Favorables à son adhésion à l’UE, les Tchèques voient en la Turquie un grand marché énergétique

Petr Nečas et Recep Tayyip Erdogan, photo: CTK

La République tchèque soutient ouvertement l’intégration de la Turquie à l’Union européenne. Ce n’est pas une nouveauté, mais le Premier ministre Petr Nečas a néanmoins tenu à le réaffirmer à l’occasion de la visite, lundi à Prague, de Recep Tayyip Erdogan. Mais pour la première visite du chef du gouvernement turc en République tchèque depuis cinq ans, plus encore que les questions européennes, ce sont les intérêts économiques et le renforcement des échanges commerciaux entre Prague et Ankara qui ont prévalu.

Petr Nečas et Recep Tayyip Erdogan,  photo: CTK
« La Turquie se doit d’avoir pour perspective son adhésion à l’Union européenne. » Petr Nečas ne pouvait pas être plus explicite qu’il ne l’a été lundi lors de la conférence de presse qui a suivi son entretien avec son homologue turc. « La République tchèque, a rappelé le Premier ministre, fait partie des pays qui soutiennent traditionnellement les aspirations d’intégration à l’UE et nous restons partisans de l’idée que la Turquie, lorsqu’elle aura rempli les critères d’adhésion, devrait avoir la possibilité de devenir membre à part entière de l’UE. »

Présent à ses côtés, Recep Tayyip Erdogan n’a pu que se féliciter de ces propos, lui qui a regretté que son pays piétine aux portes de l’Europe depuis déjà cinquante ans et déclaré que ce frein à l’intégration turque était « inacceptable ». Malicieusement, le Premier ministre turc a noté que même les Etats membres actuels de l’UE ne respectent pas tous les critères, notamment économiques, exigés par Bruxelles de la Turquie. Malgré de sérieux obstacles politiques qui retardent l’évolution des négociations comme la partition de Chypre, la République tchèque n’est pas le seul pays européen à soutenir la candidature de la Turquie. La Grande-Bretagne, la Pologne, la Suède et plusieurs autres encore y sont également favorables. La France et l’Allemagne, ou encore l’Autriche, y sont, elles, plutôt réticentes et préfèrent l’option d’un partenariat privilégié.

Privilégié, c’est également le caractère que la République tchèque et la Turquie entendent donner à leurs relations commerciales. En croissance constante ces dernières années, les échanges entre les deux pays ont d’ailleurs constitué l’autre thème principal de la visite de M. Erdogan, qui était accompagné d’une centaine de chefs d’entreprise. Ceux-ci ont participé à un forum d’affaires auquel étaient présents une centaine de représentants de sociétés tchèques. Interrogé par la Télévision tchèque, le secrétaire général de l’Association tchcéo-turque des jeunes entrepreneurs, Ridvan Şen, explique dans quel secteur précis le marché turc est particulièrement intéressant pour les Tchèques :

Photo: CEE Holding
« Je pense que le plus important est la croissance rapide de la Turquie. Le pays a besoin d’énergie, un secteur dans lequel les entreprises tchèques ont une excellente technologie. Certaines ont d’ailleurs déjà réalisé des investissements importants en Turquie, comme ČEZ ou ČKD Vítkovice. Elles ont déjà investi plus d’un milliard de dollars et c’est ce qui compte. Notre ministre du Commerce a également fait savoir que CEE Holding entendait investir plusieurs milliards dans la modernisation des centrales thermiques, tandis que celles-ci veulent acheter des chaudières via CEE Holding pour plus d’un milliard de dollars. »

Un milliard par-ci, un autre par-là, le montant du volume des échanges entre la République tchèque et la Turquie devrait grimper à 5 milliards de dollars d’ici à 2015. C’est du moins l’objectif annoncé à Prague par M. Erdogan, Premier ministre d’un pays qui représente le cinquième plus grand marché en Europe et dont le taux de croissance économique, malgré un net ralentissement en 2012, a été semblable à celui de la Chine ces dernières années, avec notamment 8,5 % encore en 2011. Comme l’a souligné Petr Nečas, le montant des échanges commerciaux entre la République tchèque et la Turquie, d’environ 2,5 milliards de dollars en 2011, a déjà été multiplié par sept ces dix dernières années.

Sa satisfaction a toutefois été quelque peu refroidie par son homologue turc, qui a qualifié ces chiffres « d’insuffisants » et regretté que les investissements turcs en République tchèque ne soient que « symboliques ». C’est pourquoi, même si ses investisseurs se plaignent pour l’heure de la lourdeur des démarches administratives pour obtenir des permis de travail, la Turquie souhaite elle aussi se montrer plus active en République tchèque. Et pas seulement pour ouvrir un centre culturel à Prague, comme cela a été convenu, ou vendre des kebabs et du coton. La Turquie pourrait par exemple servir de pont avec l’Asie pour les importations de pétrole, s’engager dans la construction de routes ou encore être intéressée par l’éventuelle privatisation de l’aéroport Václav Havel de Prague. Ce serait là tout un symbole…