Presse : l’aide tchèque aux réfugiés ukrainiens face aux tendances nationalistes

Cette nouvelle revue de la presse se penche d’abord sur les malentendus que certaines formations politiques d’opposition cherchent à instiller entre la population et les réfugiés ukrainiens. Il y sera également question de l’impulsion que ces derniers signifient pour le marché du travail local. Quelques remarques ensuite sur les incertitudes que la situation actuelle a fait surgir et sur l’enseignement de la langue russe dans les écoles élémentaires tchèques. L’agenda international de la presse locale a été marqué, outre la guerre en Ukraine, par la victoire de Victor Orbán aux élections en Hongrie.      

Il faut aider non seulement les réfugiés ukrainiens, mais aussi les citoyens tchèques. Cette phrase caractérise le discours auquel des politiciens d’opposition locaux ont de plus en plus souvent recours pour encourager certaines tendances qui sommeillent au sein de la société tchèque. Le journal Deník N a apporté à ce sujet quelques précisions :

« Il y a tout d’abord l’ex-Premier ministre Andrej Babiš et son mouvement ANO qui prétendent que le gouvernement tchèque ne s’intéresse pas assez à la population de son pays. Ce discours qu’il utilise depuis les premiers jours de la guerre en Ukraine se durcit. Evidemment, le clivage entre ‘les nôtres’ et les réfugiés fait également partie et ce depuis longtemps du bagage idéologique de Tomio Okamura et de son parti d’extrême droite SPD (Liberté et démocratie directe) qui réclame un plafond en lien avec l’accueil des réfugiés ukrainiens. »

Le chef de gouvernement Petr Fiala considère ces positions comme  « cyniques et politiquement répugnantes » et continue d’insister sur l’aide à apporter aux Ukrainiens. Selon les sociologues cités par le journal Deník N, le fait de jouer la carte nationaliste est aujourd’hui très irresponsable, car il accentue le risque d’un conflit potentiel au sein de la société. Le journal souligne :

« Le gouvernement ne doit pas attendre jusqu’à ce que les problèmes surgissent. Il doit agir vite et accorder son attention à tous ceux qui se sentent marginalisés et oubliés. Il se peut que l’on se trouve au seuil d’une crise grave et irréversible. Voilà pourqui le gouvernement est appelé à ne pas laisser les gens se noyer dans leurs problèmes. Pour que l’aide généreuse que la Tchéquie accorde aux réfugiés ukrainiens perdure, le gouvernement doit expliquer qu’elle ne se déroule pas au détriment d’autres gens qui en ont également besoin. »

Les Ukrainiens, une nouvelle impulsion pour le marché du travail tchèque

« Les Ukrainiens transforment la Tchéquie », titre un article publié dans la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt. A partir de plusieurs exemples illustrant ce constat, son auteur explique :

Photo illustrative: René Volfík,  ČRo

« L’arrivée en Tchéquie de quelque 300 000 réfugiés ukrainiens signifie pour le pays un nouvel espoir qui touchera plusieurs domaines, dont en premier lieu le marché du travail. Selon les dernières données du ministère du Travail et des Affaires sociales, il y a actuellement dans le pays près de 150 000 postes vacants. Les entreprises, toutes orientations confondues, cherchent non seulement des travailleurs non qualifiés, mais aussi ceux capables d’assurer des travaux hautement qualifiés. »

La santé publique et le secteur de l’enseignement figurent parmi les domaines auxquels l’arrivée de ressortissants ukrainiens pourrait insuffler un nouvel élan. Le chroniqueur de Respekt explique que la Tchéquie fait depuis longtemps face à une pénurie d’infirmières et de certaines spécialités médicales, dont notamment la pédiatrie :

« Pour assouplir les règles sévères qui s’appliquent aux très nombreuses professions dites régulées, la Tchéquie a adopté d’urgence plusieurs lois qui réagissent à la situation actuelle et qui permettent aux réfugiés ukrainiens d’exercer leurs professions qui sont également de grande nécessité pour la Tchéquie. Pour le travail dans les services sociaux ou pour la garde d’enfants, par exemple, il leur suffit désormais une simple déclaration attestant de la formation requise. »

L’absence de Miloš Zeman en mai à Moscou, une certitude dans une période d’incertitudes

Nous vivons une époque des grandes incertitudes. Il existe pourtant, selon l’auteur d’un article publié sur le site Seznam Zprávy, une certitude inattendue :

Manifestation devant le Château de Prague contre la grâce accordée par le président Miloš Zeman | Photo: Michal Kamaryt,  ČTK

« Le sentiment de certitude constitue un des besoins élémentaires de chaque individu, or force est de constater que l’époque que nous vivons ne peut guère le satisfaire. Impossible, bien sûr, de comparer nos incertitudes vitales avec les souffrances des gens en Ukraine. Mais bien que nos situations soient incomparables, le mécontentement de la population monte en flèche. Il y a peu de choses sur lesquelles on puisse compter et que l’on puisse projeter et vers lesquelles on pourrait s’attacher. La foi en un avenir meilleur était déjà fragile avant la guerre de Poutine contre l’Ukraine. Celle-ci l’a transformée en un sentiment d’angoisse durable. »

La mosaïque d’incertitudes a été récemment « enrichie » par Miloš Zeman qui a accordé une grâce présidentielle à un homme condamné pour manipulation de marché public. « Une gifle à tous les Tchèques honnêtes pour lesquels le vol est quelque chose de mal et un acte criminel doit être puni », écrit le commentateur de Seznam Zprávy avant de conclure sur un ton ironique :

« Face à toute une gamme d’incertitudes, on peut distinguer une certitude qui paraît évidente. C’est qu’en mai, le président de la République Miloš Zeman n’ira pas célébrer aux côtés de Vladimir Poutine, ‘un fou qu’il faut isoler’ selon ses propres paroles, la fin de la guerre à Moscou. La fin de la guerre est effectivement fort incertaine. »

La victoire d’Orbán ou une autre perspective pour l’Europe centrale

« Victor Orbán célèbre sa victoire ‘visible jusque de la Lune’. Mais elle a noyé le groupe de Visegrád dans une nébuleuse », titre un article publié au lendemain des élections en Hongrie sur le site aktualne.cz. Le gouvernement de Petr Fiala voudra-t-il poursuivre sa collaboration avec la Hongrie ?, s’interroge son auteur avant de se pencher sur les nouvelles perspectives auxquelles ce résultat invite les pays de l’Europe centrale :

Viktor Orbán | Photo: Petr David Josek,  ČTK/AP

« Le récent voyage commun des chefs de la diplomatie tchèque, slovaque et autrichien en Moldavie, un pays qui a accueilli des centaines de milliers de réfugiés ukrainiens et qui pourrait devenir la prochaine victime de l’agresseur russe, a confirmé le bien-fondé de cette question. Déjà la précédente expédition des trois ministres vers les lignes de front au Donbass a montré que l’alliance en Europe centrale pouvait exister hors du groupe de Visegrád. La mission en mars à Kyiv des chefs de gouvernement tchèque, polonais et slovène a lancé un signal similaire. Au moment où Varsovie persiste sur l’intensification de l’aide à l’Ukraine, la poursuite de la coopération du groupe de Visegrad dont la Hongrie et son dirigeant pro-Poutine fait partie, est difficilement imaginable ».

Ce groupe pourtant, comme le souligne le commentateur, n’a pas seulement une dimension politique. Durant les trente années de son existence, il a permis, via le Fonds international de Visegrád, à des milliers de gens des quatre pays membres de nouer des amitiés et des collaborations dans les domaines culturel, scientifique et autres. « La volonté de se référer au groupe de Visegrád peut s’épuiser dans les différents pays, mais celui-ci ne disparaîtra pas pour autant à cause d’une divergence en matière de priorités », estime-t-il.

L’intérêt d’apprendre la langue russe diminue

La guerre en Ukraine a un impact, aussi, sur le choix de la deuxième langue étrangère dans les écoles élémentaires tchèques, l’anglais restant le premier choix. Ce choix qui concerne trois langues, le français, l’allemand et le russe dépend de la future orientation profesionnelle supposée des élèves ou de leurs sympathies à l’égard de telle ou telle nation ou encore de la position géographique de l’école. Le journal Lidové noviny a également rapporté :

Photo: CPRESS

« Jusqu’en 1990, le russe était obligatoire dans les écoles tchèques  avant de devenir facultatif comme deuxième langue. Depuis quelques années, l’intérêt pour la langue russe a fortement augmenté : tandis qu’il y dix ans, il n’y avait que quelque 41 000 élèves qui la choisissaient, cette année il y en avait près de 70 000. Un intérêt lié à la perspective d’affaires commerciales. »

En ce moment, les élèves tchèques doivent se décider pour une deuxième langue pour la prochaine année scolaire. Les écoles que le journal Lidové noviny a interrogées à ce propos confirment que l’intérêt pour le russe s’annonce plus faible que précédemment.