Gilets jaunes : une révolution « anti-Macron » selon les médias tchèques
Une « révolte sociale au résultat incertain », une « rébellion contre les élites », un mouvement imprévisible « sans leader et sans autorégulation » qui représente, pour le président Emmanuel Macron, « le plus grand défi depuis son entrée en fonction ». C’est en ces termes que les médias tchèques décrivent la mobilisation sans précédent des « gilets jaunes » en France.
Observant attentivement les manifestations de samedi, les commentateurs tchèques constatent que celles-ci ont été les plus faibles depuis la naissance de cet important mouvement de contestation, il y a un mois de cela, tandis que les revendications des « gilets jaunes » prennent de l’ampleur. « La tension demeure palpable en France », écrit le quotidien Lidové noviny, en remarquant que 90 000 policiers ont été mobilisés ce week-end dans toute la France, soit quatre fois plus que ce que comptent les effectifs de l’Armée tchèque.
Si le reporter de la Télévision tchèque a déclaré que samedi, Paris ressemblait à une ville en état de siège non déclaré, le quotidien économique Hospodářské noviny décrit des scènes « que la capitale française n’a pas vécues depuis mai 1968 ».« Or le mouvement de 1968 (…) était étroitement lié à la politique, il avait un programme révolutionnaire clairement défini. Dans le cas des ‘gilets jaunes’, il en est tout autrement », estime le commentateur du quotidien Mladá fronta Dnes. Il remarque que cette révolte n’est pas comparable non plus au mouvement social du milieu des années 1990 contre la politique d’Alain Juppé. Selon le journal, les « gilets jaunes » n’ont pas de vision politique précise et, par conséquent, peuvent difficilement faire office de partenaires lors des négociations. Mladá fronta Dnes constate que le mouvement français n’a d’ailleurs pas d’équivalent dans les autres pays européens. « Ceux-ci sont souvent opposés à l’immigration et à la politique de Bruxelles. Aussi, ils ont des ambitions politiques, ce qui n’est pas le cas des ‘gilets jaunes’. Ce que ces mouvements anti-système ont en commun, ce sont les origines de leur naissance », constate Mladá fronta Dnes.
Essayant de décrypter les origines de la fronde des « gilets jaunes », qui ne se limite plus à la protestation contre la flambée des prix des carburants, les médias tchèques ont apporté plusieurs témoignages, à commencer par l’analyse de l’écrivain Edouard Louis intitulée « Chaque personne qui insultait un ‘gilet jaune’ insultait mon père », publié par le serveur A2larm.cz, en passant par le portrait de la musicienne et une porte-parole du mouvement Jacline Mouraud, jusqu’aux témoignages des « gilets jaunes » anonymes.Comme le rappelle l’hebdomadaire Respekt, il s’agit de l’expression d’un ras-le-bol des gens qui n’ont souvent jamais manifesté de leur vie, qui « ne se recrutent pas parmi les chômeurs, mais parmi les petits commerçants, les entrepreneurs et les employés de tous les coins de la France », dont les préférences politiques sont tout aussi diverses que leurs revendications.
Pour les médias tchèques, dans leur ensemble, les défilés des « gilets jaunes » sont surtout une révolte « anti-Macron ». « Les gilets jaunes rassemblent une partie de la société qui ne n’est pas déplacée aux urnes lors des dernières élections présidentielles, ainsi que celle qui a voté pour Marine Le Pen », estime le commentateur du journal Hospodářské noviny. (…) « Emmanuel Macron a remporté ces élections sur la promesse d’un changement, persuadant un nombre important de citoyens que ce changement était indispensable. A présent, il est confronté à ceux qui s’opposent à ce changement. Il lui faut conquérir au moins une partie de ses adversaires. Sinon, le président aura échoué non par manque de programme, mais par manque de capacité à défendre celui-ci », conclut le quotidien Hospodářské noviny.