« Garder la tête hors de l’eau » avec des consultations psychothérapiques gratuites en russe ou en ukrainien

Alors que les réfugiés d’Ukraine continuent à arriver en République tchèque, nombre d’entre eux présentent des symptômes post-traumatiques et ressentent le besoin d’une aide psychologique. C’est à eux, mais également aux Ukrainiens vivant déjà en République tchèque, que s’adresse une initiative associative leur offrant 12 séances de consultation avec des psychologues parlant leur langue.

L’association Dělám co můžu (« Je fais ce que je peux ») est née au printemps 2020, pendant la première vague de Covid-19, pour répondre aux besoins en psychothérapie de milliers de personnes touchées par la situation sanitaire. Par le biais de son portail terapie.cz, qui permet des recherches filtrées dans une base de données de thérapeutes, elle facilite l’accès à la psychothérapie. Et aux plus démunis, elle propose 12 consultations gratuites, financées grâce à la collecte #hlavunadvodou (« la tête hors de l’eau »). Destiné initialement aux personnes touchées par la tornade qui a frappé la Moravie du Sud en juin 2021, ce service a maintenant été élargi non seulement aux Ukrainiens vivant ou arrivant en République tchèque, mais aussi aux bénévoles travaillant dans le secteur humanitaire en lien avec la guerre en Ukraine.

Psychologue ayant travaillé dans le secteur associatif, notamment en Géorgie, Šárka Seifertová a récemment décidé de s’inscrire sur ce portail pour proposer gratuitement des consultations en russe. Elle explique que les personnes intéressées par ses services sont de deux types :

Šárka Seifertová | Photo : Archives de Šárka Seifertová

« D’un côté, il y a des Ukrainiens vivant en République tchèque – parce qu’ils y étudient, par exemple – et dont toute la famille se trouve en Ukraine. Ils n’ont pas forcément pu garder le contact avec leur famille, parce qu’elle se trouve dans une ville encerclée, par exemple. Ce qu’ils éprouvent, ce sont avant tout des angoisses. Certains éprouvent également des sentiments de culpabilité ou d’insuffisance, parce qu’ils sont ici et pas là-bas. »

« L’autre groupe, ce sont des personnes qui ont fui l’Ukraine, soit avant l’arrivée des Russes, soit – plus récemment – fuyant des zones véritablement frappées par la guerre. Ces derniers sont donc des personnes en état de stress aigu. »

« J’ai été contactée par des jeunes Ukrainiennes, mais aussi par des jeunes Ukrainiens. Il y a également une demande importante en thérapie pour enfants, mais cela ne fait pas partie des services que je propose. »

Photo d'illustration : Penn State,  Flickr,  CC BY-NC-ND 2.0

Chez les personnes qui ont fui l’Ukraine il y a peu, les symptômes provoqués par les traumatismes subis varient. Šárka Seifertová :

« Le plus courant, chez les personnes qui arrivent actuellement d’Ukraine, ce sont des symptômes de stress aigu, qui sont des réactions au traumatisme qu’elles ont vécu. Ces symptômes peuvent être divers : difficulté de concentration, angoisses, dépression, insomnies, dissociation, etc. »

Pour leur part, les Ukrainiens vivant en République tchèque et demandant une aide psychologique sont principalement poussés à le faire en raison de l’anxiété qu’ils ressentent. Certains expriment également un sentiment de culpabilité à l’idée de se trouver en sécurité quand leur famille restée en Ukraine ne l’est pas. S’ils sont en contact avec leur famille, c’est cependant le ressenti de celle-ci qui peut les aider à déculpabiliser pour mieux vivre cette situation. Šárka Seifertová :

Réfugiés d’Ukraine | Photo : Slavomír Kubeš,  ČTK

« Pour la famille restée en Ukraine, savoir cette personne en sécurité représente en général un grand soulagement. C’est un souci de moins, en quelque sorte. Par ailleurs, mes patients ukrainiens vivant en République tchèque prennent conscience qu’ainsi en sécurité, une fois qu’ils auront repris des forces et retrouvé un certain équilibre, ils pourront à leur tour apporter leur aide, d’une façon ou d’une autre. »

Pour Šárka Seifertová, le fait que le russe soit la langue utilisée dans ses consultations ne semble pas être problématique pour les patients ukrainiens russophones qu’elle a déjà pu rencontrer. Par ailleurs, en République tchèque, des psychologues originaires d’Ukraine proposent pour leur part des consultations en ukrainien. Et leur nombre devrait augmenter, puisque parmi les réfugiés ukrainiens se trouvent bien évidemment de nombreuses personnes exerçant des professions du secteur médical. D’ailleurs, comme le dit Šárka Seifertová, « à peine la frontière passée », trois ou quatre psychologues ukrainiens se seraient déjà enregistrés auprès de l’Alliance psychologique tchèque pour les changements mondiaux, qui propose elle aussi des consultations gratuites aux personnes touchées par la situation en Ukraine.