatorze ans, la monnaie tchèque n’avait été aussi forte face à la monnaie européenne. Si ce taux de change est une bonne chose pour les vacanciers tchèques à l’étranger ou les ménages, car il contribue à freiner l’inflation sur les produits importés, il l’est moins, en revanche, pour les entreprises exportatrices.

Les économistes estiment que la situation actuelle ne va pas durer et s'attendent plutôt à une légère dépréciation de la monnaie tchèque dans les prochaines semaines et prochains moins pour revenir à un taux de change plus proche des 24,50/25 couronnes pour un euro.

Mais en attendant de voir ce qu’il en sera de ces prévisions, le taux actuel, avec lundi soir un euro qui s'échangeait pour moins de 23,90 couronnes, fait le bonheur, par exemple, des Tchèques qui habitent dans les régions frontalières et ont l’habitude de faire leurs courses en Allemagne ou en Autriche, comme par exemple Tomáš, interrogé lundi sur le parking d’un hypermarché en Allemagne :

Photo illustrative: Viktorija Borodinovová,  Pixabay,  Pixabay License

« Cela vaut le coup, très certainement, mais d’abord parce que les produits alimentaires sont de meilleure qualité. Nous dépensons en général entre 3 000 et 4 000 couronnes lorsque nous venons faire nos courses ici, soit à peu près une fois par mois, ce qui nous permet d’économiser environ 1 000 couronnes. Une plaquette de beurre, par exemple, coûte 2 euros en Allemagne, nous économisons donc près de 25 couronnes (par rapport à la Tchéquie). »

Les produits électroniques tels que téléphones et téléviseurs, ainsi que les vêtements ou encore les produits pharmaceutiques, sont largement importés en République tchèque. Une couronne forte peut donc contribuer à éviter que ces biens ne deviennent encore plus chers, et ce, alors que pour l’ensemble de l’année 2022, le taux moyen d’inflation en République tchèque a été d’un peu plus de 15 %.

L’économie tchèque étant très dépendante de ses exportations, et notamment des ventes sur le marché européen, auquel 80 % des biens produits en République tchèque sont destinés, une couronne forte est forcément plus problématique pour les entreprises, qui subissent à la fois une perte de compétitivité et une baisse de leurs profits. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle beaucoup d’entre elles sont déjà passées à l’euro dans leurs transactions, précisément pour ne plus avoir à se soucier de l’évolution du cours de la couronne.

Responsable des ventes de Château Valtice, une société viticole de Moravie qui exporte chaque année plusieurs centaines de milliers de bouteilles en Slovaquie voisine (qui a, elle, adopté l’euro en 2009), David Šťastný explique aussi pourquoi la situation actuelle n’a pas nécessairement que des inconvénients :

« Le taux de change n’est pas si dramatique pour nous pour ce qui est des exportations. Au contraire, la situation est même plutôt avantageuse dans la mesure où nous achetons des nouvelles technologies en Allemagne ou en Italie, donc en euros. Du coup, quand la couronne est forte, c’est plutôt une bonne chose pour nous. »

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L’euro était le plus cher il y a un an, suite à l’agression russe en Ukraine. Un euro s’échangeait alors contre 25 couronnes et 70 haléř. Puis la couronne a commencé à se renforcer pour se maintenir dans une fourchette comprise entre 24,50 et 24,70 couronnes. Pendant plusieurs mois, la monnaie tchèque a été artificiellement renforcée par les interventions de la Banque nationale. Au cours du mois dernier, sans plus aucune aide cette fois, la couronne a continué sur la même tendance. Lundi après-midi, un euro s’échangeait ainsi pour moins de 23,90 couronnes.

Il y a plusieurs raisons à cette évolution, comme, par exemple, l’assouplissement des mesures anti-épidémiques en Chine, qui stimule les marchés. La baisse des prix du gaz et l’apaisement des craintes de récession qui en résulte en Europe, sont également source d’optimisme, comme l’admet Petr Dufek, économiste en chef de la banque Creditas :

« En premier lieu, je dirais que c’est un peu l’histoire de la fin de l’inflation. Alors que, à l’automne, tout le monde était déprimé par son niveau élevé, aujourd’hui, sur les marchés financiers, c'est comme si cette histoire appartenait au passé et tout le monde semble croire que l’inflation va se mettre à baisser très rapidement, pour atteindre prochainement l’objectif fixé. »

Cette vision optimiste des choses n’est cependant pas partagée par Vít Hradil, économiste en chef, lui, de la société Cyrrus :

« Je ne vois pas trop la couronne se maintenir au niveau qu’elle a atteint. Je pense qu’il y a beaucoup trop de risques. La valeur que nous voyons actuellement pourrait faire penser que tout est réglé et terminé, ce qui, en réalité, n’est pas le cas. C’est pourquoi je pense plutôt que nous allons bientôt revenir à une vision des choses plus réaliste. »

Toujours selon Vít Hradil, le renforcement de la couronne s’explique par le fait que les capitaux étrangers, « restés longtemps parqués essentiellement en dollars américains », cherchent des débouchés alternatifs après la crise énergétique en Europe et celle du Covid en Chine. Dans ce contexte, le marché européen, et le tchèque avec lui, apparaît moins risqué et offre des perpectives de meilleurs rendements, contrairement aux États-Unis.