Festival Mene Tekel : « Il faut rappeler que la démocratie et la liberté ne sont pas évidentes »

Photo: Martina Schneibergová

Mene Tekel, tel est le nom du déjà traditionnel festival international contre le totalitarisme et la violence qui se tient actuellement à Prague. Fêtant ses dix ans cette année, le festival présente, comme au cours des neuf dernières éditions, des expositions, des projections et des tables-rondes afin de rappeler les crimes commis par les régimes totalitaires.

Photo: Martina Schneibergová
Entre les années 1948 et 1989, environ 248 000 personnes innocentes ont été condamnées à la prison pour des raisons politiques en République tchèque. Baptisé d’après une expression tirée de la Bible qui prophétise la prise de responsabilité de chaque individu vis-à-vis de ses actes, le festival Mene Tekel est né en réaction au désintérêt de la société pour le destin de ces prisonniers politiques, ainsi qu’à l’absence de l’enseignement sur cette période dans les écoles tchèques.

Organisé pour la première fois en 2007, cet événement qui se tient régulièrement pendant une semaine vers le 25 février, date sinistrement connue comme celle de la prise du pouvoir par le Parti communiste en 1948, n’a pas d’équivalent en Europe. L’un de ses auteurs et organisateurs, Jan Řeřicha poursuite en indiquant le thème de cette dixième édition :

Jan Řeřicha,  photo: Martina Schneibergová
« Le festival a chaque année un autre thème principal. Cette année, il s’agit de ‘La vie des enfants et des jeunes en période d’absence de liberté’. Nous pensons qu’il faut rappeler, notamment aux jeunes, que la démocratie et la liberté ne sont pas évidentes et qu’il faut défendre et se battre pour ces valeurs. »

Inauguré ce lundi, le festival international présente une programmation bien chargée. Ces mercredi et jeudi, par exemple, le public pragois pourra assister à la toute première projection tchèque de deux films du réalisateur ukrainien, Oles Jančuk. Il s’agit de « Famine 33 », un film qui décrit la grande famine provoquée en Ukraine par le régime stalinien entre les années 1932 et 1933 et qui a eu pour conséquence des millions de victimes, et de la « Société des héros », une œuvre présentant la vie des membres de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne qui a lutté, au début des années 1940, pour la création d’une Ukraine indépendante.

'Famine 33',  photo: YouTube
Vendredi, dans le cadre de ce projet, le ministre de la Culture, Daniel Herman, décorera des artistes dont les carrières ont été interrompues par les régimes totalitaires ou qui ont été persécutés pour leurs idéaux. Les enfants pourront assister également à une représentation éducative « L’enfance rouillée », composée de souvenirs d’enfants des prisonniers politiques. Jan Řeřicha présente le clou du programme de 2016 :

« Nous organisons chaque année avec des étudiants en droit une reconstitution d’un procès politique. Cette année, vu le thème, nous avons choisi le procès d’étudiants de Litomyšl dont 25 ont été condamnés en 1950 à des peines sévères pour avoir refusé de passer du ‘Junák’ au ‘ČSM’, c’est-à-dire des scouts à l’association des jeunes communistes. Cette reconstitution se tiendra, comme d’habitude, samedi à 14h dans la salle d’assises de la Cour supérieure de Prague. Et samedi soir, nous continuons avec un concert en hommage à une icône de la contestation anticommuniste, le chanteur Karel Kryl. »

L'église Notre-Dame-des-Neiges,  photo: Martina Schneibergová
Plusieurs expositions se tiennent également, jusqu’au 3 mars, à l’église Notre-Dame-des-Neiges, située sur la place Jungmann à Prague. Parmi celles-ci, par exemple, l’histoire des prisonniers politiques mineurs dans les années 1950, des affiches du mouvement de résistance en Ukraine contre le régime stalinien ou un concours des œuvres créées par des élèves des écoles d’enseignement artistique. Jan Řeřicha :

« Cette année, nous nous sommes décidés pour un titre un peu plus large, ‘Où est ma maison’, car la maison n’a pas toujours agréable pour les enfants. Nous y avons par exemple une exposition de dessins uniques d’Helga Hošková-Weissová qui a commencé sa carrière artistique dans le ghetto de Terezín. Son père lui a alors recommandé de peindre ce qu’elle voyait. Elle a ainsi reproduit, à travers ses yeux d’enfant, la vie à Terezín. »

Le festival Mene Tekel s’achèvera le dimanche 28 février par une messe œcuménique à la cathédrale Saint-Guy au Château de Prague, donnée par l’archevêque de Prague Dominik Duka en présence également d’un invité exceptionnel, l'actuel archevêque majeur de Kiev et de Galicie Sviatoslav Schevchuk.