Fin du tabac dans les bars et restaurants : le jour d’après
Nous sommes entrés ce jeudi dans le deuxième jour de l’interdiction de la cigarette dans les bars et restaurants tchèques. Et pour l’heure, le pays tient le coup. Il faut dire que les Tchèques sont plutôt de gros fumeurs : ils sont les onzièmes dans le monde pour ce qui est du nombre de cigarettes fumées par personne et par an (avec une moyenne de 2194 cigarettes). Et ils l’ont été encore davantage dans le passé…
Personne embêtée : « C’est une atteinte à l’entreprise. Moi personnellement, cela m’embête. C’est mal fait ! »
Personne qui pense aux non-fumeurs et aux piétons : « Moi je suis pour cette loi, parce que pour les enfants et les non-fumeurs, c’est la moindre des choses. Mais en même temps, il y a le problème des groupes de fumeurs sur le trottoir qui sont gênants pour les piétons qui devront les contourner. Ils sont saouls, ça engendre un autre débat et c’est aussi quelque chose d’embêtant pour les piétons normaux, par exemple pour les retraités. »
Personne pas vraiment concernée : « Pour ma part je ne fume que de l’herbe. Et donc je suis content parce que j’ai plus d’amis devant le bar comme ça. Je suis donc d’accord avec la loi. Moi je ne fume pas de cigarette. »
Si le débat continue de faire rage avec autant de passion, c’est sans doute parce que la Tchéquie, devenue le 23e Etat européen à introduire cette interdiction totale, a une longue histoire avec la cigarette. Au XIXe siècle, c’est le tabac à chiquer qui reste le plus populaire auprès des Tchèques et des Allemands habitant les pays de la couronne de Bohême. Mais à la fin de ce siècle et au début du XXe, la cigarette, dans sa forme aujourd’hui la plus connue, commence à se répandre à toute allure. Dans l’entre-deux-guerres, sous la Première République tchécoslovaque, on fume quelle que soit sa classe sociale, mais pas quel que soit son sexe, comme l’explique Pavel Košťál, du musée de la ville de Brno :« Je pense que dans la haute société, parmi ‘l’élite’, la cigarette touche 100% des individus. Et les personnes plus pauvres fumaient également. On fumait du tabac bon marché, certains cultivaient leur propre tabac. Bien sûr, cela concernait plutôt les hommes. Seules les femmes de la haute société, éventuellement celles de la classe moyenne, pouvaient fumer. »
Pendant le second conflit mondial, durant l’occupation allemande, les cigarettes sont rationnées. Cela créé visiblement une certaine frustration puisque, dans les années 1950, les Tchécoslovaques deviennent les troisièmes plus gros consommateurs au monde de cigarettes, et même les premiers en Europe, si l’on se rapporte au nombre d’habitants. Peut-être aussi parce que c'est une époque où les autorités promeuvent la consommation de tabac. D’après le chef du gouvernement communiste Antonín Zápotocký, les cigarettes sont d’ailleurs le symbole d’un niveau de vie supérieur…Et les choses n’évoluent que très lentement Alors même que des études, notamment aux Etats-Unis, démontrent la nocivité de la cigarette dès les années 1960, il faut attendre 1989 en Tchécoslovaquie pour que les paquets de cigarettes comportent enfin des avertissements sur les dangers encourus par les fumeurs. C’est de cette époque que date la prise de conscience du problème de santé publique que représente cet étrange bien de consommation. Une prise de conscience qui a donc connu une sorte d’aboutissement ce mercredi 31 mai, avec la proscription de la cigarette dans les bars et restaurants.