Foot: Plzeň, un triple champion qui voit plus loin
Le Viktoria Plzeň champion de République tchèque de football à la place du Sparta, club le plus titré dans le pays, c’est désormais tout sauf une surprise. Co-favori avant le début de saison avec les Pragois, alors encore champions en titre, Plzeň a confirmé à la fois son statut et, si besoin encore en était, que ses deux sacres précédents en 2011 et 2013 n’étaient pas le fruit du hasard, mais bel et bien d’une politique sportive systématique menée sur le plus long terme.
Responsable de la rubrique sportive des quotidiens nationaux Mladá fronta Dnes et Lidové noviny (et accessoirement ancien bachelier de la section bilingue franco-tchèque au Lycée Jan Neruda à Prague), Ondřej Trunečka suit de près l’actualité du football tchèque. Rare journaliste sportif francophone à Prague, il était parfaitement placé pour analyser avec nous cette saison 2014-2015 de la Synot Liga qui s’achèvera le week-end prochain. Et selon Ondřej Trunečka, si Plzeň a finalement été sacré aux dépens du Sparta Prague, la différence entre les deux grands clubs rivaux reste minime :
« A mes yeux, ce sont deux équipes qui se valent. C’est vrai, Plzeň a gagné trois fois le championnat ces cinq dernières années. Mais il ne faut pas oublier non plus que le Sparta a réalisé le doublé championnat-coupe la saison dernière et a été le seul club tchèque à participer à la phase de poules de la Ligue Europa cette saison, tandis que Plzeň n’a rien fait de tout cela. Le Sparta bénéficie de sa tradition et de sa popularité car ses supporters se trouvent dans tout le pays, alors que Plzeň est fort de ses succès. »
Durant l'essentiel de la saison, le Viktoria et le Sparta sont restés au coude-à-coude en haut du classement. Finalement, la victoire (2-0) de Plzeň à Prague le 9 mai dernier s’est avérée décisive dans la course au titre. Décisive et même primordiale à en croire Ondřej Trunečka :
« La différence entre les deux équipes (après le match au sommet, ndlr) était de six points, c’est-à-dire deux victoires, et ce sont précisément les deux matchs que Plzeň a gagnés cette saison contre le Sparta (à l’aller, à domicile, le Viktoria s’était imposé sur le même score, ndlr). Si l’on omet leurs affrontements respectifs, les deux équipes avaient donc le même nombre de points sur l’ensemble de la saison. »
Si à la lumière des chiffres, les deux formations semblent effectivement se valoir, quelques différences les distinguent néanmoins :
« La plus importante est que le groupe de joueurs de Plzeň est probablement plus équilibré que celui du Sparta. Le Sparta a lui aussi de très bons joueurs, comme son buteur David Lafata. Mais il en est très dépendant. Si David Lafata a des problèmes, le Sparta a aussi des problèmes. A Plzeň, à l’exception des gardiens, d’un défenseur et d’un milieu de terrain, tous les joueurs ont marqué au moins un but cette saison. Le groupe est mieux composé, plus complet. Tous les postes sont doublés, et c’est un avantage certain. La seconde différence est que le Sparta a participé à la Ligue Europa l’automne dernier, alors que Plzeň (éliminé dès la phase préliminaire de la compétition, ndlr) pouvait parallèlement se concentrer uniquement sur le championnat tchèque. »
A l’image de son stade rénové ou méme de son hymne enregistré dans les studios de la Radio tchèque avec l’Orchestre philarmonique de Plzeň, le Viktoria est un club qui grandit vite en s’efforçant de faire les choses bien et dans le bon ordre. Pourtant, un siècle ou presque durant, à l’exception d’un tour de la défunte Coupe des coupes contre le grand Bayern Munich au début des années 1970, Plzeň est resté un club (très) moyen de province sans titres, qui a souvent bataillé, certaines saisons parfois même en vain, pour son maintien dans l’élite du football tchèque. Aujourd’hui, plus personne en République tchèque n’imagine un club dans lequel évoluent de nombreux internationaux tchèques et slovaques ne pas se mêler, au minimum, à la lutte pour les places européennes.
« C’est exactement ça ! Plzeň n’était qu’un club régional qui montait en première division pour ensuite redescendre en deuxième et faisait ainsi constamment le yoyo… »
…confirme Ondřej Trunečka, qui voit trois raisons principales à la montée en puissance du Viktoria ces dernières saisons :
« Premièrement, il y a Pavel Vrba qui est, sinon le meilleur, un des deux meilleurs entraîneurs aujourd’hui en République tchèque. Deuxièmement, Plzeň n’avait pas de mauvais joueurs. Ils avaient de bons joueurs qui n’étaient pas assez utiles pour le Sparta, comme le capitaine Pavel Horvath. Pavel Vrba préconise un style de jeu offensif tout en sachant inculquer ses principes aux joueurs. C’était la base. Enfin, Pavel Vrba a disposé de suffisamment de temps pour mettre en place son système. Les dirigeants lui ont fait confiance et après son arrivée en 2008, Pavel Vrba a gagné la coupe nationale en 2010 et le championnat en 2011. »La saison dernière a été marquée par le départ de l'entraîneur Pavel Vrba, devenu sélectionneur, avec succès, de l’équipe nationale tchèque. Depuis, deux entraîneurs, Dušan Uhrin tout d’abord puis Miroslav Koubek depuis l’été dernier, se sont succédés avec des résultats qui, cette saison, ont donc abouti à un troisième titre de champion, et ce alors que beaucoup d'observateurs pensaient que la transition serait plus difficile. Ondřej Trunečka ne faisait pas partie de ceux-là :
« On observe une vision dans ce club. Plzeň n’a pas peur d’investir plusieurs millions de couronnes sur des jeunes joueurs. Ce n’est pas un problème. Plzeň prospecte constamment, ils sont toujours à la recherche de nouveaux joueurs qui puissent se fondre dans leur système en les préparant pour l’avenir. Le club est très bien dirigé. C’était la même chose avec l’entraîneur Miroslav Koubek. Certains supporters n’étaient pas convaincus que c’était un bon choix lorsqu’il est arrivé. Mais les résultats sont là et on ne peut pas dire que le Plzeň actuel est moins bon que le précédent. On peut même dire que la défense est meilleure et mieux organisée. Il y a donc une continuité. »
Et à court comme à moyen termes, Ondřej Trunečka se dit plutôt optimiste pour le Viktoria Plzeň :
« Si les dirigeants de Plzeň continuent de travailler comme ils le font actuellement, ils auront d’autres succès. Pour la qualification en Ligue des champions la saison prochaine, cela dépendra beaucoup des adversaires lors des tours préliminaires. Mais je pense que Plzeň est suffisamment costaud pour se qualifier comme les années précédentes. En championnat, il faudra voir comment vont se passer les choses au Sparta. Pour l’heure, on ne sait pas qui sera l’entraîneur, on ne sait pas quels joueurs vont partir et arriver, on ne sait rien… Mais je ne me mouille pas beaucoup en affirmant que Plzeň et le Sparta se disputeront de nouveau le titre la saison prochaine, peut-être avec Jablonec comme troisième larron. Pour le reste, comme je l’ai dit, Plzeň sait très composer et équilibrer son équipe. Ils ont plusieurs jeunes joueurs et je les vois bien continuer sur leur lancée. »La déception Sparta, la révélation Jablonec, autre petit club tchèque qui monte, qui monte, et plus généralement la Synot Liga dans son ensemble, c’est de tout cela dont il sera également question dans notre prochaine rubrique sportive.