Gao Xingjian au Festival des écrivains à Prague : « L’écriture est une nécessité pour moi. »
Parmi les personnalités invitées au Festival des écrivains qui se déroule cette semaine à Prague il y a aussi l’auteur chinois Gao Xingjian. Dire que c’est un écrivain serait oublier que Gao Xingjian est aussi peintre, dramaturge et metteur en scène. Pour pouvoir donner libre cours à ses pensées et à son inspiration littéraire il a été obligé de s’exiler de Chine et aujourd’hui il vit en France. C’est également en France qu’il a publié son roman « La montagne de l’Âme », livre inclassable qui lui a valu le Prix Nobel de Littérature en l’an 2000. Ce chef d’œuvre a été aussi un des thèmes dont Gao Xingjian a parlé au micro de Radio Prague.
« Depuis mon enfance je m’amusais à écrire, j’ai fait de la peinture et j’ai joué aussi du théâtre. A l’âge de cinq ans, je suis monté pour la première fois sur la scène avec ma mère. Et j’ai créé aussi une troupe de théâtre avec des étudiants. Depuis ma jeunesse, depuis mon enfance, j’ai donc une passion pour le théâtre, la littérature et peinture. L`écriture, la littérature, c’est plutôt une nécessité pour moi pour sentir que je suis vivant. J’ai ma propre pensée, mes sensations, je dois m’exprimer. A l’époque de Mao Tsé-toung, il n’y avait que la pensée unique, la seule pensée correcte était sa pensée. Dans toutes circonstances, même si l’on parlait en famille, on ne pouvait pas dire n’importe quoi, de peur d’être dénoncé. Ce qui se passait aussi en Europe, dans les pays de l’Est. C’est pourquoi, l’écriture pour moi est une nécessité. Et après, je m’en fous. Peu importe si c’est publié ou non. Mais j’ai besoin de cette liberté d’écrire pour sentir que je suis encore vivant. »
Votre livre « La montagne de l’Âme » a suscité de nombreuses réactions et interprétations. Est-ce un voyage initiatique, un récit autobiographique, la découverte de la Chine profonde, une poursuite de soi-même ? Que pensez-vous de toutes ces tentatives de caractériser votre livre qui pourtant échappe à toute classification ?
« C’était un livre pour moi même. Je l’ai écrit à l’époque, après la mort de Mao Tsé-toung où on a commencé à reprendre des activités artistiques. C’était possible mais la censure nous surveillait toujours. En ce temps-là, tous les écrivains s’auto-censuraient pour se faire publier. Moi pour pouvoir publier mes premiers manuscrits, j’ai aussi pratiqué cette autocensure. Même avec cette autocensure tous mes écrits étaient attaqués, critiqués et interdits. Alors je me disais que c’était tout à fait stupide, cette autocensure et que je devais écrire au moins un livre pour moi-même sans penser à la possibilité d’être publié ou non de mon vivant. C’est ainsi qu’est née ‘ La montagne de l’Âme ’. Une fois prise cette décision-là, on est libre. On est tellement libre qu’on peut écrire vraiment un livre sans se soucier de comment le classer. Peu importe. Cela doit être un vrai livre pour moi. C’est-à-dire mes réflexions. Il faut trouver aussi une forme aussi souple qu’elle peut accepter, qu’elle peut contenir, toutes les réflexions possibles. »Aviez-vous l’intention d’écrire un roman ? Est-ce encore un roman ?
« Oui, c’est un défi à la conception romanesque bien définie. Bien sûr, c’est aussi une recherche de l’art de la narration. Moi je pense que pour le roman les intrigues, la fiction ne sont pas tellement nécessaires. On peut dépasser toutes ces conceptions romanesques. Ce dont on ne peut pas se passer pour le roman, c’est la narration. Bien sûr, il y a un narrateur qui raconte. Si l’on tient encore à la narration, ce n’est plus la prose ou l’essai, c’est quand même le roman. Pour moi, c’est la dernière définition, la limite de cet art-là. »
(Vous entendrez la suite de cet entretien, ce samedi, dans la rubrique "Rencontres littéraires".)