Gestion de patrimoine : comment faire comprendre l'esprit des lieux aux visiteurs
Echanger des expériences et des idées pour rendre le patrimoine, naturel et culturel, plus séduisant : tel était le principal objectif de l'Atelier international sur la gestion intégrée des sites patrimoniaux qui s'est tenu, de lundi à mercredi derniers, au château de Žďár nad Sázavou, dans la région de Vysočina. Organisée par le Réseau des Grands Sites de France (RGSF), une association nationale qui regroupe les collectivités locales en charge des paysages remarquables, l’événement a réuni une trentaine de gestionnaires de sites patrimoniaux venus de France donc, mais aussi de République tchèque et de différents autres pays d’Europe centrale et orientale.
Le principal but de cette rencontre organisée dans le domaine local, qui est à la fois un château et une abbaye cistercienne, était de discuter, autour d’une table mais aussi sur le terrain, de l’avenir du patrimoine. Son organisatrice Lucie Para, du Pôle international francophone de formation et d’échange des gestionnaires de sites patrimoniaux, en a dit davantage pour Radio Prague :
« L’objectif principal de ce séminaire est de discuter et de travailler tous ensemble, de créer une ambiance de partenariat pour les gestionnaires et institutions liés au patrimoine en Europe centrale et orientale. »
Un atelier qui permet de partager des expériences
C’est dans cette idée qu’ont donc été organisées les trois premières demi-journées. Proposés sous forme de tables rondes, les séminaires ont été consacrés à trois thèmes spécifiques, liés l’un à l’autre. Lucie Para précise lesquels :« Le premier thème est celui des valeurs. Comment identifier les différentes valeurs d’un site patrimonial, qu’il soit naturel, culturel ou mixte ? Souvent, les institutions et les gestionnaires de sites ont tendance à privilégier une seule valeur d’un site et de dire par exemple ‘ceci est un site archéologique’. Mais par définition, un site archéologique va toujours avoir d’autres valeurs : des valeurs naturelles, des valeurs liées à l’histoire, des valeurs liées au paysage, à la biodiversité, etc. Ce premier thème est donc autour des valeurs. Comment faire comprendre ce que l’on appelle ‘l’esprit des lieux’ aux visiteurs et aux locaux ? Et comment le faire partager pour que chacun puisse avoir une expérience réelle du lieu ? Non seulement pour voir mais aussi vraiment ressentir ce que chaque lieu exprime. »
Et quelles ont été les principales questions qui ont également été abordées ?
« Comment passer de ces valeurs, une fois qu’elles ont été identifiées, à une gestion intégrée du site. C’est-à-dire comment comprend-on à la fois la protection, la gestion quotidienne et la mise en valeur du patrimoine dans un projet global qui rentre dans une optique du développement durable du territoire. Cela induit une autre question : comment construire un plan de gestion pour qu’il soit concret, cohérent et qu’il ait un vrai impact positif sur le territoire à long terme ? Et le troisième : comment, à partir d’un site, passer à une échelle plus globale et comment construire une destination touristique durable où les gens qui viennent peuvent passer plusieurs jours, voir plus de choses, et avoir aussi plus d’impacts sur le développement économique de la région en question. » Outre les débats, les participants ont eu également la possibilité de participer à une visite de la ville de Litomyšl, inscrite elle aussi sur la liste du patrimoine culturel mondial de l’Unesco. Lucie Para explique ce choix :« Litomyšl est, selon nous, un des cas exemplaires du développement urbain d’une ville habitée qui a un très riche patrimoine et qui a su concilier ce développement avec les valeurs patrimoniales du lieu sans le muséifier et sans empêcher les gens de vivre dedans. »
« L’idée est de construire un vrai partenariat autour du patrimoine »
Il ne s’agissait pas du premier atelier de ce genre préparé par le Pôle international du RGSF. Dans la seconde partie de l’entretien qu’elle a accordé à Radio Prague, Lucie Para présente les expériences de l’association dans ce domaine, ainsi que les impacts que cet atelier pourrait avoir sur l’avenir du patrimoine tchèque :
« Nous organisons toujours les ateliers de ce type à la demande d’un gestionnaire qui aimerait approfondir un sujet, accueillir des collègues sur son territoire, etc. L’idée est de proposer un atelier qui ne soit pas très long, de deux ou trois jours, pour accueillir des pairs, donc des gestionnaires d’autres sites ou des responsables au niveau de l’Etat, pour discuter des sujets patrimoniaux. Par exemple, en 2014, nous avons organisé un atelier à Kaya au Burkina Faso, autour de la préservation, de la gestion et de la mise en valeur des sites liés à la paléométallurgie, donc à la métallurgie du fer en Afrique, qui date de plusieurs milliers d’années et dont les techniques sont maintenues jusqu’aujourd’hui. »En 2013, vous avez organisé un premier atelier similaire dans le massif du Canigou dans les Pyrénées françaises. Pourquoi donc avez-vous décidé de l’organiser à Žďár nad Sázavou cette fois ?
« Nous avons choisi Žďár parce que Žďár nous a choisis. Nous avons rencontré des propriétaires du domaine de Žďár en 2014, lors d’un atelier que nous avons organisé sur les technologies et les outils numériques au service de la préservation et de la mise en valeur du patrimoine qui a eu lieu dans le Grand site de France à Bibracte – Mont Beuvray. On cherchait un site potentiel pour accueillir un prochain atelier et les propriétaires du domaine de Žďár ont proposé de l’accueillir puisqu’ils étaient intéressés d’avoir un atelier de terrain qui pourrait permettre aux différents responsables et gestionnaires de patrimoine de République tchèque et d’autres pays de se rencontrer. »Quelles sont les différences qui existent dans la gestion du patrimoine entre la France et la République tchèque ?
« En République tchèque, il y a beaucoup de biens qui ont été restitués aux propriétaires, qu’il s’agisse de propriétaires privés ou des églises. Et, malheureusement, l’Etat se désengage souvent de ces patrimoines alors qu’il faudrait que les gens travaillent ensemble entre les différents niveaux de gestionnaires et différents niveaux de collectivités de l’Etat, etc. L’idée est de construire un vrai partenariat autour du patrimoine. Ce n’est pas pour dire qu’en France cela marche toujours. Malheureusement, ce n’est pas forcément toujours le cas non plus. Mais ce qui est sûr, c’est que les différents niveaux de partenariat sont un peu plus approfondis, notamment dans le cadre des Grands sites de France qui sont des projets partenariaux pour le développement territorial durable à travers le patrimoine et le paysage. »Pensez-vous donc que cet atelier pourrait avoir des conséquences sur la gestion du patrimoine en République tchèque ?
« Nous espérons que l’atelier aura pour résultat une ouverture plus importante de différentes institutions et partenaires qui travaillent sur le patrimoine en République tchèque, pour qu’ils discutent davantage ensemble et aillent vers une vision commune du développement durable des territoires à travers le patrimoine et vers une vision plus intégrée du patrimoine naturel et du patrimoine culturel. Par notre expérience, quand on met des gens autour d’une même table, ils commencent à parler. L’ambiance peut délier les choses parce que les gens n’ont pas l’habitude de se voir dans leur quotidien. Donc, mettre tout le monde autour d’une table permet d’identifier des personnes concrètes et de faciliter les échanges pour le futur. Nous aimerions aussi que le château de Žďár nad Sázavou, qui fait un travail exemplaire pour la préservation, la gestion et la mise en valeur de son patrimoine, notamment avec le centre d’interprétation qui s’appelle ‘Musée nouvelle génération’, devienne un lieu de référence pour les autres gestionnaires intéressés par ce qu’est la gestion intégrée et par la manière de partager cet esprit des lieux et les valeurs d’un site. Et Žďár est ouvert pour mettre à disposition son savoir-faire à d’autres gestionnaires de sites patrimoniaux. »