Grâces présidentielles : le Château de Prague soupçonné de corruption

Václav Klaus, photo: Archives du Gouvernement tchèque

Les grâces accordées par le président de la République sont-elles achetables ? A en croire une ancienne employée du service de la police des étrangers, qui prétend que la remise de peine d’emprisonnement dont elle a bénéficié en 2009 a été achetée, ce serait le cas. Publiée lundi par l’hebdomadaire Respekt, l’information et les accusations de corruption ont été vivement rejetées par le président de la République et son proche entourage au Château de Prague.

Radka Kadlecová,  photo: Télévision tchèque
En République tchèque, le service de la police des étrangers est chargé de la délivrance des permis de séjour pour les ressortissants étrangers. Même si la situation s’est quelque peu améliorée ces dernières années, s’y rendre et y attendre des heures, voire même parfois des jours, avant de pouvoir présenter leur dossier à un guichet continue de ressembler à un chemin de croix pour nombre de personnes, aujourd’hui essentiellement celles non ressortissantes de l’Union européenne.

Le service de la police des étrangers a longtemps été précédé et reste encore précédé d’une réputation sulfureuse : une réputation selon laquelle certains permis de séjour seraient délivrés selon le bon vouloir des employés. Le cas de Radka Kadlecová en est très probablement l’illustration type. En 2007, alors qu’elle était employée de la police des étrangers à Karlovy Vary (Bohême de l’Ouest) Radka Kadlecová avait été condamnée à deux ans de prison ferme pour avoir accepté plusieurs pots-de-vin versés par des étrangers. En 2009, cette même Radka Kadlecová avait toutefois vu sa peine annulée suite à une grâce accordée par le président de la République. A l’époque, chose inhabituelle, aucune justification concrète de cette décision n’avait été donnée par le Château de Prague.

Václav Klaus,  photo: Archives du Gouvernement tchèque
Deux ans plus tard, l’affaire remonte donc à la surface. Selon le magazine Respekt, il existe deux témoins auxquels Radka Kadlecová a affirmé que la grâce dont elle a bénéficié a été achetée. Ces deux témoins sont le psychiatre judiciaire qu’elle a consulté peu avant l’exécution de sa peine et le maire de la commune où elle réside, auquel elle avait demandé d’écrire une lettre plaidant sa cause au bureau du président de la République. Plus tard, Radka Kadlecová lui aurait toutefois confié qu’il ne s’agissait que d’une formalité, des conseillers de Václav Klaus ayant accepté des pots-de-vin.

Très irrité, le chef de l’Etat n’a pas tardé à réagir à ces accusations publiées un hebdomadaire « criminel » :

« Je suis extrêmement indigné, outré et écœuré. J’oppose mon veto, j’oppose un veto catégorique, j’exclue la possibilité qu’une telle chose ait pu se passer. La technique selon laquelle sont accordées les grâces ne le permet absolument pas et je ne peux pas imaginer comment cela aurait pu se passer. »

Photo illustrative: Barbora Kmentová
Lundi, suite à la publication de l’article, la police a commencé à rassembler les documents sur la base desquels elle décidera s’il y a bien lieu d’ouvrir une enquête ou si, plus vraisemblablement, l’affaire peut être classée. Celle-ci a néanmoins provoqué de vives réactions au sein de la classe politique. Le parti social-démocrate (ČSSD), principale formation de l’opposition, a ainsi demandé à ce que toute la documentation relative au dossier de Radka Kadlecová soit mise à disposition du public, et ce bien que l’entourage du président soit tenu, en temps normal, de garder secrètes ces informations parfois très sensibles. Quant au parti de coalition TOP 09, ses responsables proposent que la grâce présidentielle ne soit plus seulement un pouvoir exclusif du chef de l’Etat, mais aussi d’un autre organe.