Festival One World : le problème des demandeurs d’asile aux portes del’Europe

'Les arrivants'

Dans le cadre du festival du film sur les droits de l’Homme, One World, deux cinéastes français sont venus présenter leur film Les arrivants. Un documentaire qui se déroule à la Cafda, à Paris, un centre qui accueille les demandeurs d’asile à leur arrivée en France. En pleine période de restrictions vis-à-vis des migrants en Europe, la Cafda apparaît comme un microcosme où la détresse des migrants vient se heurter à l’impuissance des accueillants. Rencontre avec les deux cinéastes, Claudine Bories et Patrice Chagnard.

Claudine Bories et Patrice Chagnard,  photo: Lubomír Kotek,  www.oneworld.cz
PG :« On cherchait à faire un film sur l’immigration, pour faire large. Et en même temps, on a vite réalisé que cette question du droit d’asile qui est distincte du problème de l’immigration, était plus importante pour nous parce qu’elle nous pemettait d’exprimer notre philosophie sur la question de l’immigration parce que par nature, le droit d’asile c’est le contraire de l’immigration choisie. On ne choisit pas les demandeurs d’asile. On peut choisir de leur dire oui ou de leur dire non. Traditionnellement en France on leur a longtemps dit oui. Aujourd’hui on leur dit plutôt non, et c’est pour cela qu’on a eu envie de faire ce film. »

Ce qu’on voit aussi dans ce film et qu’il faudrait peut-être éclaircir, c’est qu’il y a des problèmes de législation relatifs à ces demandeurs d’asile. On évoque souvent la législation Dublin. De quoi s’agit-il exactement ?

'Les arrivants'
PG : « C’est un peu complexe. Mais pour faire court : les pays européens se sont mis d’accord pour qu’il n’y ait qu’un seul pays où chaque demandeur d’asile puisse faire sa demande. On appelle ça un pays référent. En gros, ce pays, c’est celui par lequel le migrant est rentré en Europe. A partir du moment où il n’est plus dans ce pays, il est sous la loi Dublin, donc il doit retourner dans ce pays. Or ces pays, qui sont souvent à l’entrée de l’Europe comme la Grèce pour une grande partie de l’immigration, l’Italie pour une autre, la Pologne, tous ces pays seraient débordés, et ils les laissent donc passer. Par conséquent, on se retrouve avec toute une population qui erre de pays en pays en Europe, sous la législation Dublin, et des gens qui ne reviennent pas dans le pays où ils devraient revenir, parce qu’ils n’en ont pas envie, et parce que le pays non plus n’a pas envie de les retrouver. En plus il se trouve que certains de ces pays comme la Pologne ou plus particulièrement la Grèce n’accorde aucun statut. C’est une directive inapplicable. »

'Les arrivants'
CB : « Mais je pense que c’est une directive inapplicable volontairement. C’est une des façons dont l’espace Schengen se protège par rapport aux émigrations non choisies puisque c’est une politique qui concerne tous les pays d’Europe et que tous les pays d’Europe sont d’accord sur cette question-là. On circule, les frontières n’existent plus à l’intérieur de l’espace Schengen. Mais cet espace devient une espèce de forteresse qu’on ne peut pénétrer sauf si tel pays fait venir telle personne pour telle raison. »

Mais est-ce que la Convention de Genève n’a pas plus de pouvoir que cette législation Dublin ?

PC : « Philosophiquement, oui. Mais juridiquement c’est plus compliqué. La réglementation Dublin est une réglementation interne, donc ça ne ne devrait pas pouvoir s’opposer aux conventions, juridiquement. D’ailleurs, dans les textes ça ne s’oppose pas, c’est dans la pratique que ça s’oppose. »

Quand vous avez décidé de vous intéresser à ce sujet et de filmer ce centre, quelles sont les règles que vous vous êtes imposés ? Dans quels écueils ne vouliez-vous pas tomber ? Vous êtes-vous imposés par exemple un principe d’objectivité ?

'Les arrivants'
CB : « D’objectivité non, mais plutôt de vérité. On a essayé de voir ce qui se passait réellement dans ce face à face entre les accueillants et les demandeurs d’asile. »

PC : « Et ce qui est très important : de filmer les deux côtés. De ne pas se contenter de filmer qu’un seul côté et notamment, celui des arrivants, puisque c’est le titre, et puisque c’est vers là qu’on va naturellement. Nous, on a voulu s’intéresser autant, et même peut-être davantage, aux accueillantes, aux travailleurs sociaux qui sont au front, qui subissent ce choc d’accueillir les demandeurs d’asile et de ne pas avoir le moyen de le faire. »

Le film sortira en salle en France le 7 avril.